CES MAROCAINS DU MONDE À SUCCÈS : HISHAM OUMLIL, LE CRÉATEUR QUE LES STARS S’ARRACHENT

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Vous le savez, chez Shoelifer on adore les success-stories inspirantes et les profils atypiques. Et parce que le talent est loin de se borner à nos frontières, on aime aussi vous parler de ces Marocains du monde qui ont réussi à l’étranger. Comme Hisham Oumlil, créateur de mode masculine, qui est parvenu en quelques années à faire sa place aux États-Unis. Rencontre avec un as de la couture. 

La star de basketball Kevin Durant, l’acteur américain Omari Hardwick, l’agent de talents de la NBA Jeff A. Schwartz, l’acteur marocain Mourad Zaoui ou encore l’artiste Edgar Arceneaux… la liste des entrepreneurs, créatifs ou célébrités qui portent des costumes signés Hisham Oumlil a de quoi impressionner et ne cesse de s’étoffer au fil des années. Si ce nom ne vous est pas familier, c’est sans doute parce que ce Marocain, designer de mode masculine, vit et travaille aux États-Unis. Il y a développé sa marque de costumes exclusifs et sur-mesure, pour une clientèle fortunée. Pourtant, lorsqu’il a quitté son Maroc natal, rien ne laissait présager qu’il deviendrait un jour un styliste de renom. Son parcours, son regard sur l’industrie de la mode, l’influence de sa culture sur sa carrière, le rôle que doit jouer la communauté des Marocains du monde ou encore sa volonté de “give-back”… il se confie à Shoelifer. 


Comment êtes-vous arrivé aux États-Unis ? 

J’y suis allé au début des années 90 dans l’optique d’y poursuivre mes études. Une fois arrivé sur place, en Californie, j’ai essayé d’obtenir une bourse sportive afin de financer mon cursus. Mais, c’était compliqué, à cette époque, d’en décrocher une en tant qu’étranger. J’ai donc commencé à travailler dans le retail pour subvenir à mes besoins. C’est là que tout a commencé, et je que me suis découvert une véritable passion pour la mode. 

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Vous avez donc su très tôt que c’était ce domaine qui vous intéressait ? 

En réalité, lorsque j’étais adolescent au Maroc, je m’étais déjà un peu essayé au mannequinat, mais il n’y avait pas encore d’agence spécialisée ou reconnue en la matière. Et bien que l’univers de la mode et de l’esthétique en général m’attirait, de toute manière, mes parents ne m’auraient jamais laissé faire (rires). Ils voulaient que je poursuive des études en sciences politiques ou en économie, et c’est d’ailleurs ce que j’étais censé étudier aux États-Unis…


Qu’est-ce qui vous a finalement décidé à poursuivre votre carrière dans le secteur de la mode ? 

J’ai réalisé qu’aux États-Unis, l’industrie de la mode était suffisamment développée pour qu’il soit possible de faire carrière dans ce domaine. Et puis, surtout, ça me correspondait mieux que de faire des sciences politiques, car cela satisfaisait ma fibre créative. Je n’étais pas du tout conscient que j’allais devenir designer et monter ma propre marque. Or, l’univers de la mode –et le lifestyle qui allait avec– à cette époque à San Francisco, était très riche et très stimulant. Je faisais la fête, je rencontrais beaucoup de gens du milieu… ça me semblait donc logique, et bien sûr beaucoup plus fun de persévérer dans ce domaine (rires). Quelque part, j’ai accepté mon destin. 


Comment êtes-vous passé du retail à la création ? 

Travailler une dizaine d’années pour des marques comme Hermès, Baldessarini ou encore Loro Piana m’a fait réaliser que j’avais l’étoffe d’un directeur de création ; que j’avais une vision et que je voulais l’exprimer. J’ai donc parlé à la direction de Loro Piana de mon désir de rentrer dans l’équipe créative à Milan, mais cela n’a pas été possible. J’ai alors quitté la maison en février 2004 et j’ai démarré les démarches pour monter ma propre marque. Non, c’est vrai. Mais dans ma carrière dans le retail, comme j’avais un poste à responsabilités, j’étais amené à travailler en étroite collaboration avec les directeurs de la fabrication, les tailleurs, et j’étais surtout habitué à sourcer les textiles. Après avoir quitté Loro Piana, j’ai fait un stage auprès d’un tailleur italien très réputé à New York et c’est là que j’ai commencé à me constituer progressivement une clientèle privée. 


Quelles sont les problématiques que vous avez rencontrées ? 

Mon principal questionnement était de savoir s’il y avait, ou non, un marché à New York, pour un nom comme Oumlil qui pratiquait des prix Couture. Quelle place existait pour un jeune homme marocain sur le marché américain ? 


Aujourd’hui, vous habillez des célébrités et des entrepreneurs à succès. Sans parler de votre talent, comment expliquez-vous cette réussite ? 

Je pense que c’est vraiment lié au fait que je suis installé aux États-Unis. Cela n’aurait pas été possible ailleurs. Quand en 2010 je suis allé à Paris pour ouvrir un studio Oumlil, j’ai réalisé que le milieu de la mode parisienne était extrêmement fermé, quasiment impossible à pénétrer. Aux U.S., ce qui est différent, c’est que les gens s’intéressent à ma culture marocaine. 

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Vous voulez dire que votre culture marocaine a joué en votre faveur ? 

