EXCLUSIF : YOANN LE CREURER RACONTE CHEVIGNON, SON COME-BACK ET LE MAROC

C’est une sacrée madeleine de Proust ! Chevignon, vous vous en souvenez ? La doudoune aux épaules en cuir, avec un écusson en forme de canard brodé devant, et un autre, plus grand, dans le dos. Une incontournable du début des années 90… Si vous l’aviez oubliée, sachez qu’elle est bel et bien de retour, avec d’autre pièces emblématiques de la marque. Nous avons rencontré Yoann Le Creurer, qui a pris la direction artistique de Chevignon en 2016. Il nous parle de la marque, de son ADN et de ses rapports avec le Maroc. Car Chevignon et le Maroc, c’est une histoire qui dure…


Chevignon, c’est une marque (à l’origine) pour messieurs, née de la passion de l’aventure et du goût pour les voyages de Guy Azoulay, qui la fonde en 1979. Très vite, ses blousons d’aviateur en cuir vieilli et patiné, s’inspirant des vestes emblématiques de l’armée américaine, font le succès de Chevignon. Second coup de génie, les fameuses doudounes Tog’s aux manches amovibles et ornées d’un… canard sauvage un écusson chiné au Japon : et le logo de la marque était né. Après un succès fulgurant pendant les années 90 avec des lignes hommes, femmes et enfants, la marque connait une traversée du désert durant les années 2000 avant de tenter de revenir sur le devant de la scène en ne gardant que le vestiaire masculin.

Arrivé à la tête de la direction artistique de Chevignon en 2016, Yoann Le Creurer, styliste, doit relever un challenge de taille : récupérer la clientèle qui a fait le premier succès de Chevignon et se présenter aux nouvelles générations. Ses armes de choix ? Les collaborations qui se multiplient, comme la campagne où apparait Joey Starr du groupe NTM, qui signe une capsule en hiver 2016, ou bien encore la ligne Dark Duck, dessinée pour feu Colette. Mais les collabs n’excluent pas un retour aux fondamentaux : de beaux blousons et vestes souvent confectionnés dans des cuirs tannés au Maroc. Yoann Le Creurer vient donc souvent à Casablanca… On l’a rencontré et il nous parle des liens entre le royaume et Chevignon, et nous donne même ses adresses casablancaises préférées.

Joey Starr du groupe NTM pour Chevignon.

Pour ceux qui avaient perdu de vue la marque, Chevignon en 2019, c’est quoi ?

Yoann Le Creurer : “Chevignon c’est une marque qui reste française mais qui est aujourd’hui d’inspiration multiculturelle. Elle est destinée aux hommes (et depuis peu, de nouveau aux femmes, qui avaient disparu des collections) qui prennent la vie avec légèreté. Je dirais presque avec désinvolture. Chevignon en 2019, c’est surtout 40 ans de collections toujours pensées autour de pièces masculines iconiques de la marque à savoir les blousons d’aviateur, de cow-boy et teddy boy (emblématiques des quaterbacks). Ces pièces ont déjà été réinventées de nombreuses fois, tout au long des années. C’est donc un vrai challenge de ne pas ennuyer nos clients fidèles, tout en allant chercher les nouvelles générations.


Quels sont les must have ?

Les pièces emblématiques de l’armée comme le bombardier, la flight jacket mais aussi les sweats et vestes teddy des collégiens américains, devenues, en quelques décennies, celles du monde entier.

Les nouvelles pièces peuvent être des réinterprétations de trésors enfouis depuis des années dans les archives de la marque (que j’adore explorer avec mon équipe) mais aussi des pièces révélant un nouveau savoir-faire et une nouvelle technologie comme la nouveauté de cet hiver : la doudoune Chevignon transparente, qui laisse apparaitre les plumes qui la remplissent.


Les campagnes Chevignon sont très souvent shootées loin de Paris : San Francisco, Los Angeles, Miami mais aussi Casablanca, pourquoi ce choix ?

Pour Casablanca, malgré le contraste avec les autres villes citées, c’est un choix qui a été évident pour moi. L’énergie y est très particulière. J’ai appris à la connaître au fur et à mesure de mes déplacements professionnels (pour sourcer du cuir ou suivre les productions). L’architecture, la population et les nombreux paradoxes qui cohabitent dans un drôle d’équilibre. Elle est devenue ma deuxième ville de cœur.

Ne pas y faire un stop pour y réaliser les photos d’un des looks books (ndlr : catalogues) aurait donc été inimaginable. Ça aura été celui de l’été 2018, shooté dans le port de Casablanca. Une belle expérience et un résultat tout aussi beau.

