RENCONTRE AVEC LA CRÉATRICE DE BETTINA VERMILLON, QUI FAIT COURIR LES FEMMES EN TALONS DE 10

Bettina Vermillon, jeune marque de souliers de luxe qui monte, qui monte, qui monte est désormais représentée par le multimarques casablancais Cosmopolite. Ayant appris la venue de Lorraine Archambeaud, qui se cache derrière les talons travaillés de Bettina Vermillon, nous avons sauté sur l’occasion de la rencontrer. Pourquoi ? Parce que ses modèles remplissent deux promesses : ils sont beaux et confortables ! Or, nos pieds savent bien, les pauvres, que chez beaucoup de chausseurs le glam’ prime trop souvent sur le confort. On cavale rarement sur des talons de 10, et encore moins de 12.  Et Lorraine, qui a une longue carrière de designer de meubles derrière elle, a su faire de son audace une véritable arme de séduction. Les talons de Bettina Vermillon, en aluminium tantôt facetté, tantôt ciselé, tantôt lisse, sont fabriqués par des fournisseurs d’avions de chasse… La témérité de Lorraine nous a interpelées, voici ce qu’on en retient.

Comment passe-t-on des meubles aux souliers?
Lorraine Archambeaud: D’un heureux concours de circonstances. À l’origine, je suis effectivement designer de meubles. Et avant Bettina, j’ai travaillé chez Courrèges pendant 10 ans. Là-bas, j’ai switché vers les accessoires “durs”, c’est à dire les montres ou encore les lunettes. Puis, mon troisième enfant est arrivé, un peu par surprise. Au même moment, mon mari a vendu son entreprise. Il m’a alors soufflé : “À ton tour, réfléchis à ce que tu veux faire, profite de ce 3e congé maternité pour te poser les bonnes questions. Si c’est le soulier, vas-y. Je ne te demande pas de lancer une marque, je te demande de faire de belles choses”. J’ai alors démissionné et je suis retournée à l’école pour apprendre à fabriquer des chaussures : je ne savais pas du tout comment faire.

Tu es aujourd’hui connue pour tes talons en aluminium, une véritable singularité dans le milieu de la mode. Explique-nous ?
Issue du monde du mobilier, c’est quand ma création est contrainte par un cahier des charges très lourd que je me sens le mieux. J’ai très peur de la feuille blanche, alors que les contraintes techniques sont un vrai challenge pour moi. J’ai donc commencé par la technique et le talon avant de penser à l’esthétique.

“Mon talon c’est mon pied de chaise. S’il n’est pas parfaitement triangulé et posé, la chaise ne tient pas

Car le talon est primordial. Comme toutes les femmes, je me suis rendue compte qu’il y avait un grand problème au niveau de leur mise au point, avec ces fameux talons en plastique : on se demande un petit peu qui supporte qui. On se met presque sur la pointe des pieds en se disant que notre talon va nous lâcher alors que cela devrait bien évidemment être l’inverse. J’ai donc eu le réflexe d’aborder le soulier comme une chaise ! Mon talon c’est mon pied de chaise. S’il n’est pas parfaitement triangulé et posé, la chaise ne tient pas.

“Il n’y a aucune raison de garder une paire de Stan Smith dans son sac pour changer de shoes dès que l’on a besoin de bouger”

Au XXIe siècle, nous ne sommes plus des princesses confortablement installées dans de jolis salons. Nous avons mille vies en une journée et il n’y a aucune raison de garder une paire de Stan Smith dans son sac pour changer de shoes dès que l’on a besoin de bouger. Surtout avec ce que peut nous apporter la technologie. Aujourd’hui, je fais fabriquer mes talons chez un sous-traitant de Dassault qui manufacture habituellement des pièces de Formule 1… Je lui ai donné mon premier talon, que j’avais d’abord façonné sur un banc de ponçage, pour le réaliser en aluminium : c’est le talon Facette. Lorsque vous le regardez, il paraît assez simple. En réalité, il comporte 57 facettes. Et dès le départ, le résultat était là ! Le talon était parfaitement d’appoint et l’escarpin, nickel. Ce monsieur a commencé avec un talon et aujourd’hui, il produit mille paires par saison.

Pourquoi les chaussures à talon sont-elles si complexes à concevoir ?
C’est très compliqué car il n’y a pas une seule face plane. Tout est dans le sur-mesure, dans la forme, la cambrure et la pointure. Ainsi, pour réaliser une paire, nous faisons appel à 15 sous-traitants différents. Aujourd’hui, nous proposons nos souliers du 36 au 42 : pour chaque demi pointure, il faut réadapter les 15 composants à la forme, à la taille et à la cambrure.  Il y a une réelle promesse de stabilité et de confort chez Bettina. Les talons sont réalisés à la hauteur, à la pointure et à la cambrure. Ainsi, un talon 36 est posé sur un vrai 36. En ABS (plastique), ce n’est pas la même démarche : pour éviter d’avoir trop de moules à produire, un talon 38 peut être posé sur un 36 : la cambrure n’est alors pas respectée.

