CHRONIQUE : NOT JUST A LABEL

Alors que les grandes maisons réinventent le statut de créateur, tout le monde se met à faire de la mode et se décrète créateur. À l’international, en Europe et aux Etats-Unis, mais aussi au Maroc –pour la mode contemporaine–, il est de bon ton de lancer sa « marque », d’être « créateur de mode ». Loin de moi l’idée de critiquer sans fondement les élans de créativité des uns et des autres. En revanche, prenons le temps de vérifier la définition du mot créateur. « Premier auteur de quelque chose » « inventeur », dit le respecté Larousse. On conviendra donc logiquement que dans « créateur » il y a « créer ». D’où mon émoji « se gratte la tête » quand je vois le nombre de labels qui explose, sur Instagram et ailleurs, juste parce qu’une robe a un ourlet de couleur. Bien sûr il faut saluer l’offre pléthorique en matière d’habillement, cela permet de se singulariser et de faire autre chose que cliquer frénétiquement sur l’onglet « nouveautés » de Zara. Mais, ce qui me gêne, c’est l’abus de langage. Créer sa marque ne veut pas dire être créateur. Pour cela, il faut inventer: si ce n’est un nouveau modèle, alors une philosophie stylistique, ou du moins un ADN différenciant, quelque chose qui mérite que l’on s’octroie le terme « créateur ». Un tee-shirt blanc reste un tee-shirt blanc, quel que soit le label. Pour qu’il soit unique il faut que la griffe en fasse quelque chose, un détail subtil, une matière spécifique travaillée, peu importe.
Comment créer alors que tout a été fait, me direz-vous ? On ne va pas réinventer la chemise, ou créer un nouveau pantalon, ou révolutionner via un nouveau vêtement ? Mis aujourd’hui l’innovation ne réside pas tant dans la pièce, que dans la manière de la porter. Inventer une allure, créer une nouvelle silhouette, c’est le credo des marques les « plus créatives du moment » Les marques se démarquent en proposant une silhouette originale dans le rendu global et non dans chacune de ses composantes.

On crée sa marque pour se démarquer

Serait-ce l’excès d’individualisation qui provoque cette avalanche de nouvelles marques ? Chacun veut créer son vestiaire idéal dans une sorte de narcissisme vestimentaire ? Les « créateurs » sont à la mode ce que l’entreprenariat et la start-up sont à l’économie. Il ne s’agit pas de fustiger, mais de souligner une tendance actuelle.
Celle de vouloir faire « soi-même », en considérant que son idée / son envie est meilleure que ce que l’on trouve sur le marché. Et profiter peut-être d’une lassitude du mainstream pour justifier son existence en tant que « petite marque de créateurs » qui produit en quantités limitées et permet ainsi à sa consommatrice d’avoir l’impression d’acquérir de l’unique. C’est la réponse d’une génération à la fast fashion : une foule de férus de mode dopés aux réassorts d’Inditex (groupe espagnol dont les marques sont Zara, Massimo Dutti, Bershka, Oysho, Uterqüe, Pull and Bear, Stradivarius, etc. ndlr) qui décide d’injecter un peu d’éthique et d’originalité dans son dressing. Les réseaux sociaux, un canal de communication accessible à tous, ont probablement aussi participé au phénomène, permettant de mettre en avant ses créations en deux trois clics. En clair, on crée sa marque pour se démarquer.

Client cherche création originale

Difficile pour le client en revanche d’y trouver ses marques, entre les tendances copiées les unes sur les autres, à se demander au final, qui est l’inventeur de la fameuse création. Au Maroc en particulier, où l’on ne compte plus les pages Facebook de marques personnelles, enregistrées ou non, qui utilisent le réseau social comme canal de vente. Tant mieux pour le prêt-à-porter contemporain, où l’on n’avait le choix il y a peu qu’entre Mango et Marwa, et pour les plus floussés entre Gucci et Dior. Mais peut-être est-il temps de se structurer pour permettre à ces marques de mieux exister. Back to basics, une marque c’est « un signe distinctif qui permet au consommateur de distinguer le produit ou service d’une entreprise de ceux proposés par les entreprises concurrentes. La marque peut être matérialisée par un nom propre, un mot, une expression ou un symbole visuel »… et une création originale, tant qu’à faire.

Soraya Tadlaoui

Amoureuse de mode et d’(entre)chats, Soraya Tadlaoui a étudié à Paris la conception rédaction et la danse. Après une première expérience auprès du service de presse de Burberry, elle fait ses armes à la rédaction d’ABCLuxe, au Glamour, en tant que styliste photo auprès du Bureau de Victor agence de photographe, puis à L’Express.fr/Styles. En 2009, elle s’envole pour New York à la poursuite de ses deux passions, avant de tenter l’aventure casablancaise en 2011. Elle intègre alors la rédaction de L’Officiel Maroc. Depuis, professeur de danse, styliste, rédactrice freelance pour différents supports de presse, éditrice de contenus en communication éditoriale et rédactrice web pour le webzine nssnss.ma, elle surfe sur la tendance et sur les petites vagues de Dar Bouazza.

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