CHRONIQUE : HIPSTERS, QUELLE BARBE !

Invasion pileuse à l’horizon. Je ne parle pas de votre rentrée après des vacances loin de votre esthét’ mais de cette tendance adoptée tardivement (c’est à dire après une escale à Paris) par les Marocains, devenue hégémonique en 2017 : la barbe de hipster.

C’est la partie visible de l’iceberg, la barbe. Cinq ans après que les premiers barbus de Brooklyn (celui de NYC, pas de la Corniche) aient décidé d’arborer fièrement le poil au menton, les Marocains ont décidé d’abandonner Gillette au profit de Ginette NY (http://www.ginette-ny.com/US/). En 2017, Ben Laden aurait été un hipster. Même barbe hirsute, entretenue chez un barbier professionnel à 500 DH le coup de blaireau (l’ustensile, l’autre c’est gratos) même blouson « camo » et mêmes slide sandals.

Mais c’est quoi un hipster ? Ça ne peut pas être qu’un barbu me direz-vous, autrement Bachir le gardien de votre enfance serait un early adopter à faire entrer au panthéon de la Mode. Non, à la base, un hipster ce n’est pas quelqu’un avec des hips (hanches, ndlr), donc pas Tata Fatema, mais un mouvement de la contre-culture américaine survenu bien avant les années 2010, dès 1940. Il s’agissait, en somme, d’adopter les codes des noirs américains pour emmerder le puritanisme blanc. Comment est-on passé d’un discours contestataire à une mode de chemises à carreaux, Stan Smith et Timberland, graines de chia et boucher organique ?
Toujours est-il qu’on y est. Casablanca et les autres villes du Maroc voient débouler une armée de barbus, et ce n’est pas Daesh (Dieu merci). Le mec imberbe de ton adolescence se rase le crâne et arbore une forêt de frisottis qui lui font prendre dix ans, fier de sa métamorphose en leader branché d’un mouvement dont il ignore la signification. Car en vrai, être un hipster, ça va beaucoup plus loin que mixer des codes rétro et la chemise de bûcheron, les plats bio et les postures de vinyasa, faire du surf en août et une retraite de méditation en décembre, inscrire ses gosses à Montessori et s’offrir le dernier Wrangler à l’empreinte carbone gargantuesque. Et si tout le monde devient hipster en mélangeant une louche de tendances, une cuillère de bobo et une pincée de green, allégrement la minorité devient majorité, la contestation n’est alors plus qu’un effet de mode.

La barbe ne fait pas le muezzin. Un hipster revendique un certain anticonformisme et une alternative à la société (de consommation actuelle) : les virées à la Vie Claire ne résument que moyennement cet engagement. Pour être un vrai hipster au Maroc, il faudrait peut-être adopter les codes de ceux qui ont beaucoup de choses à dire, mais qui ne peuvent que se taire. Être hipster aujourd’hui serait de renoncer au mode de vie consumériste. Chemises à carreaux et cantines bio, sans une bonne dose de civisme et d’engagement en faveurs des libertés individuelles, ne suffisent pas. Mais si leur barbe a traversé l’Atlantique, les valeurs et revendications des hipsters ne sont pas encore arrivées dans nos rues.

Soraya Tadlaoui

Amoureuse de mode et d’(entre)chats, Soraya Tadlaoui a étudié à Paris la conception rédaction et la danse. Après une première expérience auprès du service de presse de Burberry, elle fait ses armes à la rédaction d’ABCLuxe, au Glamour, en tant que styliste photo auprès du Bureau de Victor agence de photographe, puis à L’Express.fr/Styles. En 2009, elle s’envole pour New York à la poursuite de ses deux passions, avant de tenter l’aventure casablancaise en 2011. Elle intègre alors la rédaction de L’Officiel Maroc. Depuis, professeur de danse, styliste, rédactrice freelance pour différents supports de presse, éditrice de contenus en communication éditoriale et rédactrice web pour le webzine nssnss.ma, elle surfe sur la tendance et sur les petites vagues de Dar Bouazza.

Pas Encore De Commentaires

Laisser une Réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

@shoelifer

Instagram