COMMENT PROTÉGER SON ENFANT DES ABUS SEXUELS ?

abus sexuel

Le jugement, en avril dernier à Rabat, de trois hommes pour le viol répété d’une fillette de 11 ans remet les projecteurs sur les abus sexuels dont sont victimes les enfants. Et ravive les pires craintes des parents. Comment prévenir ce genre de violences ? Comment les détecter ? Comment en parler à son enfant sans le heurter ou lui faire peur ? Shoelifer a sollicité l’avis d’une spécialiste. 

L’affaire a secoué le Maroc. Le 14 avril dernier, trois hommes étaient condamnés par la Cour d’appel de Rabat à des peines allant de 10 à 20 ans de réclusion pour le viol répété de la petite Sanaa, 11 ans. Une sentence alourdie après une première condamnation – 18 mois à 2 ans – qualifiée d’“inacceptable” par Amina Bouayach, présidente du Conseil national des droits de l’homme (CNDH). Partie émergée de l’iceberg, ce fait divers tragique remet au centre de l’actualité les questions de violences sexuelles sur mineurs. Comment protéger nos enfants ? Tous les professionnels vous le diront : impossible de les mettre sous cloche ! Mais alors, comment les outiller pour faire face aux risques d’abus sexuels ? Réponse avec Marie Laviolette, coach parentale et éducatrice en sexualité positive, qui a fondé la communauté digitale Parentali’D. 


Que peut-on mettre en place concrètement pour prémunir nos enfants des abus sexuels ?

Il y a deux choses que les adultes peuvent faire pour prévenir les abus. Premièrement, intégrer les apprentissages suivants à leur éducation : nommer toutes les parties du corps par leurs vrais noms, expliquer les notions d’intimité, de consentement, de respect, inculquer la distinction entre les touchés appropriés et inappropriés. Rappelons que “ce qui est tu, tue. Ce qui est dit peut sauver”. 

Deuxièmement, créer un climat de confiance autour du sujet. Répondre aux questions qui ne manqueront pas d’arriver, dont le fameux “comment on fait les bébés ?” Anticiper même. Pour montrer que c’est normal d’être curieux, et que c’est possible d’en parler avec des adultes de confiance.

Enfin, se dire que le diable se cache dans les détails. Alors qu’on a parfois tendance à parler de secret aux enfants (viens je vais te dire un secret, c’est que je t’aime très fort !), privilégions la libération de la parole. Le secret est un outil excessivement efficace utilisé par les agresseurs. Nous pouvons garder le vocabulaire de “surprise” quand celle-ci va être amenée à être dévoilée (un anniversaire par exemple) ou à la limite de “confidence”, des mots spéciaux, mais qui ne font pas se sentir mal.


Comment les parents peuvent-ils aborder la question des violences sexuelles sans heurter ou faire peur à leur enfant ?

C’est effectivement très important de ne pas effrayer, car cela peut se révéler contre-productif. Je recommande souvent aux parents que j’accompagne de penser cette sensibilisation sous l’angle des droits de l’enfant. Il s’agit de rappeler à votre enfant qu’il a des droits au quotidien comme celui de choisir comment il souhaite dire bonjour à quelqu’un. Il n’est pas obligé de faire la bise, par exemple ! Il a le droit de disposer de son corps et de dire non. On peut lui transmettre les notions de consentement, d’intimité et de respect en partant de situations qu’il vit. Lorsqu’il connaît ses droits, l’enfant est plus à même de reconnaître un événement qui va à l’encontre de son intégrité et donc, in fine, de réagir.

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Vous parlez de transmettre la notion de consentement, une notion que l’on sait difficile à cerner, même pour certains adultes… 

On peut pourtant facilement l’expliquer en deux points. Le consentement, c’est demander une autorisation, celle de faire un câlin par exemple. Ensuite, c’est écouter la réponse. Or, il en existe trois : oui, non ou le silence. Le silence égale un non. Seul un oui égale un oui !
Lui faire comprendre le consentement, cela passe aussi par lui apprendre à respecter le non de l’autre. S’il comprend ce que signifie pleinement le refus de l’autre, il sera capable de mesurer lorsqu’on ne respecte pas le sien, si un jour il y a un abus. 


Le langage est-il à adapter en fonction des âges ? 

Il y a effectivement un niveau d’information à adapter en fonction de l’âge. Mais ce qui est, à mon avis, un véritable outil de prévention et de sécurité, c’est le bon usage des mots. Notamment lorsqu’il s’agit de parler du corps et plus spécifiquement des parties anatomiques intimes. Il y a un travail sur les mentalités à faire : ce n’est pas honteux d’expliquer à un enfant qu’il a un pénis ou une vulve. Au contraire, en mettant un tabou autour de ce vocabulaire, anatomique et non sexuel rappelons-le, on crée de la gêne. Ce qui desservira la libération de la parole par la suite, en cas d’abus sexuels. 


Y a-t-il des compétences qu’un enfant peut acquérir pour apprendre à se protéger par lui-même ? 

