LE COME BACK DES PARFUMS ALDÉHYDÉS

 

Une odeur de bougie ou de fer à repasser dans votre parfum Chanel ou Hermès ? Tout ce qu’il faut savoir sur le retour des aldéhydes en parfumerie.

Le parfum aldéhydé est un peu comme le pantalon flare, le bon vieux patte d’éph’ inventé pour les marins par la marque américaine Seafarer en 1900. Difficile à porter et connoté 70’s, le flare a disparu de la circulation pendant plusieurs décennies, refaisant surface de temps à autre, réinterprété par les créateurs dans des versions plus chic et plus flatteuses, avant de sombrer de nouveau dans le ringard. Pourtant, bien coupé, le flare est super classe. Il fait des jambes interminables, moule le postérieur de façon subtile (pas vulgaire, donc) et donne une allure de reine du disco.
Les parfums aldéhydés semblent suivre la même trajectoire fashion: ils plongent dans l’oubli et font surface de temps en temps avant de retomber dans les abîmes de la mode. Pourtant, cette odeur métallique, savonneuse, évoquant la cire de bougie ou encore le fer à repasser, ajoute une touche de classe folle à une composition. Et fait du parfum aldéhydé une pièce obligatoire du dressing olfactif.

Une odeur de « fer à repasser » !
La Société française des parfumeurs nous apprend que les aldéhydes sont des molécules synthétiques, même si certaines existent à l’état naturel dans le zeste des agrumes. Découverts en 1835, on les classe par le nombre d’atomes de carbone qu’ils contiennent : aldéhyde C6, aldéhyde C7 ou encore aldéhyde C12…. Mais si leur nom manque de glam’, ce n’est pas le cas de leurs senteurs, si recherchées par les nez. Découverts dans l’huile essentielle de rose, les aldéhydes C9 et C11 évoquent la cire de bougie. Les aldéhydes C8, C10 et C12, naturellement présents dans le zeste des agrumes, ont quant à eux une touche plus métallique. Ils rappellent un « fer à repasser » chaud. Un effluve qui caractérise l’ouverture de bon nombre de parfums.

Du N°5 à Rive Gauche
Paris, 1912. Robert Bienaimé crée pour la Maison Houbigant le somptueux Quelques fleurs (toujours en vente). Dans ce bouquet floral, le nez français a eu l’audace d’incorporer des notes de synthèse : l’hydroxycitronellal à l’odeur de muguet… et l’aldéhyde C12. Bingo ! La modernité du parfum plaît énormément, aux clientes comme aux nez. Notamment Ernest Beaux qui va créer, quelques années plus tard, le N°5 de Chanel. Dans ce chef-d’œuvre de la parfumerie, les aldéhydes –largement présents et perceptibles– donnent au parfum un côté puissant, à la fois artificiel et sensuel. Cette bombe olfactive a réellement ouvert la voie à d’autres grands parfums dans lesquels les aldéhydes occupent une place de choix. On pourrait citer Crêpe de Chine de Millot, symbole de la féminité des années folles, Arpège de Lanvin, Ma Griffe de Carven et, beaucoup plus tard, L’Interdit de Givenchy, Calèche d’Hermès, First de Van Cleef & Arpels, Rive Gauche d’Yves Saint Laurent ou encore Diva d’Ungaro, lancé en 1983.

Cette déferlante prend fin au début des années 1990. Depuis, les lancements de parfums de cette sous-famille se comptent sur les doigts de la main. L’utilisation massive des aldéhydes dans les produits cosmétiques (maquillage, produits d’hygiène, produits capillaires) aurait fini par détourner les amatrices de parfum de ces notes particulières. Bref, trop d’aldéhydes ont tué les aldéhydés.

Le grand retour
Mais c’est sans compter l’obstination de certaines maisons qui se réapproprient ces molécules pour en faire les stars de leurs nouvelles fragrances. Nous les retrouvons ainsi en 2014 dans Laine de Verre de Serge Lutens : ils constituent l’épine dorsale de ce parfum pour un rendu complexe, métallique et froid tout juste réchauffé par des muscs rassurants. La même année, Jean-Claude Ellena les convoquent dans le très aérien Terre d’Hermès Eau très Fraîche, pourtant lancé à destination d’une clientèle masculine (l’utilisation de ces molécules est rare dans les fragrances destinées aux hommes). Toujours en 2014, le duo de parfumeurs suédois Christine et Niclas Lydeen de la maison Agonist incorporent des aldéhydes dans une interprétation « nordique » et très étonnante du bois de oud : White Oud.

Deux années plus tard, c’est au tour de la maison Chanel de faire mumuse avec ces molécules attachantes dans le N°5 L’Eau. Non, il ne s’agit pas d’un vulgaire flanker du N°5, mais bel est bien d’un parfum à part entière, lumineux, incontestablement aldéhydé, et surtout surdosé en muscs blancs pour un effet clean mais classe. Enfin, impossible de passer outre Izia de Sisley, tant ce parfum lancé en mars 2017 semble renouer avec la tradition des grands floraux aldéhydés. Ici, le souffle des aldéhydes est délicieusement perceptible et la rose, star de la composition, acidulée. Reste à supporter le flacon au design plutôt particulier. Mais « peu importe le flacon, pourvu qu’on ait… »

Laine de verre, eau de parfum, 100ml, Serge Lutens. Environ 1300 DH. www.sergelutens.com
Terre d’Hermès Eau très Fraîche, eau de toilette, 125 ml, Hermès. 1075 DH. En parfumeries.
White Oud, eau de parfum, 50 ml, Agonist. 1480 DH. En exclusivité chez Avery Perfume Gallery. Tél. : 05.37.67.33.66
N°5 L’Eau, eau de toilette, 100 ml, Chanel. 1447 DH. En parfumeries.
Izia, Sisley, eau de parfum, 100m, Sisley. 1957 DH. www.beautysuccess.ma

Shoelifer Team

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