LE TÉMOIGNAGE DE SUSAN SLAOUI, POSITIVE AU COVID-19

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On a tous vu des témoignages poignants sur le Covid-19. Mais entre des images à la télévision et la réalité du virus, il y a un gouffre. Susan Slaoui, professeur de yoga passionnée, testée positive au coronavirus, en témoigne aujourd’hui. Son expérience bouleversante nous enseigne in fine quelques clés pour garder la positive attitude.


C’est officiel. Après plus de deux mois de confinement, trois semaines de rab ont été décrétées par le gouvernement afin de lutter contre la propagation du virus. Si le moral de nombre d’entre nous est en chute libre, d’autres ont déjà passé le pire. Susan Slaoui, figure de la pratique de yoga tantrique et nutritionniste holistique à Casablanca, en sait quelque chose. Testée positive dès le début de l’épidémie, cette jeune maman de deux enfants a vécu un mois d’enfermement et de traitement en isolement total. Sentiments d’enfermement, crises d’angoisses et incertitudes ont finalement laissé la place à une expérience révélatrice hors du commun. À Shoelifer on s’est dit qu’on devrait tous en prendre de la graine. Histoire de relativiser notre fin de confinement à nous.


Qui est Susan Slaoui ?

Vous ne connaissez pas Susan Slaoui? Cette attachante maman de 34 ans, figure bien connue du monde du yoga mais également diplômée en nutrition holistique, enseigne depuis plusieurs années au studio Om Yoga à Casablanca. Après des études à New York ou encore Londres, elle développe sa passion pour le Jivamukti yoga, mais aussi le yoga vinyasa et le yoga tantrique et enchaîne les formations en Inde et en Thaïlande.


Une pharyngite, “rien de bien méchant”

14 mars, début du confinement au Maroc. À l’instar de tous les confinés casablancais, Susan Slaoui se calfeutre chez elle avec ses enfants. Désormais chaque sortie est millimétrée à grands coups de protections règlementaires. Arrive ensuite une grosse fatigue inhabituelle. Rien de bien alarmant.  “J’avais attrapé une pharyngite, rien de bien méchant d’après l’avis du médecin. J’ai attribué tout ça à la surcharge émotionnelle du moment, à la scolarisation des enfants à domicile, comme tout le monde”, explique-t-elle.

Mais la certitude finit par s’immiscer dans l’esprit de la yogi : elle est certaine d’avoir attrapé le coronavirus. Pourtant, Susan ne ressent ni douleur, ni fièvre ni aucun des symptômes relatifs au virus. Seule ombre au tableau, un petit essoufflement et une perte d’appétit. Ce n’est que plus tard, à l’annonce de la contamination de plusieurs membres de sa belle-famille que la jeune femme décide de passer le fameux test.

J’étais tiraillée… Je le fais, je ne le fais pas? Mais j’ai commencé à avoir peur pour mes enfants. Il en allait aussi de ma responsabilité civique! Si je l’avais je risquais de contaminer quelqu’un juste en allant faire mes courses” témoigne-t-elle. Le lendemain, Susan reçoit un premier appel de l’Institut Pasteur: “test négatif”. “Un soulagement, même si je m’y étais préparé. J’ai pris un long bain… Puis ça a été l’ascenseur émotionnel !”  Car quarante-cinq minutes après son premier coup de fil, l’Institut Pasteur revient sur son verdict : elle est finalement déclarée positive.


La séparation

Tout s’accélère. “On m’a annoncé qu’une voiture allait venir me chercher dans 20 minutes, que je devais être prête. Là, psychologiquement, c’était les montagnes russes. Je n’étais plus du tout prête et j’ai paniqué. Le même jour, l’oncle de ma belle-famille est décédé du coronavirus. On m’emmenait vers une destination inconnue, je risquais peut-être de mourir et je devais laisser mes enfants. Ça faisait beaucoup”, raconte-t-elle.  “J’ai pleuré comme une folle puis je me suis ressaisie pour mes enfants. J’ai vécu une scène de drame comme dans les films. Mes enfants en train de pleurer dans les bras de ma nounou, en crise. Ils étaient tétanisés. J’ai dû également les repousser lorsqu’ils voulaient que je les prenne dans mes bras… Avant de partir le petit m’a dit ‘maman tu reviens hein?’ Ça a été une déchirure”, se souvient-elle.


