RELATION MAROC-FRANCE : ET SI C’ÉTAIT L’HEXAGONE QUI AVAIT UN COMPLEXE ?

relation Maroc-France

On le savait, la relation Maroc-France est mise à mal depuis plusieurs années. Mais le terrible séisme ayant frappé le royaume, semble avoir davantage creusé le fossé séparant les deux pays. Shoelifer décrypte. 

Y a-t-il quelque chose de cassé dans la relation Maroc-France ? Si entre les deux pays les brouilles diplomatiques s’accumulent depuis une décennie, autre chose est à l’œuvre, de plus profond. “C’est simple, il y a eu un séisme, un vrai, qui a ravagé une partie de mon pays, le Maroc, dans la nuit du 8 au 9 septembre. Et un autre, culturel et sentimental, qui chamboule totalement mon rapport à la France”, lance Sara*, journaliste marocaine basée à Paris. Certes, les “ultras 2.0” des deux pays ne contribuent pas à calmer les tensions, mais tout de même, il y a bien quelque chose de gênant dans la relation Maroc-France. 

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Un drame qui éloigne 

C’est un fait : le séisme meurtrier d’Al Haouz n’a pas contribué à réchauffer la relation Maroc-France. On dit souvent que les drames rapprochent, celui-ci a été l’exception qui confirme la règle. En cause ? Le traitement médiatique français, d’abord. La Une du quotidien Libération, 48 heures après le tremblement de terre, qui laisse entendre que le Maroc laisse mourir les siens. Une hérésie, qui a suscité un tollé au royaume. 

Ce 20 septembre, la femme photographiée (Touria Sarka) et publiée en couv de Libé a déposé plainte afin d’obtenir le retrait de sa photo du journal. Quant au quotidien français, il a depuis tenté de s’expliquer, sans que cela ne calme les esprits. 


Indécence versus transparence ? 

Pourquoi ? Parce qu’il ne s’agit pas seulement d’une Une. Les caricatures du roi Mohammed VI (Libé, Charlie Hebdo), les attaques frontales sur la santé du souverain, l’institution monarchique, le développement du royaume, l’efficacité des secours… tout y est passé. Sans compter les polémiques stériles autour du supposé refus du Maroc de recevoir l’aide de la France. Et les analyses ubuesques à n’en plus finir sur la relation Maroc-France. 

Par conséquent, pour une fois, au royaume, le ressenti est unanime :  certains médias français ont été injustes, méprisants, indécents. “Comme s’ils en avaient profité pour régler leurs comptes, finir de saboter la relation Maroc-France”, estime Sara, qui appartient pourtant à cette corporation. Comme si la France avait aussi un besoin irrépressible d’être au centre de tout, tout le temps (disons-le clairement). Alors que pendant ce temps-là au Maroc, un élan spontané de solidarité nationale, d’une ampleur inédite, s’est mis en branle. 

Et que les autorités du royaume, elles, ont ouvert grand les bras à la presse étrangère, et particulièrement française. BFM TV et LCI ont installé des plateaux in extremis sur la place Jamaâ El Fna à Marrakech, au lendemain du drame. 

L’Etat et ses institutions ont grandement facilité l’obtention d’autorisations pour prendre des images. Les journalistes ont eu accès à tout. Même aux missions de sauvetage ou au travail de première ligne des Forces Armées Royales sur le terrain. Du jamais vu ! Le royaume est-il parfait en tout point ? Non, et nous le savons (merci). Mais ne pas reconnaître les avancées quantiques du pays confine à la mauvaise foi. 


Relation à sens unique ? 

Qu’est ce que ça dit de la relation Maroc-France ? “Que c’est une relation à sens unique, estime Mehdi*, consultant marocain résidant à Paris. Tous les Marocains ou presque connaissent la France. Les Français eux en savent bien moins sur nous”

 

Un sentiment partagé par Hind*, communicante, marocaine mais “française de coeur” : “Je parle limite mieux français que darija. J’ai été à l’école française, j’ai étudié en France, je connais tous les classiques français de la littérature au cinéma. Je m’intéresse à la vie politique française, je connais l’histoire de ce pays. Mais est-ce réciproque ? Le séisme nous a montré que non. Il y a un immense décalage entre nous et beaucoup d’incompréhensions”, argue-t-elle. Et finalement, à force de constamment pointer du doigt les points faibles du Maroc, “à force d’appuyer, eh bien nous nous sommes décomplexés. Parce qu’après tout, nous aussi on a une histoire, un patrimoine, des valeurs, un savoir-vivre et un savoir-faire”, poursuit la jeune femme. 

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Effusion de bons sentiments 

Les attaques des médias français sont blessantes. Mais les effusions de sentiments émanant d’une partie de la classe politique  et de personnalités françaises sont aussi gênantes. Nicolas Sarkozy, qui déclare “aimer le Maroc” et “son soleil” (on caricature à peine) : 

 La chroniqueuse Alba Ventura qui dit “les Marocains sont nos cousins de coeur” (ça dépend lesquels, hein) :

La chaîne privée M6, qui a annulé sa programmation pour organiser un concert caritatif en soutien au Maroc (avec beaucoup de has been).

Tout cela a un goût de white savior. Bon, on ne veut pas faire de mauvais esprit. Toute cette sollicitude est touchante. Oui, la relation Maroc-France est étroite, forte, ancienne. Certes, nous avons une histoire commune, des similitudes. Mais désormais, on dirait bien que c’est la France qui a un complexe à régler. 

*Les prénoms ont été modifiés à la demande des interviewés.

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Photo (c) : Marouane Boularbah

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