“Avec des talons en acier vissés, on est parfaitement posée, on est stable, ça ne bouge pas”

L’autre détail important, c’est que les talons en ABS sont cloutés, ils peuvent donc se casser très facilement. Avec des talons en acier vissés, on est parfaitement posée, on est stable, ça ne bouge pas. Nous pensons même à proposer un coffret avec deux paires de talons, avec des designs différents, plus ou moins fin : une paire plus classique pour travailler et puis une paire plus flashy pour le soir.

Quand et comment a commencé Bettina Vermillon ?
Nous avons lancé notre première collection pour l’hiver 2015/2016. Notre première année nous a permis de tester et définir notre clientèle. Qui venait découvrir Bettina Vermillon? Qui avait envie de se percher sur des talons en aluminium? Nous avons lancé la marque en organisant des pop-ups, à Paris, à Londres ou encore à Bruxelles. La deuxième année, nous avons continué sur cette voie. Nous nous sommes rendu compte que sur 1200 paires vendues, nous avions 430 clientes. Elles sont donc fidèles, elle viennent en début de saison et reviennent compléter par la suite. Pour une jeune marque comme nous, c’est génial.

“Tout le monde a imaginé Bettina Vermillon comme une femme rousse”

Pourquoi Bettina Vermillon et pas Lorraine Archambeaud ?
Par instinct de protection. Pour préserver ma vie privée, mais aussi pour la marque qui a besoin de sa propre liberté d’expression. A travers mes voyages, surtout au Japon, je me suis rendu compte que le mot vermillon était universel. Il évoque chez toutes les femmes cette couleur qui n’est pas un vrai rouge, qui est assez subtile. En même temps il est très français phonétiquement : je voulais que la France soit ancrée dans la marque. Le patrimoine français c’est le luxe, il fallait l’assumer jusqu’au bout. Enfin, le prénom Bettina, complètement international, s’est vite imposé. Pour la petite histoire, j’ai choisi le copper comme couleur de la marque. Du coup, tout le monde a imaginé Bettina Vermillon comme une femme rousse.

Et aujourd’hui, quoi de neuf ?
Nous développons nos marchés, comme chez Cosmopolite à Casablanca, mais la grande nouveauté est notre premier point de vente parisien, ouvert le 26 mars dernier. Nous voulions nous ancrer quelque part. Nous avons pensé à Londres mais nous sommes une marque foncièrement parisienne, et depuis Pierre Hardy et Christian Louboutin, il n’y a pas de jeune marque de luxe à s’être attaquée aux souliers en France. Et puis, en réfléchissant au concept et à qui je suis, une fille d’expatriés ayant beaucoup voyagé, une designer passionnée d’architecture et d’art, j’ai réalisé que j’avais trop de choses à dire, et pas forcément que sur les chaussures. Nous avons donc ouvert un espace de 300 m2 au 1er étage d’un immeuble au croisement de la rue St-Honoré et de la rue Chevalier-de-St-George. Nous y installons Bettina Vermillon, mais pas que. Nous allons accueillir d’autres marques, organiser des dîners, des expos, des rencontres… On a déjà commencé. Passionnée par les meubles, je suis fan de designers, notamment Patricia Urquiola. J’ai appelé l’un de ses éditeurs et nous exposons aujourd’hui certaines de ses pièces. Nous avons aussi entamé une collaboration avec la maison belge de tapis Didden qui va proposer des pièces en fonction des collections de Bettina Vermillon, de nos matières, dès septembre. Je pense qu’une marque ne peut pas demander à ses clients de venir tous les 6 mois et rester muette entre temps.

Tu proposes aussi de personnaliser sa paire en permettant de choisir son talon et sa couleur.
C’est un service que nous allons proposer l’hiver prochain : une cliente pourra composer sa paire dans nos collections permanentes. Elle fera une session d’essayage pendant laquelle nous lui proposerons de choisir sa couleur de talon. Nous lui préparerons sa paire sur-le-champ, au même prix que les paires existantes.

Que penses-tu des talons que l’on peut clipser soi-même pour changer de hauteur ?
C’est ce qu’on promet, sauf que la tige n’est pas fixe, elle est complètement souple, comme celle des souliers Repetto. Mais lorsque l’on monte sur un 8,5 cm, il est impossible de marcher avec une tige souple, car on n’est pas maintenue. Le cambrion (pièce allongée reliant le talon à la semelle, ndlr) ne peut pas monter et descendre, car il est en acier. Si réellement c’était faisable, en garantissant le confort, ça n’arriverait pas maintenant, cela existerait depuis très longtemps.

Bettina Vermillon est en vente chez Cosmopolite,
18 avenue du Dr Mohamed Sijelmassi, Casablanca
Tél. : +212 5 22 49 02 32

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