HUMEUR: “BAGHI NTZEWEJ” : COMMENCE PAR DEMANDER POLIMENT, NON ?

Vous avez passé quelques jours dans une grotte ? Vous avez raté le scandale de la pub Nestlé Maroc? Installez-vous, on vous raconte comment la filiale de la boîte d’agroalimentaire a réussi à rabaisser les femmes à coups de stéréotypes bien choisis. Ce n’est bien sûr ni le premier ni, malheureusement, le dernier dérapage du genre.  On serait presque habituées, à force. Mais il reste primordial de les pointer du doigt. Systématiquement.

L’affaire

Nestlé, multinationale qu’on ne présente plus, a choisi pour sa nouvelle campagne de tourner un faux reality show, mais une vraie web-série. Pour les fans de séries qui nous lisent, nous sommes ici dans un très mauvais remake de Unreal, avec la gêne en plus. Le pitch de “Baghi Ntzewej” (je veux me marier) ? Une mère veut marier son fils, un certain « Sidi Anas » (s’il vous plaît). En face, quelques jeunes filles (toutes mimi et visiblement “bnat diorhoum”), concourent pour gagner le cœur du jeune homme… Jusque là, rien de bien grave me direz-vous, qu’elle le marie donc ! Mais le fond du problème se trouve dans le processus de sélection. Dans le premier épisode diffusé, pas de quizz de culture gé,  pas de questionnaire à remplir pour découvrir les points communs des prétendantes avec the bachelor  ou découvrir ce qu’elles cherchent dans la vie, comment elles voient la vie de couple et le mariage. Non. Les jeunes femmes sont jugées sur leur aptitude à cuisiner, en incorporant des produits Nestlé, of course, dans leur recette. (Si une autre multinationale lit ceci, si vous avez des produits ménagers à vendre, vous savez ce qu’il reste à faire : un concours de serpillière !). Et le jury, c’est la maman. Une fois les plats devant elle, cette dernière n’y va pas de main morte : « Ça, il n’aimera pas », « Qui a fait ça ? C’est infect ! », etc. Le reste est à l’avenant.

Question de cible ?

Evidemment, ce premier épisode de “Baghi Ntzewej” a suscité une levée de boucliers sur les réseaux sociaux et dans la presse. Jusqu’ici, tout est normal. Mais le pire c’est qu’on a pu lire, ici et là, des réactions parfois plus affligeantes que la pub elle-même. Des commentaires qui nous rappellent que l’on vit dans un pays où des femmes soutiennent un présumé violeur en insultant la victime et en lui lâchant, hystériques : “Tu as de la chance, on aimerait toutes être à ta place”.
Les remarques des défenseurs de Nestlé Maroc s’adressent à NOUS, c’est à dire à tous ceux et celles qui ont été choqués. Nous expliquant par A+B que nous n’avons pas à juger le travail d’une si grande entreprise, que de toutes façons nous ne sommes pas la cible visée et que puisque nous ne représentons pas l’ensemble des Marocains, nous pouvons nous taire. Bizarre, la dernière fois que j’ai vérifié, mes deux parents étaient marocains, moi aussi, mes enfants aussi, je parlais arabe, buvais du thé et mangeais des cornes de gazelle…
Et puis, l’image de la femme, sans cesse égratignée, malmenée et piétinée, n’est-elle pas un problème qui nous regarde toutes –et tous ?
N’en déplaise aux producteurs de clichés et à leurs défenseurs, il y aura toujours “une bande de chieurs et de chieuses” (si vous me passez l’expression) prêts à vous tomber dessus lorsque vous nous prendrez pour des manches à balais, des robots du genre Moulinex ou Dyson.

Tout est bien qui finit bien ?

Finalement –et heureusement– le bad buzz a gagné. Ce jeudi 26 avril, Nestlé Maroc a présenté ses excuses, dans un communiqué, à ceux ou celles qui ont été heurtés par la web-série. Précisons quand même que l’entreprise avait dans un premier temps défendu la pub en question… Passons. On peut lire dans ce communiqué que “NESTLE Maroc prend en compte les réactions […] suite à la diffusion du premier épisode de la web-série” , qu’elle “en prend acte en décidant d’interrompre ce programme et remercie ses fidèles consommateurs de l’avoir aidé à prendre conscience de sa maladresse.”
Alors ? Faute avouée à moitié pardonnée, dit l’adage. Mais est-ce suffisant ? Les femmes n’ont-elles pas assez de chats à fouetter et de combats Ô combien plus importants à mener ? À l’époque de Time’s Up, alors que les grands patrons et les figures de l’entertainment tombent après avoir sévi, parfois pendant des années, en toute impunité, pourquoi se retrouve-t-on encore à réprimander une marque sur la façon dont elle vend sa crème fraîche?

Alors, oui, il faut donc rester vigilant(e)s, surveiller, twitter, partager et taper sur son clavier à chaque nouveau faux pas. Pas besoin d’être une féministe enragée, un simple partage suffit.

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Farah Nadifi

C’est d’abord à une carrière d’avocate que Farah aspire, après avoir eu son bac à Marrakech. Rapidement, néanmoins, sa passion pour la mode la rattrape. Née à Paris où elle vit jusqu’à ses 14 ans, elle baigne dans ce milieu : sa mère fait carrière dans le retail de luxe. Après être passée chez YSL, Salvatore Ferragamo, Giorgio Armani ou encore Miu Miu, elle est approchée pour diriger le premier flagship de luxe à Casablanca : la boutique Fendi. Elle la dirige quatre ans avant de devenir acheteuse pour Gap et Banana Republic. Mais au bout de 10 ans de carrière dans le retail, elle se lance dans une nouvelle aventure en s’essayant à l’écriture. C’est avec Sofia Benbrahim qu’elle collabore d’abord, pour L’Officiel Maroc, puis Shoelifer, en tant que journaliste mode et lifestyle.

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