HUMEUR : MON MEC, LE MASCULIN-FÉMININ, LA MODE UNISEXE ET MOI

unisexe

« Tu es sûre qu’il n’est pas gay ton mec ?« . C’est la remarque que j’ai dû me coltiner en soirée quand BAE est arrivé habillé d’une chemise unisexe rose fushia et rasé de près. Bien que le no gender soit largement accepté par la génération Z, les stéréotypes ont toujours la peau dure en 2022. Quand accepterons-nous enfin que les étiquettes évoluent ? L’humeur (unisexe) du mois, c’est par ici.

Oui, mon mec est de ceux qui prennent soin de leur apparence. Cheveux et cuir chevelu boostés au PRP, crème hydratante religieusement appliquée, ongles nickel, parfois manucurés, et chemises « olé olé » assumées. Je dois avouer qu’au début de notre relation cela me paraissait un peu étrange, étant plus habituée aux points noirs sur le nez, aux t-shirts informes et à la barbe défraîchie de mes précédentes conquêtes. Aujourd’hui j’approuve à 100%. Mon chéri prend soin de lui et j’aime ça, quitte à déranger certaines personnes de mon entourage. D’ailleurs, cela ne s’arrête pas seulement à l’esthétique


Loup y es-tu ? 

Car ce sont aussi ses caractéristiques émotionnelles qui sont jugées comme beaucoup trop féminines. À savoir ? Être doux, compréhensif, s’intéresser à des sujets comme la mode et la déco et avoir une bonne dose de créativité. Et pas seulement sous la couette, je vous vois venir. Autant dire, toutes les qualités qui font que je suis fière que ce soit l’homme de ma vie. Pourtant le secret doit être bien gardé. Car s’il m’arrive de dire en public à quel point j’admire sa sensibilité – ô effroi –, le bel éphèbe se transforme tout à coup en loup-garou pour prouver à qui veut l’entendre l’étendue de sa virilité. Merci, mais non merci. J’entends déjà assez ses ronflements le soir pour savoir que oui, c’est un homme, un vrai. La question est : pourquoi avoir toujours besoin de se justifier pour l’affirmer ? 


Tu seras un homme mon fils

Il est vrai qu’au sein de mon cercle familial, le stéréotype du mâle alpha est bien ancré dans les esprits. Il a suffi par exemple que je raconte à ma mère l’histoire de la chemise rose pour que la maisonnée crie à l’hérésie. Comment ça rose fushia ? Mon père a failli s’étrangler et n’a pas manqué de rétorquer que selon lui, du savon frais et du linge propre le matin constituaient l’essentiel de sa part de féminité. Avant d’ajouter : « Quand on est un homme, pas besoin de toutes ces conneries. Ces histoires de vestiaire unisexe rose compris ». Vous voyez le tableau ? Ce serait presque anodin si le rejet de tout ce qui est considéré comme féminin n’allait pas beaucoup plus loin. Par exemple, pour mon patriarche, impossible de se rendre chez un kiné malgré un mal de dos persistant depuis des années (de peur qu’un homme le touche). Sans parler du fait d’aller voir un psy, l’ultime preuve de faiblesse pour un mec viril selon lui. Je ne veux pas dire mais voilà peut-être pourquoi tout a fini par basculer. 


Génération non non 

Car oui, les codes ont changé et qu’on le veuille ou non, la génération Z est en train de remettre en question notre rapport au masculin-féminin. Le lexique amoureux évolue et le no gender s’assume partout sur les réseaux sociaux, dans les journaux, les magazines, jusque dans les cours d’école. Plus un jour ne passe aujourd’hui sans qu’un « iel » ne déclare sa non-binarité. Mais ce n’est pas tout. Les stars des tapis rouge commencent elles aussi à brouiller les pistes. On pense par exemple à Brad Pitt qui n’a pas hésité à porter une jupe en pleine promotion de son film, tout comme à lancer sa propre marque de cosmétique. Osé ? Oui, et terriblement réjouissant. Mais peut-être pas autant que Timothée Chalamet qui, à chacune de ses apparitions publiques, joue avec ses looks empruntés au vestiaire féminin. En filigrane ? La preuve que la mode, unisexe, non genrée et décomplexée joue plus que jamais un rôle dans cette révolution des genres.


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Dans la langue française aussi, le combat fait rage. Jusqu’à pousser le célèbre Petit Robert à inscrire la définition du mot iel dans sa nouvelle édition. Soit. Au Royaume-Uni et au Québec, des textes de lois ont même été adoptés pour contrer la transphobie traditionnelle envers les personnes transgenres en demandant aux équipes médicales des hôpitaux d’éviter d’utiliser les mots père et mère en leur présence. Cela ne va pas un peu trop loin ? Car si je suis pour plus de diversité dans les représentations homme-femme, je ne peux pas m’empêcher de me demander jusqu’où ira le politiquement correct. Ne sera-t-il plus possible d’appeler un chat un chat ? Je ne sais pas vous, mais à force de vouloir ménager les susceptibilités, je trouve que cela peut vite tourner à la caricature.


Si j’étais un homme 

Je dois avouer qu’à cet instant c’est peut-être mon côté macho qui parle. Car figurez-vous que ma part de masculinité prend aussi régulièrement le dessus. Alors certes, m’aventurer souvent au rayon hommes dans les magasins et préférer la boxe au fitness y est peut-être pour quelque chose. Mais ce qui dérange peut-être plus mon entourage est le fait que je bois souvent comme un mec (whisky on the rocks et alors ?) et que je n’hésite pas à imposer mes idées en société. Pire encore, je n’ai pas besoin de l’aval d’un homme pour prendre mes décisions et – ô miséricorde – je suis indépendante financièrement. Bref je coche pas mal de cases habituellement réservées à la gent masculine.


Aimez-vous les uns les autres 

Je dois vous avouer que cette histoire de chemise rose a fini par provoquer une dispute avec BAE. Nous voilà dans la salle de bain, lui en peignoir avec une charlotte sur la tête en train d’argumenter, et moi en train de crier comme une forcenée. C’est là que j’ai réalisé. Finalement, que l’on soit macho, femme jusqu’au bout des ongles, gay, non binaire, unisexe, hétéro ou bisexuel, la plus grande des difficultés sera peut-être toujours de réussir à se mettre dans la peau de l’autre. Dressing unisexe or not. À méditer… En attendant, je vous laisse, j’ai un meeting à donner en costume Zegna et talons Aquazzura. Car c’est aussi ça la beauté de l’évolution des codes : avoir le choix aujourd’hui de jouer tous les rôles que l’on souhaite. Après tout, ne serait-ce pas juste une question d’équilibre ? 

Photo (c) : La dépêche française

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