Cartier vient de lancer son dernier masculin : L’Envol. Une eau de parfum très attendue pour au moins une raison : c’est l’immense Mathilde Laurent qui est aux commandes de la création olfactive du joaillier. Cette créatrice a signé de (grands) parfums pour Guerlain avant de poser son orgue chez Cartier. Ses compositions, de Pamplelune de Guerlain à La Panthère en passant par Roadster de Cartier, ne sont le résultat d’un brainstorming avec une équipe de marketeurs partisans de l’uniformisation, de l’olfactivement-correct et du « jus qui plaît à tout le monde », comme cela se fait de plus en plus ailleurs. On le sent au premier pschitt. Le parfum tendance, ce n’est définitivement pas son truc. Son truc à elle, c’est le parfum tout court.
L’Envol serait inspiré de l’univers de l’aviation. Du moins, c’est ce que semblent indiquer et le nom du jus, et son flacon. Tout cela reste cohérent. L’univers des aéronefs a souvent nourri l’imaginaire des créatifs de la maison de la Place Vendôme. En joaillerie, en horlogerie, mais aussi en parfumerie. Santos, le premier parfum masculin de Cartier a ainsi été baptisé du nom de l’aviateur Alberto Santos-Dumont.
Un bois miellé piqué de fleurs
J’ai fait la connaissance de ce nouveau parfum à la couleur ambrée un jeudi chaud et lourd de septembre. Je vis à Rabat. Rabat, pour celles qui ne la connaissent pas, est incroyablement humide. On aime ou on déteste. En septembre, la chaleur aidant, la capitale peut vite devenir insupportable, tant les effluves iodés de l’océan se mêlent aux odeurs urbaines et vous saturent l’odorat. Y tester un nouveau parfum peut vite virer au cauchemar olfactif ou à l’extase. C’est selon. Surprise ! Les notes de départ sont très fugaces, presque imperceptibles. La bergamote fait place très rapidement aux bois… et aux fleurs. Les notes de violette et d’iris sont assez présentes et accompagnent des notes boisées, musquées et miellées dont la sensualité, amplifiée par la chaleur ambiante, tend vers un fond sec, chic.
Mais si certaines matières sont originales pour une composition masculine, la construction du parfum l’est tout autant. En effet, Mathilde Laurent n’a sans doute pas conçu L’Envol en respectant la structure pyramidale classique (notes de tête, de cœur, de fond, ndlr). C’est comme si les notes se succédaient sans respecter un ordre précis, mais en gardant toute leur élégance. Last but not least, la tenue est excellente.
Il fut une époque où les grandes maisons de parfumeries n’hésitaient pas à bousculer les codes en travaillant les fleurs au masculin, comme l’ont fait Dior dans Fahrenheit et Guerlain dans feu Coriolan (trop en avance sur son temps ?). Depuis, rares sont ceux qui ont osé se livrer à cet exercice périlleux. En lançant L’Envol, Cartier prend un risque, celui de l’élégance et de l’audace. Et le résultat est brillant.