Le jour d’après

Jour 1. Susan est tout de suite prise en charge par une ambulance et des infirmiers en combinaisons de protection intégrales. “C’était surréaliste. Un slow motion entre le coucher du soleil qui tombait, le chant des oiseaux, mes larmes qui coulaient et ces infirmiers habillés en cosmonautes qui n’osaient pas m’approcher”, se rappelle-t-elle. À l’arrivée à la clinique, Susan est emmenée vers une chambre commune. Quatre personnes au total la partagent.

Pour la jeune femme, c’est la goutte d’eau de trop. “J’ai pété un câble. Tout mon calme s’est envolé d’un coup. L’idée de me retrouver au milieu de 4 personnes testées positives était insurmontable. À ce moment là, je ne savais même plus pourquoi j’étais là et si je l’avais réellement attrapé. Tout se bousculait dans ma tête”, explique-t-elle. Elle est finalement installée dans une chambre et mise sous traitement. Son nouveau monde ? Une fenêtre, un lit et une petite salle de bain, sans douche. “Je me disais que tout allait bien se passer, que je n’allais pas rester longtemps. J’étais dans le déni”, avoue-t-elle. Puis son nouveau quotidien s’organise petit à petit. “J’ai fait beaucoup de yoga le matin et pas mal de peinture et de coloriage l’après-midi. Mes amis ont aussi été d’un soutien sans faille et surtout surtout, mes enfants ont été testé négatifs”, explique-t-elle. Un soulagement pour la maman.

Vient ensuite le résultat d’un second test, négatif. Enfin, pas vraiment. “Le médecin a été interrompu par une infirmière qui lui a chuchoté à l’oreille qu’une fois encore, ce n’était pas le bon”, se souvient-elle. De nouveau, la douche froide. “Encore un ascenseur émotionnel, que j’ai eu du mal à encaisser. J’ai pleuré devant ma fenêtre puis j’ai fini par me calmer et me résigner”, confesse-t-elle. C’est parti pour 14 jours d’isolement.

J’ai eu des attaques de panique très fortes”

Jour 11. Elle raconte: “C’est là que j’ai commencé à fatiguer. C’était vraiment beaucoup d’émotions, beaucoup de hauts, de moments de calme et de paix intérieure mais aussi beaucoup de colères très fortes.” Dans sa petite chambre, la jeune femme est confrontée à l’impossibilité de prendre de véritables douches et un sentiment de claustrophobie grandissant. Susan est en effet enfermée à clé de l’extérieur. “Même si je pouvais me faire des toilettes de chat, c’est devenu dur pour le moral de ne pas prendre de vraies douches. On se sent un peu ‘crado’… Enfin, psychologiquement, le bruit de la clé dans la serrure est aussi devenu très perturbant. J’ai eu des attaques de panique très fortes qui ont duré une à deux minutes, que j’ai pu apprendre à maitriser par la suite. Comme tout dans la vie, tout fini par s’apprendre”, se souvient-elle.


Ce qui l’a fait tenir

Habituée à mettre son mental au travail, Susan met en place un programme intensif pour l’aider à traverser cette épreuve. Cours de yoga en ligne tous les jours, séances de méditation guidée de guérison avec sa thérapeute… “Si je n’avais pas eu autant d’outils à ma disposition, je n’aurais pas pu éviter la crise de nerfs”, concède-t-elle. “Cela m’a apporté beaucoup de paix intérieure. Comme mes cours avec Valérie Ohana. Un véritable ange gardien. Ça m’a aidé à m’organiser émotionnellement et à faire face à la réalité. J’ai pu prendre du recul, être dans l’observation de mon état d’esprit. Ce qui était surtout intéressant pour moi, c’était de mettre en pratique les conseils que je donne. Je parle souvent de lâcher prise dans mes cours. Mais appliquer ça dans une situation dramatique, c’est autre chose! Ce n’est pas parce que l’on est prof que l’on maitrise parfaitement quoi que ce soit. Il est essentiel de se remettre en question”, livre-t-elle.


Pas de Netflix !

Aussi inattendu que cela puisse paraître, Susan a fait un choix pendant son isolement. Celui de ne prendre aucun ordinateur avec elle. Netflix, séries, films et compagnie ne sont donc pas de la partie. “Cela peut paraître bizarre pour certains, mais j’ai voulu vivre l’expérience jusqu’au bout. Je ne voulais pas être distraite de mes émotions. Je ne voulais pas m’évader avec des séries inutiles. Je ne sais pas pourquoi, mais je savais que beaucoup de choses allaient être mises au clair pendant cette période. Que j’allais en sortir grandie”, raconte-t-elle. Son smartphone est son seul lien vers l’extérieur. “J’ai privilégié les Facetime avec les copines et les séances live avec ma thérapeute Zineb Berrada, d’un grand secours”, nous explique-t-elle.

