SOFIA ALAOUI: “UN CINÉMA MAROCAIN QUI DEVIENT INTERNATIONAL EST POSSIBLE”

Attention, nouveau talent ! A 30 ans à peine, Sofia Alaoui va présenter son court-métrage, Qu’importe si les bêtes meurent, au festival américain de cinéma indépendant Sundance, qui débute ce 24 janvier 2020. Nous avons donc voulu en savoir plus sur cette jeune réalisatrice, ses inspirations et son univers. Interview.

Un court-métrage tourné en amazigh, avec des acteurs non professionnels, rencontrés à Imilchil et une histoire traitée sous l’angle de la poésie et du rêve. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Sofia Alaoui ne cherche pas à rentrer dans le moule. Eh bien ça lui réussit puisque Qu’importe si les bêtes meurent a été sélectionné par le principal festival de cinéma indépendant américain, le célèbre Sundance.

Dans ce film, elle raconte l’histoire d’un berger et de son père, isolés dans les montagnes de l’Atlas, dont le troupeau de moutons dépérit. Le jeune Abdellah part en quête de nourriture dans un village commerçant à plus d’un jour de marche. Mais quand il arrive au village, il découvre que celui-ci est déserté à cause d’un curieux événement qui a bouleversé tous les habitants.

Avec la mise en scène onirique de ce court-métrage Sofia Alaoui s’éloigne du format documentaire de Les vagues ou rien, co-produit par Ali n’Productions et 2M, diffusé en mars 2019 à la télévision et qui a rassemblé 2,3 millions de téléspectateurs. A noter que son précédent docu, Les Enfants de Naplouse, avait été diffusé en 2015 sur France 3 et TV5.
La jeune réalisatrice casablancaise –mais ayant passé une partie de son enfance en Asie–, a étudié le cinéma à Paris. Malgré son travail documentaire, elle nous confie ne pas chercher à faire “un cinéma de ‘réalisme’”, politique ou sociologique, mais vouloir “mélanger les genres”, en utilisant la mise en scène. La sélection de son court-métrage par le Sundance Film Festival montre qu’elle a peut-être trouvé sa voie.

Alors, qu’est-ce que cela fait d’avoir été sélectionnée par le Sundance Film Festival ?

C’est un des plus grands festivals du monde avec Cannes et Venise et le plus important aux USA : forcément, toute l’équipe (composée à 90% de Marocains) est très fière d’avoir été sélectionnée parmi 10.397 candidatures venant de 27 pays. En dehors de cette fierté, cette sélection va nous permettre de rencontrer des gens qui sont très difficiles d’accès, pour de futurs projets. Quand on a un film sélectionné par un festival comme Sundance, cela suscite de la curiosité, c’est donc une opportunité à saisir.

Plus généralement, chaque année des longs-métrages réalisés par des Marocains sont sélectionnés dans de grands festivals. C’est plutôt un bon présage pour l’avenir et j’espère que cela encouragera d’autres jeunes réalisateurs à poursuivre leurs rêves. C’est le signe que oui, ça peut marcher, avec une bonne dose de persévérance. Un cinéma marocain qui devient international est possible.

On sent, dans vos images, quelque chose de très onirique. Quelle part le rêve et l’imagination prennent-ils dans votre travail ?

Je ne suis pas une réalisatrice qui cherche à tout prix le “réalisme” comme on peut le voir souvent dans les cinémas arabes, et en particulier au Maroc. J’aime que le cinéma puisse mettre le doigt sur nos contradictions et nos désenchantements, mais sans être frontale dans le traitement. Qu’on puisse s’amuser à faire des films en mélangeant les genres cinématographiques, avec de belles images, comme le font très bien d’autres réalisateurs dans le monde !

Un cinéma qui se veut un manifeste social abrupt, mal filmé pour être “dans le vrai”, cela ne m’intéresse pas. Un cinéaste, pour moi, n’est pas un sociologue ou un politologue. Forcément, quand je questionne la société, je le fais avec mon regard d’auteur avec les outils qui sont les miens : ça passe notamment par de la mise en scène. 

