L’œil de Shoelifer : quand la mode dérape.

Hedi Slimane est parti le 1er avril, Anthony Vaccarello est arrivé le 4 et le lendemain, toutes les images de l’ère Slimane ont été gommées en un clic du compte Instagram de Saint Laurent. À la place, un unique portrait du nouveau Directeur Artistique.

Cela m’a ramenée quelques années en arrière, le jour où, de passage à Florence, j’ai fait le pied de grue devant l’entrée du musée Gucci, impatiente d’y trouver peut-être quelque trésor enfoui. J’ai été surprise en effet. L’histoire de la marque italienne s’étalait sur 3 étages. En bas, une Cadillac siglée du mythique GG côtoyait des malles arborant la fameuse bande vert-rouge-vert ; à l’étage, des accessoires et des robes du soir signées uniquement Frida Giannini, Directrice Artistique de la marque à l’époque. Étonnamment, du designer Tom Ford, architecte incontestable de la renaissance de Gucci, il ne restait qu’un… vélo ! Allez savoir ce qui subsiste du travail de Frida Giannini au musée après son récent remplacement par Alessandro Michele.

Un autre exemple. Qui se souvient du passage de Marc Bohan ou de Gianfranco Ferré chez Dior, sinon une poignée de personnes averties ? Las. La mode n’en est pas à son premier fait divers de la sorte. C’est une évidence, la marque prévaut sur la valse des directeurs artistiques. Mais la plupart de ces maisons bien établies ont l’habitude de puiser dans leur histoire tantôt pour faire renaître un sac, tantôt pour rappeler au monde leur amitié avec des icônes du cinéma ou encore pour simplement légitimer leur positionnement dans l’univers du luxe. Dommage qu’elles se contredisent parfois et aussi sec dans le cas de Saint Laurent.

Cela peut dérouter et heureusement, demain on aura oublié car nous sommes dans l’ère du zapping. Internet est néanmoins devenu une mémoire vive difficilement contrôlable. On peut y suivre ses marques préférées et finalement se faire son propre musée de photos, quitte à se rappeler aux bons soins des maisons si d’aventure on n’est pas d’accord. Une façon de faire un peu n’importe quoi et de compliquer les stratégies des groupes de mode qui vivent actuellement une période de transition compliquée, obligés de se réinventer en période de crise tout en tenant compte des contraintes du web 2.0.

Quoi qu’il en soit, cette façon d’agir qui consiste pour les maisons à faire table rase du passé – et surtout des acteurs qui construisent pourtant l’identité des marques –, à le nier pour mieux le réinventer peut-être, ce n’est pas le marketing qu’on préfère. Au contraire, il faut savoir assumer les trajectoires.

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