Ma réponse sera sans doute frustrante mais un enfant n’a pas mission à se protéger lui-même. L’enfant est, par définition, sous la protection d’un adulte. Mais on peut lui apprendre à écouter les signes physiologiques qui signalent un danger. Il peut apprendre que la chair de poule, une envie subite d’uriner, un mal au ventre ou le cœur qui bat plus fort que d’habitude en présence de quelqu’un, sont potentiellement des alertes transmises par son corps pour le prévenir d’un danger. 


En cas de doute raisonnable, y a-t-il des signes ou des comportements chez l’enfant qui peuvent révéler des abus sexuels ?

On observe souvent deux types de changements qui peuvent mettre sur la piste d’un abus : des changements comportementaux et des changements d’ordre émotionnel. D’un point de vue comportemental, on peut faire l’hypothèse de violence sexuelle quand un enfant se met soudainement à parler beaucoup moins ou à garder plus de secrets. Lorsqu’il a des difficultés à se séparer de sa figure d’attachement, que ce soit sa mère ou son père, au moment d’aller à l’école, par exemple. Ou lorsqu’il ne veut plus rester seul en présence de certaines personnes.
Certains enfants, victimes d’abus, deviennent excessivement dociles ou, au contraire, refusent de se déshabiller pour aller se laver. Il y a aussi des enfants qui vont développer des comportements sexuels inappropriés pour leur âge, comme s’exhiber plus que de coutume alors qu’ils connaissent les notions d’intimité et de consentement. 

On peut parler de changements émotionnels lorsque l’enfant perd soudainement confiance en lui ou tient des propos très durs sur lui-même. Certaines victimes vont être subitement plus angoissées, faire des cauchemars ou avoir des problèmes de santé, maux de ventre notamment, qui ne s’expliquent pas. 

Bien sûr, ces “signaux faibles” ne se manifestent pas uniquement en cas d’abus sexuels mais ce sont des indices sur lesquels porter son attention si l’on doit creuser l’hypothèse de violences.  

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Comment réagir lorsqu’un enfant se confie sur des violences subies ? 

La première chose que je conseille aux parents, c’est d’écouter leurs propres émotions !  Car c’est, bien évidemment, un choc. Respirer profondément pour réussir à mettre de côté une sur-réaction. L’idée est ici de se centrer sur son enfant. Pour accueillir sa parole, il faut trouver un juste équilibre entre y aller doucement mais sûrement.

J’évoquerais ici l’image de la main de fer dans un gant de velours. Lorsque l’enfant commence à raconter ce qu’il a vécu, il est ainsi plus bénéfique de poser des questions ouvertes : “Que s’est-il passé ?”, “qu’as-tu ressenti ?”. On peut aussi cadrer la discussion avec des questions plus précises comme “à quel endroit as-tu eu mal ?”, “à quel moment de la journée, cela s’est-il passé ?”. Ainsi essayer de tirer le fil. 

Au cours de la conversation, il est important d’encourager l’enfant très régulièrement avec des mots rassurants : “je te crois”, “ tu es en sécurité quand tu me parles”, “ce n’est pas de ta faute”, “ il n’y aura pas de conséquences pour toi”. Ce dernier point est essentiel car les agresseurs ont souvent comme stratégie d’intimider l’enfant avec des paroles menaçantes, “si tu parles, il va t’arriver quelque chose de grave”. 

Enfin, je conseille d’annoncer les actions qui vont être entreprises : les suites juridiques ou le recours à un professionnel. Il est important de dire à l’enfant que cela ne va pas s’arrêter là et que tout sera fait dans un souci de réparation. Car bien évidemment, il est fondamental que l’enfant comprenne qu’il mérite réparation pour ce qu’il a subi.  


Quelles ressources conseillez-vous pour mieux se familiariser avec la prévention contre les abus sexuels ? 

Je conseille de ne pas hésiter à assister à des ateliers sur l’éducation sexuelle infantile. Ça peut aider à démythifier ces questions. Certains sont d’ailleurs accessibles en ligne.
En termes de lecture, je recommande pour l’entrée en maternelle le livre Je peux te faire un bisou ? de Soline Bourdeverre-Veyssiere ; pour les 4-10 ans, Corps, amour et sexualité, les 120 questions que vos enfants vont vous poser.

Ce livre est extraordinaire parce qu’il permet aux parents de se préparer. Cela rassure beaucoup. Comme nous l’avons déjà dit, si vous êtes préparé à répondre aux questions de votre enfant, celui-ci se sentira en confiance et sera plus enclin à parler d’abus, si malheureusement il en rencontre. 

Il y a également les trois petits livres écrits par Andréa Bescond, Et si on se parlait ?, ou le podcast Papatriarcat qui consacre deux épisodes (69 &103) aux questions de violence envers les enfants. 

Enfin, lorsque l’abus est avéré, je recommande une ressource gratuite à télécharger sur le site “Mémoire traumatique” : Quand on te fait mal. Informations sur les violences et leurs conséquences. Un bon outil pour accompagner au mieux votre enfant.

Photo (c) : Vogue

Shoelifer Team

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