Et les challenges pour la jeune femme ne s’arrêtent pas là. “J’ai dû lâcher complètement prise sur mon corps. Pour moi qui suis très axée sur les médecines alternatives et la nutrition holistique, j’ai du me plier au protocole. Je n’ai pas eu le choix. Le seul moyen d’y échapper était peut-être de cacher les comprimés que l’on me donnait. J’avoue y avoir pensé, mais j’ai vite abandonné quand le médecin a compris ce qui se tramait dans ma tête et m’a sermonné d’un bon vieux ‘andek. J’ai obéi”, confesse-t-elle dans un éclat de rire.


Le bout du tunnel

Jour 21. Trois semaines après son arrivée à la clinique, Susan est transférée à l’hôtel Mogador de Casablanca. Si cette chambre représente une nouvelle forme de luxe pour la jeune femme (vive la douche!), elle a aussi été celle de sa descente aux enfers. “Toutes les incertitudes qui accompagnaient mon état me rendaient de plus en plus nerveuse. J’ai commencé à avoir des petits symptômes paranoïaques. Je n’arrêtais pas de me gratter par exemple”, se rappelle-t-elle.

Peinture, yoga, méditation guidée : toutes ses activités sont mises en placard. “À ce moment-là, je n’avais plus envie de rien. Juste de me glisser sous la couette et de me gaver de chips devant la télé dans un état léthargique. C’est exactement ce que je redoutais depuis le début”.  Les désagréments physiques se font aussi ressentir. Ballonnements, problèmes intestinaux, effets secondaires… “J’étais très inconfortable avec mon corps. J’avais l’impression d’être enceinte de trois mois. Outre l’isolement, il est également arrivé des problèmes au sein de ma famille. Ce sont aussi ces choses enfouies depuis longtemps en moi qui ont fait que je suis tombée dans une sorte de down profond”, raconte-t-elle. Puis, c’est le soulagement.  Le 4e test sort négatif. Après un mois d’isolement total, Susan peut rentrer chez elle. “Le dernier jour a été le plus dur. J’étais arrivée au bout de mes capacités physiques et mentales. Je n’en pouvais vraiment plus”, lâche-t-elle dans un soupir.


Le mot de la fin ?

Susan a retrouvé ses enfants et prend le temps de digérer son expérience. “Il y a un mot qui est remonté à moi pendant tout ce temps : la persévérance. L’être humain est capable d’endurer beaucoup de choses. À nous de trouver les outils pour mieux les vivre. Etre enfermée totalement pendant 6 semaines sans contact humain nous oblige à faire face à nos blessures intérieures les plus anciennes.  Basculer entre fébrilité et paix intérieure en un claquement de doigt dans une seule journée : un spectrum d’émotions extrêmes qu’il faut finir par affronterJ’ai l’impression que tout s’est effondré autour de moi et qu’aujourd’hui je peux tout reconstruire”, conclut-elle. On le lui souhaite plus que jamais.

Charlotte Cortes

Une fois son master de l’ESJ Paris en poche, c’est entre la capitale française et sa ville de cœur, Casablanca, que Charlotte fait ses premières armes. Quotidiens d’informations, radio, post-production télévisuelle… touche-à-tout, cette journaliste mue par le désir d’en apprendre toujours davantage rejoint diverses rédactions (Metro, Atlantic Radio…) avec le désir de se frotter à différents médias. C’est à son retour au Maroc en 2015, que le lifestyle s’impose à elle, tout naturellement. Une évidence qui la pousse à intégrer le lifeguide Madame Maroc, dont elle deviendra rédactrice en chef trois ans plus tard. Depuis, elle écume les belles adresses du royaume à la recherche constante de nouveaux labels et autres hot spots. Aujourd’hui, c’est à Shoelifer qu’elle prête sa plume et son enthousiasme pour gérer la programmation du webzine. Ne vous y trompez pas, sous ses airs affairés cette pétillante brunette ne rêve que de danses endiablées, de plages désertes et… de bons plans mode, évidemment.

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