#FOCUS – LA MODE S’INVENTE UN NOUVEAU GENRE

De Rad Hourani à Hamza Guelmouss, la mode contemporaine, la mode des millenials, est asexuée : le débat social sur le genre se reflète aussi sur les podiums. Moins de sexe dans la mode ? On fait bon chic, mais on ne fait plus bon genre.

Plus question de parler d’emprunter des pièces du vestiaire masculin pour faire genre. La chemise d’homme, le jean boyfriend ? Out. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de se déguiser en femme ou d’imiter les hommes, mais bien de trouver un compromis vestimentaire sans –littéralement– se donner un genre. Les hommes empruntent des coupes et couleurs féminines (cette saison, les monstres du retail, H&M en tête leur proposent volontiers des jupes-culottes) les femmes sont leurs égales et leur piquent volontiers l’allure.

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Rad Hourani.


Mélange des genres ou confusion des genres ?

Du corset au pantalon, la mode a accompagné la libération de la femme, qui a pris possession du vestiaire masculin (le fameux tailleur pantalon, le smoking, le jean, etc.) pour mieux s’affirmer. Mais après avoir oscillé entre l’hyper-sexualisation et la désexualisation des vêtements avec des silhouettes androgynes, filiformes et peu sensuelles, voici venue l’ère de l’asexualisation de la mode. Les créateurs proposent désormais une interprétation d’un vestiaire commun, mixte, où femmes et hommes piochent indifféremment leurs vêtements. Ils imaginent des modèles pour des silhouettes, sans distinction. Rien n’est plus féminin ou masculin. Égalité totale ? Fantasme d’un monde qui gommerait les différences ? Insolence d’une mode qui piétinerait les étiquettes ? Volonté de construire une identité totalement libre sans postulat préétabli ? Certainement.

Andreja Peji
ć et Caitlyn Jenner, héroïnes « gender fluid »

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Hood by air.

Une tendance, ou plutôt un mouvement, que l’on qualifie de « gender fluid », « gender neutral », ou simplement « unisexe », afin de traduire cette volonté de flouter les frontières des genres. Hommes aux cheveux longs, femmes en costume, au-delà de l’inversion des rôles tels qu’ils sont socialement convenus, il s’agit d’amorcer une complète égalité face au vêtement. Une décomplexion du genre qui va de pair avec une génération où certains tops modèles ou célébrités comme Andreja Pejić et Caitlyn Jenner, loin de le cacher, ont mis en avant leur changement de sexe, en faisant un atout. Et Vogue Paris a choisi le mannequin transgenre Valentina Sampaio pour la couverture de son numéro de mars 2017. Une première pour un magazine français.

De Rick Owens à Gucci

Côté podiums, la marque la plus emblématique de ce mouvement –où peut-être faut-il parler de révolution ? Probablement Hood by Air et sa culture underground –devenue ultra-désirable– qui met en avant cette libération sexuelle sauce 21e siècle. Une esthétique dont le précurseur a sans nul doute été, dès la fin des années 90, le rebelle Rick Owens, alors minoritaire dans cette approche.

Mais quand, en 2015, les filles et garçons du premier défilé Gucci par Alessandro Michele mixent les genres avec grâce, enthousiasme et fantaisie, l’unisexe est déjà beaucoup moins anecdotique. Les labels les plus en vue du moment, comme Vêtements, Rad Hourani ou Nicopanda, se définissent dans leur ADN fondateur comme gender fluid. Les marques mainstream se lancent également dans l’aventure avec une collection Ungendered proposée par Zara en mars 2016.

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Gucci.


Une beauté d’un autre genre

Désormais, tout le monde veut faire genre, depuis les griffes confidentielles au plus grandes enseignes. Roseanna, Guess, Vivienne Westwood, Mother, Garçons Infidèles, Raf Simons, J.W Anderson, et même le grand magasin Selfridges avec un rayon dédié « Agender », défient les règles du genre. Et si la mode ne pense plus au sexe en 2016, la beauté non plus. Maybelline a ainsi opté pour un ambassadeur masculin, le vlogueur Manny Gutierrez, pour mettre en valeur ses produits de maquillage en 2017. Quant à Cover Girl, la marque a choisi le vlogueur James Charles comme égérie.

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His and Hers, la collection unisexe de Guess.

« Il n’y a pas de féminité qui préexiste la robe » a écrit Judith Butler, une des figures de proue du mouvement des « gender studies » apparu dans les années 90,  l’ère de l’androgynie et de la déferlante du parfum mixte avec CK One, dans son essai Trouble dans le genre. Une citation, reprise il y a quelques semaines par Alice Pfeiffer (rédactrice en chef du magazine Antidote, très portée sur les questions du genre, NDLR) dans un article paru pour L’Officiel Paris, qui cristallise toute la consistance de cette tendance aussi sociale que mode.


Aujourd’hui, ceux qui aiment la mode ne veulent plus des modèles traditionnels, des normes figées. Ainsi, la toute jeune marque française Louie Louie, qui a –elle aussi- fait du mélange des genres son crédo, a pu élaborer sa collection 0 grâce à une campagne de crowdfunding sur la plateforme KissKiss BankBank.
Car la seule étiquette qui compte c’est celle qu’il y a sur le vêtement, et qui ne s’adresse plus qu’au genre humain.

Soraya Tadlaoui

Amoureuse de mode et d’(entre)chats, Soraya Tadlaoui a étudié à Paris la conception rédaction et la danse. Après une première expérience auprès du service de presse de Burberry, elle fait ses armes à la rédaction d’ABCLuxe, au Glamour, en tant que styliste photo auprès du Bureau de Victor agence de photographe, puis à L’Express.fr/Styles. En 2009, elle s’envole pour New York à la poursuite de ses deux passions, avant de tenter l’aventure casablancaise en 2011. Elle intègre alors la rédaction de L’Officiel Maroc. Depuis, professeur de danse, styliste, rédactrice freelance pour différents supports de presse, éditrice de contenus en communication éditoriale et rédactrice web pour le webzine nssnss.ma, elle surfe sur la tendance et sur les petites vagues de Dar Bouazza.

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