Campagne Chevignon shootée dans le port de Casablanca. Photo: Arno Lam.

Il y a donc une histoire entre Chevignon et le Maroc ?

Chevignon produit ses cuirs depuis plusieurs années dans ce Maroc roi de la peau et de la tannerie. C’est en y passant des semaines que j’ai découvert l’amour de cette matière. La façon de la travailler, la regarder, la toucher. Des liens indestructibles se sont noués avec cette nouvelle famille de façonniers, qui m’ont tout appris et réalisé la plupart des blousons en cuir présents dans mes collections.


Et vous, en tant que designer, y a-t-il des choses qui vous inspirent au Maroc ?

Pour être tout à fait honnête, il y a une chose qui m’inspire énormément au Maroc, et particulièrement dans les grandes villes comme Casablanca, c’est de me poser dans un café, sur un axe très passant, et regarder les gens. Chaque pays a sa population, sa façon de se voir et d’assembler les vêtements. À Paris, où je vis, il faut dépasser le quotidien et parfois la tristesse qui apparaît chez les citadins. À Berlin c’est un mix and match improbable. À San Francisco, c’est le sport qui dicte la vie. Mais à Casablanca, c’est un brouhaha général, une forme de négligence calculée qui dirige le style, et ça, j’adore! C’est formidable.


Il y a une veste en cuir dans la collection femme de cet hiver qui fait un vrai clin d’œil à l’artisanat marocain, pouvez-vous nous en dire plus ?

Lors de la construction de ma collection femme hiver 19, qui célèbre les 40 ans de Chevignon, j’ai souhaité réaliser une pièce qui rendrait hommage à ce pays qui me donne tant. En juillet 2018, je suis donc allé à la découverte de nouvelles façons de travailler le cuir. Après 3 jours à sillonner Casablanca, Fès et Marrakech, nous avons visité dans la ville ocre un atelier de confection de sacs en cuir tressé à la main par des femmes. Chaque lamelle est coupée et assemblée à la main, formant un cannage. C’est techniquement –et esthétiquement– très beau. Nous sommes rentrés à Casablanca avec un panneau de cuir tressé, qui allait devenir le dos d’un perfecto en agneau, une pièce emblématique de la longue amitié liant Chevignon à ce pays. 


Y a-t-il d’autres pièces dans cet esprit que vous aimeriez créer avec nos artisans ?

Je ne peux pas le savoir (rires). C’est comme avec cette pièce, elle m’est apparue complètement par hasard. C’est ainsi que je fonctionne ; à la découverte de l’inattendu.


Quelles sont vos adresses casablancaises préférées ?

J’ai visité beaucoup de restaurants. Je pourrais vous en citer des dizaines, mais je crois que mon top trois est celui-ci : le Rouget de l’Isle, pour ce qu’on trouve dans l’assiette mais surtout pour son chef, Taki Kabbaj, aussi fou que doué. Le Lily’s, parce que la vue y est unique, le cadre apaisant après une journée de travail et –bien sûr– la carte asiatique très fine. La troisième est plus atypique pour moi, car je n’avais jamais vu de restaurant dans une station essence avant ; c’est le restaurant de grillades les Terrasses Gourmandes de Petromin à Bouskoura. Mon ami Khalil me l’a fait découvrir lors de l’un de mes passages, j’y retourne systématiquement.

En ligne sur www.chevignon.com
Liste des boutiques ici

Farah Nadifi

C’est d’abord à une carrière d’avocate que Farah aspire, après avoir eu son bac à Marrakech. Rapidement, néanmoins, sa passion pour la mode la rattrape. Née à Paris où elle vit jusqu’à ses 14 ans, elle baigne dans ce milieu : sa mère fait carrière dans le retail de luxe. Après être passée chez YSL, Salvatore Ferragamo, Giorgio Armani ou encore Miu Miu, elle est approchée pour diriger le premier flagship de luxe à Casablanca : la boutique Fendi. Elle la dirige quatre ans avant de devenir acheteuse pour Gap et Banana Republic. Mais au bout de 10 ans de carrière dans le retail, elle se lance dans une nouvelle aventure en s’essayant à l’écriture. C’est avec Sofia Benbrahim qu’elle collabore d’abord, pour L’Officiel Maroc, puis Shoelifer, en tant que journaliste mode et lifestyle.

Pas Encore De Commentaires

Laisser une Réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

@shoelifer

Instagram