LES EXPERTS 2.0, ÉP. 5 : QUAND LES INFLUENCEURS NE VEULENT PLUS INFLUENCER

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Les influenceurs n’en finissent plus de nous étonner. Désormais, certains d’entre eux ne souhaitent plus collaborer avec les marques. Au Maroc, c’est notamment le cas de Saad Abid, l’aventurier écolo. On vous explique tout dans ce nouvel épisode de notre série Les experts 2.0. 

Coup de tonnerre dans le monde de l’influence au Maroc (oui, on adore en rajouter). Le 15 février dernier, Saad Abid, surfeur, activiste écologiste, fondateur de l’association Bahri et créateur de contenus a annoncé qu’il arrêtait ses collaborations avec les marques. 

Le marketing d’influence est en évolution perpétuelle. Il y a d’abord eu la désinfluence, phénomène né sur TikTok qui consiste à parler en toute franchise d’un produit (c’est vrai qu’il fallait y penser, LOL). Puis le redéploiement stratégique des marques, en quête d’authenticité et de transparence. Ce qui a notamment conduit Coca-Cola et Safilo (distributeur de lunettes haut de gamme) à ne plus collaborer avec la star italienne des influenceurs, Chiara Ferragni, au début de l’année. C’est désormais au tour des influenceurs de remettre en question leurs partenariats avec des marques.


Le club des repentis

Si au Maroc, Saad Abid fait office de pionnier, ce phénomène n’est pas nouveau. En 2019, la française EnjoyPhoenix annonçait ne plus vouloir recevoir de produits de la part des marques de cosmétiques et faire moins de promotion. Elle dénonçait en passant la tendance à la “surconsommation” et son impact négatif sur l’environnement. 

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En 2022, c’était au tour de l’influenceuse française Sandrea, de remettre en question la promotion de la fast fashion, au point de se repentir et d’alerter sur l’urgence climatique.

Plus récemment, c’était au tour de Huda Kattan, fondatrice de l’empire cosmétique Huda Beauty, d’inventer un nouveau concept. Le buycott plutôt que le boycott, qui consiste à ne plus acheter aucun produit d’origine israélienne au nom de la cause palestinienne et de la situation actuelle à Gaza. Une prise de position forte, qui a produit un effet boomerang, puisque les marques visées ont en retour appelé au boycott à son encontre. 


D’influenceurs à entrepreneurs 

Quel est le point commun entre tous les influenceurs cités ci-dessus ? Ils ne dépendent plus des marques, du moins partiellement. D’abord parce qu’ils sont extrêmement suivis : 6,3 M de followers pour EnjoyPhoenix (par exemple), 4,1 M pour Huda Kattan, 245 K pour Saad Abid (ce qui suffit amplement à gagner beaucoup d’argent). 

Ensuite –et c’est le plus important– parce qu’aujourd’hui ce sont des entrepreneurs et des investisseurs, qui ont bâti sur du concret et non du “vent” purement digital. Si Huda, EnjoyPhoenix et Sandrea se sont servi des réseaux sociaux pour construire leur business et devenir des marques à elles-seules, Saad Abid estime lui qu’il n’en a jamais eu besoin. “Je n’ai jamais considéré les réseaux sociaux comme un métier à part entière. Cela a juste été une conséquence des actions que j’ai entrepris au niveau professionnel, personnel et associatif. J’avais déjà mon boulot, mon agence, mon association. En parallèle, j’ai créé du contenu sur le sport, la nature, l’environnement et le dépassement de soi”, nous dit-il au téléphone.


Cercle vertueux ? 

D’ailleurs, le quadragénaire ne se décrit pas comme un influenceur mais un créateur de contenu. Nuance. “Je ne suis pas une brochure humaine”, assène-t-il. Très critique face aux dérives de nombreux influenceurs, Saad Abid parle même de “déchéance humaine” et a repris à son compte le terme “influvoleurs” inventé par le rappeur Booba. “Selon moi, l’influence pure n’est pas un métier. Il faut le dire aux jeunes qui rêvent de ça, qu’ils misent plutôt sur les études, une passion. Dans quelques années, les influenceurs seront probablement remplacés par l’intelligence artificielle”, insiste t-il. 

Cet entrepreneur social a toujours noué des partenariats annuels : “Jeep pendant 2 ans. Quiksilver pendant 8 ans. Des marques qui correspondaient à mes domaines : le sport et l’aventure. Je n’ai jamais fait de partenariats ponctuels. Et je ne me suis jamais mis à vendre tout et n’importe quoi”. 

Désormais, il a mis en place une nouvelle stratégie : “Trouver une entente avec des entreprises et des marques sur un événement précis pour créer quelque chose de vertueux”. Exemple : lors de sa dernière participation au Marathon des Sables, Saad Abid a collaboré avec Aïn Atlas pour que toutes les bouteilles d’eau utilisées lors de cette course sportive soient recyclées. Au lieu de recevoir un cachet, Saad Abid a proposé à la marque de sponsoriser l’un de ses événements.

Tout le monde doit se remettre en question : les entreprises, les influenceurs et les consommateurs. Au lieu de se tirer dessus, autant être constructif”, conclut-il. Sa solution pour y parvenir ? “Réglementer le marketing d’influence, déjà. Et pourquoi pas créer un label d’influenceur éthique ?”. Une piste intéressante pour le ministère de la Transition numérique ?

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Photo (c) :  CR Fashionbook

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