Session de rattrapage. Si le sujet du dernier roman de Saphia Azzeddine, paru en 2015, n’est pas léger, il n’en est pas moins addictif. Bilqiss, une jeune veuve, est emprisonnée et risque la lapidation. Son crime ? Dans un pays où la charia est strictement appliquée et les femmes privées de toute liberté (Irak, Syrie, Pakistan, Afghanistan ? l’auteur ne le précise pas), elle a lancé l’appel à la prière à la place du muezzin. Avec son héroïne forte, à la langue acérée, Bilqiss est un must read.
Des personnages forts et ambigus
Parce qu’en plus de sa plume accrocheuse et rythmée qu’on lui connaissait déjà (avec Confidences à Allah, Combien veux tu m’épouser, etc.) la romancière franco-marocaine Saphia Azzeddine aborde avec son dernier roman un sujet d’actualité à travers des personnages réalistes, forts, intéressants et ambigus. D’un côté il y a Bilqiss, l’héroïne, une femme courageuse qui tient tête sans faillir à ses détracteurs et refuse toute pitié. De l’autre, il y a le juge, son bourreau (pour qui on éprouve néanmoins de l’empathie) tiraillé entre ses fausses idées sur la religion et le rôle de la femme et son admiration ainsi que son amour pour Bilqiss. Au milieu, une journaliste américaine pleine de bons sentiments, débarquée des US avec sa vision occidentale, heureuse de couvrir ce scoop mais totalement à côté de la plaque et ignorante des dures réalités de ces pays.
Des répliques qui font mouche
Les phrases assassines de Bilqiss envers ses détracteurs sont d’un esprit inouï: elle leur cloue le bec et les place face à leurs contradictions avec une telle répartie qu’on en sourit. Et on a parfois envie de prendre des notes.
Le côté ubuesque du fanatisme
Le roman illustre bien les ravages de l’obscurantisme. Et met également en exergue le fanatisme sans borne de ces hommes qui ont perdu la raison et utilisent tous les prétextes pour incriminer les femmes. Comme lorsqu’ils accusent l’héroïne d’avoir dans son réfrigérateur des aubergines non coupées, signe phallique qui ne fait que confirmer que l’accusée est « femme de peu de foi »… Bilqiss pointe du doigt –une nouvelle fois– l’hypocrisie du rapport qu’ont les fanatiques islamistes aux femmes. Ils les forcent à se cacher car ils les rendent responsables de leurs pulsions.
Une héroïne emblématique
Parce qu’avec Bilqiss, Saphia Azzeddine ne joue pas inutilement sur la corde sensible des lecteurs et ne cherche pas à leur tirer des larmes. Bien au contraire, l’histoire met en lumière ces femmes fortes, courageuses, ces héroïnes de l’ombre qui, dans différents pays, se battent jusqu’au bout, contre l’oppression. Parfois, comme Bilqiss, aux dépens de leur vie.
Bilqiss est disponible sur www.livremoi.ma au prix de 230 DH.