BOUCHRA BOUDOUA, L’ÉTOILE MONTANTE DE L’ARTISANAT MAROCAIN

artisanat marocain

Retenez bien le nom de cette jeune créatrice qui revisite l’artisanat marocain. Graphiques et épurées, les céramiques de Bouchra Boudoua ont déjà tapé dans l’œil d’institutions comme Dior ou The Conran Shop, rien que ça ! D’où vient-elle ? Où puise-t-elle l’inspiration ? C’est ce qu’on a voulu savoir. 

Souvenez-vous, Shoelifer vous avait déjà parlé de cette jeune prodige du design d’intérieur. Installée à Marrakech, Bouchra Boudoua y développe sa marque éponyme, une gamme d’objets en céramique 100 % handmade. Elle est aujourd’hui exposée dans les boutiques prestigieuses de la ville ocre : la Mamounia, le MACAAL ou encore le Riad El Fenn. En 2018, la jeune créatrice faisait partie des happy few sélectionnés pour représenter le Maroc lors de la Dubaï Design Week. Du haut de ses 35 ans, elle enchaîne les collaborations avec des marques de renom comme Dior à l’occasion du défilé Cruise 2019 à Marrakech. Actuellement, Bouchra Boudoua conçoit des collections d’objets colorés aux lignes épurées pour The Conran Shop, le temple du design d’intérieur à Londres et Paris. La clé de son succès ? Un équilibre subtil entre motif primitif, mélange des matières et langage graphique contemporain. Rencontre avec l’une des designeuses les plus courtisées du moment.


Pourriez-vous nous parler de votre parcours depuis que vous êtes sortie du Central Saint Martins College of Art and design à Londres ? 

J’ai d’abord travaillé en tant qu’assistante styliste chez Elle Decoration et Wallpaper magazine, au sein des départements de décoration d’intérieur. Après deux années d’expérience, je suis finalement rentrée au Maroc en 2012. À ce moment-là, je ne savais pas encore exactement ce que souhaitais faire. Je voulais seulement apprendre et découvrir tout ce qui avait trait à l’artisanat marocain. M’installer à Marrakech faisait donc plus sens pour moi que de revenir à Casablanca d’où je suis originaire. Après avoir travaillé quelques années chez Lup 31, j’ai commencé à développer des petites collections pour m’amuser, avec un potier de la région de Marrakech. J’ai adoré le travail de la terre et tout le mode de vie autour, le rapprochement avec la nature et l’expérience des ateliers. Puis, de fil en aiguille, j’ai commencé à recevoir de plus en plus de demandes. C’est pourquoi j’ai décidé de me lancer plus sérieusement dans l’aventure. 


Comment décririez-vous votre processus créatif et votre rapport à l’artisanat marocain ? 

Je ne tourne pas les pièces moi-même. Ce sont mes artisans qui s’en occupent. Généralement, j’arrive avec mes dessins, mes formes et je me mets à échanger avec l’artisan. Le résultat n’a pratiquement jamais la forme que j’ai dessinée en amont. J’ai d’ailleurs un artisan qui dit toujours : « Laissons la terre parler pour voir ce qu’il va en sortir ». À la fin, j’y ajoute des éléments décoratifs comme des émaux ou des couleurs.


Où trouvez-vous l’inspiration ?

Dans le Maroc et dans mon passé. Plus jeune, je faisais souvent des voyages dans le sud du pays avec mes parents. Comme j’avais une grande passion pour les motifs, j’essayais d’en repérer partout autour de moi :  dans une porte en fer forgé, sur une fenêtre, un tapis, un carreau de ciment, parfois même sur des murs en terre tracés à la chaux. Ces éléments m’ont tellement inspirée que j’ai fini par en faire mon propre langage. J’ai extrait ces symboles de mon environnement pour les mettre dans ma céramique. Je puise aussi mon inspiration dans la culture amazighe de mes grands-parents. Même si je ne parle pas la langue et que je ne suis pas très proche de cette culture. Je pense que la céramique m’aide à me reconnecter à mes racines, à un mode de vie plus simple.


Qu’est-ce qui vous motive aujourd’hui le plus dans votre travail ?

La création, les rencontres avec les artisans, l’humain, l’échange. J’adore apprendre aussi. En savoir plus sur notre histoire, notre culture, puis la revisiter. J’ai beaucoup cherché et lu de choses sur la céramique. Mais j’ai surtout appris au contact des artisans. Au-delà de l’objet lui-même, c’est toute l’expérience humaine autour qui me motive. Ce qui me tient vraiment à cœur, c’est de continuer à mettre en avant l’artisanat marocain.


À ce propos, que préconisez-vous pour promouvoir davantage le savoir-faire artisanal 

Des efforts sont déjà fournis dans ce sens. Il existe plusieurs initiatives de la part de la Maison de l’Artisan ou du ministère de l’Artisanat. Mais il reste encore beaucoup à faire. Déjà au niveau de la formation, pour venir en aide aux artisans et les accompagner dans le développement de leurs produits. Mais aussi pour les encourager à concevoir de nouveaux modèles et à travailler en autonomie. Personnellement, j’apprends autant d’eux qu’ils apprennent de moi. On pourrait donc imaginer des ateliers d’échanges entre professionnels, par exemple. 

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Pour vous, qu’est-ce qu’être une femme créatrice dans le domaine de l’artisanat marocain ? Quelles difficultés avez-vous rencontré ? 

Il faut savoir qu’à l’origine, la céramique est un métier d’homme au Maroc. Il existe une seule région où la terre est travaillée par la femme, c’est dans le Rif. Donc depuis que j’ai commencé, je travaille uniquement avec des hommes. Au départ, c’était un challenge parce qu’il faut vraiment savoir s’imposer. Certaines personnes n’aiment pas qu’on leur dicte quoi faire, encore moins quand on est une jeune femme. C’est la triste réalité. Mais il suffit que la personne constate que l’on sait ce qu’on fait pour qu’elle respecte le travail. On a même fini par m’appeler « lmaâlma » ! 


Sur quoi travaillez-vous actuellement ? Quelles sont les inspirations de vos prochaines collections ?

Je ne travaille pas du tout avec un système de collections. Je crée en fonction de l’envie. En revanche, la prochaine nouveauté sera de proposer des produits plus grands pour l’intérieur et l’extérieur, dans les mois à venir. Pour l’heure, on vient de terminer une collection de céramiques pour The Conran Shop à Londres et à Paris. D’autres gammes sont en cours de production pour leurs boutiques en Corée et au Japon. On va aussi travailler avec une marque d’huile d’olive pour créer des bouteilles en céramique. Et surtout, on travaille sur le développement de notre atelier, situé sur la route de l’Ourika. Il n’est malheureusement pas encore ouvert au public, mais c’est en projet. Nous avons prévu, d’ici l’été, d’y accueillir des visites et d’organiser des workshops pour tous ceux qui désirent s’initier à la céramique.


Un dernier mot pour les jeunes créateurs qui souhaitent se lancer dans l’artisanat marocain ? 

Ne pas avoir peur de se lancer. Ce n’est jamais le bon moment, donc il faut y aller ! Faire preuve de résilience et de patience aussi. Et de passion surtout !

Photoc (c)  : Reda Tabit

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