Vous avez beaucoup voyagé, notamment pendant votre enfance. Quel pays vous inspire le plus et pourquoi ?

Je suis franco-marocaine et j’habite au Maroc. Donc, pour l’instant, le pays qui m’inspire le plus c’est le Maroc, même si c’est en Chine que je me suis construite et que j’ai eu le désir de vouloir faire du cinéma.

 

L’histoire de Qu’importe si les bêtes meurent, se déroule au Maroc. Est-ce que vous prévoyez de tourner de nouveau dans le royaume à l’avenir ?

Mes prochains projets se déroulent tous au Maroc. Je dois réaliser prochainement une série documentaire pour la télévision marocaine. Enfin, j’écris mon premier long-métrage et une série produite par Saïd Hamich (qui a notamment produit Much Loved ou Volubilis, ndlr) qui se déroule également au Maroc.

Comment vous définiriez le cinéma d’aujourd’hui ?

C’est une question assez vaste. Certaines personnes ont une idée très précise du cinéma et de ce que cela devrait être. Je ne théorise pas trop, pour être honnête. Ce que je vois, à mon niveau, c’est que le cinéma est en mutation, notamment avec les plateformes comme Netflix ou Amazon, qui changent la donne. Le côté mythologique du cinéma me semble mort dans le sens où l’on peut voir de très mauvais films, sans mise en scène, sans propos, dans les salles et qu’à contrario à la télévision ou sur Netflix, des pépites cinématographiques sont diffusées. Je pense par exemple à Marriage Story, qui a été une claque. Ce film 100% Netflix est d’ailleurs nominé dans toutes les catégories aux Oscars 2020. 


Lorsque l’on est soi-même réalisateur, comment aborde-t-on les films des autres ?

Je suis curieuse du travail des autres. Je travaille notamment beaucoup avec d’autres scénaristes et on s’entraide à tous les niveaux de fabrication de nos films. Avec eux, je suis plus dans l’analyse, on décortique le scénario quand c’est un projet en écriture, on questionne le montage quand il est en cours de post-prod. C’est assez technique.


Qui sont vos réalisateurs/réalisatrices de référence ?

J’adore le cinéma de Bong Joon-ho, Memories of Murder et Mother font partie de mes films préférés. Le cinéma d’Antonioni est aussi une référence pour moi. Après, je ne suis pas attachée à un réalisateur en particulier.


Quelle actrices ou acteurs vous aimeriez filmer ? 

Je ne pense pas trop à ça. Il y a beaucoup d’acteurs formidables que j’ai eu du plaisir à regarder dans des films marocains. Dans Qu’importe si les bêtes meurent, j’ai travaillé avec des acteurs non professionnels, rencontrés à Imilchil. C’était vraiment une expérience formidable que j’aimerais renouveler sur mon long-métrage.

Farah Nadifi

C’est d’abord à une carrière d’avocate que Farah aspire, après avoir eu son bac à Marrakech. Rapidement, néanmoins, sa passion pour la mode la rattrape. Née à Paris où elle vit jusqu’à ses 14 ans, elle baigne dans ce milieu : sa mère fait carrière dans le retail de luxe. Après être passée chez YSL, Salvatore Ferragamo, Giorgio Armani ou encore Miu Miu, elle est approchée pour diriger le premier flagship de luxe à Casablanca : la boutique Fendi. Elle la dirige quatre ans avant de devenir acheteuse pour Gap et Banana Republic. Mais au bout de 10 ans de carrière dans le retail, elle se lance dans une nouvelle aventure en s’essayant à l’écriture. C’est avec Sofia Benbrahim qu’elle collabore d’abord, pour L’Officiel Maroc, puis Shoelifer, en tant que journaliste mode et lifestyle.

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