Oui, en quelque sorte. Je me considère comme un pionnier, car il y’a très peu de créateurs marocains aux États-Unis, que ce soit dans le monde de la mode en particulier et de l’art en général. Cette particularité a intrigué les Américains. 


Diriez-vous que vos créations sont empreintes de votre culture marocaine ? 

Vous savez, même quand on vit aux États-Unis ou qu’on se sent américain, on reste toujours marocain au fond. Le Maroc a quelque chose de très particulier dans son ADN stylistique, avec ses multiples influences carthaginoises, levantines, berbères, andalouses… Pour moi, aujourd’hui, il est question de moderniser cet apport tout en continuant à exprimer sa dimension plus traditionnelle et extrêmement riche. Ce que je crée dans mes vêtements, c’est le “feeling d’être marocain” : j’essaye de transmettre notre façon de voir le monde et la manière dont nous pouvons nous inscrire, en tant que Marocains, dans un environnement global. C’est une expression plus qu’une représentation. 


Pensez-vous que l’enjeu de la mode marocaine contemporaine réside dans ce pont entre modernité et tradition ? 

L’enjeu, au fond, c’est de s’exprimer et de parvenir à le faire d’une façon qui nous est propre. Je suis pour une forme d’individualisme dans le processus créatif. Les gens ici, aux États-Unis, s’intéressent beaucoup à nous et à notre culture, mais il faut aller plus en profondeur pour leur offrir ce qui n’est pas prévisible.


Vous estimez donc que la création marocaine peut se faire une place aux États-Unis ? 

Je pense qu’il existe de grandes opportunités pour les créateurs marocains, en effet. Notre seul problème, c’est qu’on manque de solidarité au sein de notre communauté. Il y’a des Marocains partout dans le monde, mais un individu isolé ne peut pas représenter notre culture. Pour y arriver, il faut s’unir. Pour les Asiatiques, ça a très bien fonctionné par exemple, du moins dans le secteur de la mode américaine. Les Marocains du monde devraient suivre leur exemple, c’est-à-dire se soutenir les uns et les autres et créer ensemble. 


L’important c’est donc de créer et de consolider une communauté ? 

Oui, tout à fait, car la mode est aussi très politique. Par exemple en ce moment, la grande tendance aux États-Unis c’est le “Black America”. Et ça tombe bien, puisque les Afro-Américains forment une communauté très puissante. Qui est-ce que vous voyez au premier rang des défilés ? Des rappeurs, des basketteurs noirs… C’était donc très intelligent de la part de LVMH de recruter un designer comme Virgil Abloh. Toutes les maisons globales cherchent à atteindre ces communautés. À une autre échelle, c’était très pertinent que Charaf Tajer appelle sa marque Casablanca, puisqu’il a ainsi pu faire un appel du pied à la communauté nord-africaine de France et créer un engouement autour de ses produits. Ce que j’aimerais aujourd’hui, c’est voir des footballeurs marocains porter maison Oumlil. Où sont ces artistes marocains qui portent des marques marocaines ? Les Marocains du monde doivent prendre conscience de ce système géopolitique qui affecte notre industrie. 


Et vous, dans le sens inverse, essayez-vous de “give-back” à votre pays ? 

J’ai essayé plusieurs fois d’inviter des étudiants marocains à venir faire un stage avec moi à New York, mais ça n’a jamais fonctionné. Il n’y a pas de suivi avec les écoles de mode, et c’est très compliqué de faire ça tout seul… à cause de la lourdeur des procédures administratives surtout.  Et parce qu’il n’existe a pas de structure qui permette de financer ce genre d’échanges. Mais, j’aimerais organiser un grand évènement autour de la création marocaine aux États-Unis. Je suis en train de travailler sur un projet qui verra le jour d’ici l’automne prochain, du moins je l’espère. 


Pour revenir à vos créations, vous créez exclusivement des costumes sur mesure ? 

Au début je ne faisais que des créations Couture, mais depuis peu, j’ai lancé une toute petite collection de prêt-à-porter avec des prix plus abordables que ceux de mes costumes, notamment pour toucher la communauté marocaine, pour permettre à des gens de s’habiller en Oumlil. Je ne voulais pas rester trop strict ou trop exclusif. C’est plus simple de s’offrir un tee-shirt à 160 dollars plutôt que de se faire une garde-robe à 60.000 dollars! Surtout, j’aimerais que les gens s’affranchissent de l’idée qu’il faut porter des marques françaises ou italiennes pour montrer qu’ils ont réussi dans la vie. On peut très bien porter du marocain aussi. 

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Quelle est votre clientèle ? Qui achète vos créations Couture ? 

Mes vêtements transmettent cette idée qu’on est “en marche”, qu’on est dynamique, pas aristocratique. Je représente un style transatlantique qui correspond à la gent masculine urbaine, internationale, toujours en mouvement. Une sorte d’alliance entre la Couture européenne et le feeling américain. 


Comment touchez-vous cette clientèle ? 

C’est surtout du bouche-à-oreille. Une fois qu’un client est intéressé, il m’appelle. Ensuite, c’est comme aller à un date : on rencontre la personne et on voit si le courant passe. On s’explore l’un l’autre. Si ça ne fonctionne pas, je ne vais pas plus loin et c’est mieux comme ça. Je ne contacte jamais les clients après les avoir livrés, je considère que c’est à eux de revenir vers moi s’ils veulent continuer à acheter Oumlil. Le client c’est comme un homme : si tu le suis il te fuit, si tu le fuis il te suit (rires). 

Hisham Oumlil 

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