EXCLUSIF : « Sonia Rykiel était la reine de son royaume de femmes »

La créatrice parisienne à la chevelure flamboyante n’est plus. Pour Shoelifer, un de ses proches collaborateurs se souvient. Témoignage.

Elle s’est éteinte hier matin. Triste nouvelle pour les modeux. Pour les intellectuels aussi. Celle que l’on surnommait « la reine du tricot » était aussi écrivain, actrice et gastronome. Depuis 1968, date d’ouverture de sa première boutique rue de Grenelle, les germanopratins croisaient régulièrement cette étonnante crinière rousse : parfois dans la rue et souvent au Café de Flore, toujours dans la salle intérieure, ou elle commandait le club sandwich qui porte son nom.

En plus de 40 ans, la petite marque de tricot est devenu un emblème du chic à la française, décontracté et ultra-féminin. Doit-on rappeler sa signature ? Les rayures et le noir ? Quelle modeuse n’a jamais craqué pour son fameux pull ajusté à message, à petites poches ou encore à nœud papillon, pour ses robes en maille, pour ses sandales compensées ? Et pas que… La rousse la plus connue de la mode est à l’origine de la couture à l’envers et a zappé les ourlets et les doublures de ses vêtements.

« Le noir est une couleur car il donne des couleurs à toutes les autres. »
Sonia Rykiel

De petits changements qui ont néanmoins révolutionné le monde de la création et fait de Sonia Rykiel une icône dans son milieu comme au cinéma. Robert Altman s’en est inspiré pour son personnage principal dans Prêt-à-porter, film satyrique sur le milieu de la mode sorti en 1994. Elle y joue d’ailleurs son propre rôle. Mais Sonia Rykiel aime avant tout la littérature. Grande lectrice, la marque expose en continu ses coups de cœurs dans les vitrines de sa boutique amirale, à l’angle du boulevard Saint-Germain et de la rue des Saints-Pères. Auteure, elle a signé un roman, une correspondance avec Régine Deforges et même un livre de contes pour enfants.

La parisienne éternelle s’en est allée à 86 ans après un long combat contre Parkinson mais laisse à sa famille comme à son entourage professionnel un héritage à la fois dense et plein de légèreté. Edouard Schneider, actuellement Directeur des Relations Presse et Publiques chez Louis Vuitton, fut Directeur de la communication de Sonia Rykiel de 2004 à 2012. Proche du duo mère-fille Sonia et Nathalie Rykiel, il témoigne avec beaucoup de tendresse et montre –en exclusivité pour Shoelifer– les dessins que la créatrice lui offrait.

« Sonia était mystérieuse et malicieuse. Elle observait beaucoup les gens et était toujours dans la séduction. Dès que vous lui parliez, pour une interview ou autre, c’est elle qui menait la danse. Les journalistes ne l’interviewaient pas, c’est quasiment elle qui les questionnait. Elle était extrêmement charismatique avec cette chevelure flamboyante, ces yeux verts perçants comme un chat. Mais elle était aussi très douce et très tendre, en particulier avec les filles de Nathalie.

Sonia adorait Nathalie, même si elle ne voulait pas trop le montrer. Nathalie au contraire, n’hésitait pas à le montrer. Elle s’est toujours énormément occupée de sa mère. Sonia, avait par ailleurs cinq sœurs, et que ce soit ses petites-filles ou ses nièces, toutes l’adoraient. Elle était la reine du royaume de toutes ces femmes et dirigeait tout.

Avec nous ses collaborateurs, elle était très attentionnée. Elle avait toujours des bonbons dans les poches à offrir et était très généreuse de ses dessins. Elle avait toujours des carnets à proximité pour croquer ses petites silhouettes et nous en donnait pour nous remercier. Nous ne voulions rien d’autre que ses dessins. Elle était géniale pour ça.

Pour ma part, j’ai beaucoup appris à ses côtés, par exemple en observant comment elle pouvait séduire ou retourner une situation. Dès que je suis arrivé chez Rykiel, elle a commencé, ne serait-ce que lors des entretiens d’embauche, à me séduire. Elle s’amusait à mettre Nathalie mal à l’aise avec son jeu de séduction. Elle disait toujours qu’elle adorait les hommes avec les pantalons très amples parce qu’elle aimait mettre ses mains dans leurs poches et qu’elle me détestait parce que je portais des pantalons trop moulants.

Loïc Prigent, qui a passé beaucoup de temps avec nous pour le tournage du documentaire The day before, m’a envoyé un petit message pour me rappeler que je murmurais toujours à l’oreille de Sonia. C’est vrai. Mais nous n’avions parfois même pas besoin de discuter. Elle vous regardait et comprenait. Pendant les essayages des collections, elle s’asseyait dans une chaise longue. J’adorais m’agenouiller près d’elle pour lui rapporter les dernières nouvelles ou lui montrer les dernières parutions. C’était notre truc. Elle s’intéressait à tout ce qui se passait. Sonia était une grande curieuse. »

« Sonia disait toujours qu’elle adorait les hommes avec les pantalons très amples parce qu’elle aimait mettre ses mains dans leurs poches »
Edouard Schneider

Les croquis de Sonia Rykiel offerts à Edouard Schneider.

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