CHRONIQUE DE LA VIE D’UNE VEGAN AU MAROC

vegan au maroc

Est-ce difficile d’être vegan au Maroc ? Réponse avec Chama Tahiri Ivorra, journaliste culturelle indépendante et grande défenseure de la cause animale. En 2021, elle a fondé Niya, un restaurant vegan et café culturel niché dans le quartier Gauthier, à Casablanca. Une façon pour elle de créer ses propres solutions et d’en faire profiter le plus grand nombre. Témoignage.


J’ai décidé de devenir totalement vegan en 2019, après 7 ans de douce transition vers un végétarisme toujours plus éclairé sur mon rapport à l’environnement, aux animaux et au consumérisme. J’habite alors à Paris mais la pandémie de covid-19 va forcer mon retour à Casablanca. À ce moment-là, je suis loin d’imaginer que je m’apprête à concrétiser mon projet de tiers-lieu, imaginé quelques années auparavant. Et encore moins qu’il accueillera le premier restaurant vegan au Maroc. J’ai parfois besoin de me le répéter, tant ça me paraît à la fois évident et toujours un peu fou. 

 

Il y a une sorte de tabou persistant autour du végétarisme et a fortiori du veganisme. Pourtant, notre culture culinaire est d’abord faite de fruits, de légumes et de légumineuses. La consommation – excessive – de viande est un héritage postcolonial devenu un marqueur social lié à l’industrialisation. Résultat, beaucoup de confusion entre les modes liées au « healthy lifestyle », à la religion et à ce que l’on pense être un élément central de notre culture.
Du coup, compliqué de naviguer dans un marché où les initiatives végé (restaurants, produits artisanaux…) réussissent rarement à se pérenniser. Sans parler de la production ou l’importation de produits alternatifs, qui restent inconstantes. Cela fait quelques mois, par exemple, qu’on ne trouve plus les fromages végétaux Violife en rayon. Je viens également d’apprendre que le seul affineur vegan au Maroc a cessé son activité. À mon niveau, cela me pousse à tout faire moi-même, y compris au restaurant où l’on crée nos propres steaks, fromages ou seitan. 


Pas juste un régime alimentaire

En ce qui concerne les sorties au restaurant, je me suis longtemps cantonnée aux accompagnements. Souvent une portion de frites surgelées, de riz réchauffé ou de légumes (mal) sautés. Pour finir par me sentir quasi obligée de faire des écarts végétariens tellement j’étais frustrée. J’exagère à peine. Et puis j’ai découvert certains restaurant, souvent asiatiques, avec de nombreuses options à base de tofu comme chez Golden China. Ainsi que des chefs aventuriers et flexibles, qui sont capables de s’adapter comme chez Iloli, le Quatorze ou le tout nouveau Gare aux Gorilles.
Mais pour moi le veganisme ne se résume pas à un régime alimentaire. Il s’accompagne d’une forme de bienveillance et de conscience au quotidien. À commencer par soi. En reconnaissant sa propre faillibilité et ses propres incohérences d’être humain qui vit dans un monde qui va trop vite, on développe naturellement une forme d’humilité et d’indulgence vis-à-vis des autres. Chacun ses outils, chacun son chemin. À mon niveau, cela se traduit dans tout ce que je consomme et m’apporte une forme de sérénité et d’alignement.

À lire aussi : UPCYCLING, LA « NOUVELLE » TENDANCE ÉCO-FRIENDLY


Un retour à l’essentiel

Côté vêtements par exemple, je privilégie le vintage. C’est à la fois un gage de qualité et une façon de contrer le coût de la fast fashion. Les pages Instagram (Ayam Zaman) dédiées à la mode de seconde main explosent en ce moment. Mais la hype fait aussi gonfler les prix et je me retrouve privée du plaisir de dénicher moi-même mes petites chineries comme j’ai pu le faire lorsque je vivais encore à Paris. La frustration s’étend au rayon maroquinerie, où il est encore rare de trouver des options vegan au Maroc. Impossible aujourd’hui pour moi de craquer pour des mocassins en cuir de veau. À ce stade, je préfère encore porter du plastique plutôt que cautionner la cruauté envers les animaux. Au final, cette contrainte fait que je choisis mieux et achète moins.
En revanche, côté cosmétiques, c’est plus réjouissant. De jeunes marques puisent dans la richesse botanique du pays pour proposer des produits clean et zéro déchets. Azhul et ses huiles précieuses pour le visage, Nabati avec ses savons et shampoings solides, ou encore Aloya pour le déo végan ou le dentifrice en poudre. Finalement, si je devais résumer mon quotidien de vegan au Maroc, il s’agit d’un retour global à l’essentiel. Une façon de privilégier la qualité par rapport à la quantité. Et cela n’empêche pas de se faire plaisir, bien au contraire ! 

À lire aussi : YUKA, L’APPLI QUI FAIT TREMBLER LES GÉANTS DE LA COSMÉTIQUE

Photo (c) : Vogue 

Pas Encore De Commentaires

Les commentaires sont fermés

@shoelifer

Instagram