6 PHOTOGRAPHES MAROCAINS À SUIVRE DE (TRÈS) PRÈS

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Qu’ils soient artistes de formation ou autodidactes, qu’ils shootent avec un smartphone ou un bon vieux reflex… Les jeunes photographes marocains ont le vent en poupe. Leurs feeds léchés, sur Instagram, rivalisent de créativité. Notre sélection (non exhaustive) de 6 talents à suivre de près.


Chacun a rivalisé d’imagination, durant le confinement, pour défier l’ennui. Nous, par exemple, après avoir retrouvé un vieil appareil au fond d’un placard, on a voulu se remettre à la photo. Sans grand succès, certes. Néanmoins, ça nous a permis de découvrir la jeune scène marocaine, en scrollant les réseaux sociaux à la recherche de l’inspiration. Et on a réalisé que pour certains la vocation était née comme ça: à la maison, avec ce qu’il y avait à disposition.

La photo homemade est même devenue une véritable marque de fabrique pour certains. Autoportraits, natures mortes, espaces intimes et participations des proches… tout objet, toute rencontre, tout lieu devient prétexte à l’expression photographique. C’est d’ailleurs l’idée derrière Tempus Fugit, exposition au MACAAL dédiée au travail de 8 photographes marocains durant les phases de confinement et de déconfinement. Autre constat : la relève photographique s’organise, avec la naissance de collectifs et mouvements, comme KOZ, Noorseen et Everyday Casablanca. Mus par une volonté d’entraide, les jeunes photographes marocains n’hésitent plus à collaborer et essaient de faire bouger les lignes de la discipline. Qui sont ces nouvelles têtes dont le travail a retenu notre regard ? Présentations.


Le plus en vogue : Mous Lamrabat

Un monde où McDonald’s vend des msemmens, où l’on porte des niqabs monogrammés Vuitton, et sur lequel le KousKousKlan règne en maitre, ça vous tente ? Alors bienvenue au Mousganistan, l’univers déjanté du photographe belgo-marocain Mous Lamrabat. Celui qu’on avait découvert à l’occasion de son duo avec Artsimous, (prolifique créateur de Maison Artc à Marrakech) fait désormais cavalier seul. Dans ses clichés, le photographe le plus “mode” de notre sélection détourne les logos, se joue des marques et transgresse les canons esthétiques de la haute couture. Ce qui lui vaut même d’essuyer quelques polémiques. Sa volonté ? Mettre en regard, bousculer, questionner… mais toujours avec humour. On aime son travail, autant qu’il aime le Maroc auquel il emprunte ses codes culturels, en les sortant toujours de leur contexte. Des codes auxquels il rend parfois hommage. Durant ramadan dernier, il a lancé un projet participatif, invitant les musulmans des quatre coins du monde à poser en tenant leur tapis de prière devant eux. Ce qui a donné naissance à une fresque drôle et bigarrée : à son image, en somme.


Le plus graphique : l4artiste

 C’est sur son toit que tout a commencé. L4artiste – aka Ismail Zaidy – l’a d’ailleurs baptisé “studio sa3ada” (studio du bonheur). Un espace de travail dont la seule limite est le ciel (souvent bleu) de Marrakech. Là-haut, il shoote (au smartphone only) son frère et sa sœur, dans des compositions minimalistes et savamment étudiées où chaque détail a toute son importance. Des toits, des murs, du jaune, du bleu, de l’orange. Jeux de lumières, de symétries, de miroirs… jeux d’étoffes aussi, puisque le tissu est omniprésent dans son travail. Tout comme la couleur – tantôt vive, tantôt pastel – qui éclipse parfois les modèles pour devenir le sujet même de la photo. Un travail d’équipe (pour ne pas dire familial), à la fois intime et ouvert sur le monde, qui évoque la douceur de l’enfance et nous rappelle la créativité des jeunes photographes marocains.


Le coup de cœur : Fatima Zohra Serri

Fatima Zohra Serri aurait pu rester une parfaite inconnue, si les réseaux sociaux n’avaient pas existé. Mais c’est surtout la mini-série Framed (signée Jawjab) qui la révèle au public en 2019. Dans l’épisode qui lui est consacré, on découvre une Tétouanaise d’une vingtaine d’années, qui exerce la profession de comptable le jour, et fait de la photo à ses heures perdues. Jusqu’ici, rien de surprenant. Mais il suffit de regarder ses clichés de plus près pour réaliser que derrière la façade de la jeune fille rangée, se cache en réalité une grande colère – et beaucoup de talent. La photo ? Elle en fait pour “faire avancer la cause féminine dans cette société conservatrice” : mères, épouses, femmes dissimulées, femmes invisibilisées, ou tout bonnement dévouées au service des hommes… Fatima Zohra Serri se met en scène pour aborder des sujets tabous, dans des compositions poétiques pleines de symboles. Coup de cœur absolu.


Le plus onirique : Muhcine Ennou

C’est la street-photography trépidante de Muhcine Ennou qui nous a invitées à plonger dans son travail et en particulier la série “Melting Pot”. Scènes de vie, scènes de rues, de plages, de places, de médina… On découvre des couleurs saturées et des géométries variables, mais toujours cette même capacité à saisir l’instant. Et une certaine magie. À parcourir le feed Instagram du photographe, on perçoit l’évolution de son œil, de sa technique, mais aussi de son goût. Car cet autodidacte basé à Rotterdam a plus d’un tour dans son sac. Après un passage rapide (et moins intéressant) par le portrait, l’artiste s’attèle aujourd’hui à créer des mondes rêvés, sortes d’espaces mentaux imaginaires, aux allures futuristes, où il fait bon se réfugier. Station essence perdue au beau milieu du désert, chambres avec vue, palmiers solitaires, murs de terre… dans ses compositions arcadiennes, le Maroc n’est jamais loin.


Le new one : Redouani

À en croire le feed Instagram de ce passionné de photo argentique, il se serait mis à la photo “il y’a peu”. Ses premiers partages, qui remontent au mois de mai 2020 sont en effet quelque peu hésitants, encore timides. Mais au fil des jours (et des posts), on le sent évoluer dans sa quête d’affirmation. Aujourd’hui, Redouani a trouvé un concept qui fonctionne : le triptyque. En s’adaptant à la contrainte du réseau social, le jeune artiste présente dans ce tempo en trois temps une vaste galerie d’autoportraits dont les couleurs et la construction font écho à l’architecture de la ville ocre. Un jeu de regards s’instaure entre le modèle, le photographe et le spectateur : le regardant devient à son tour regardé.


La pépite : Imane Djamil

C’est à 16 ans, lors d’un road-trip de Casablanca à Dakhla, qu’Imane découvre Tarfaya. Cette petite ville du Sahara, située à quelques kilomètres de Laâyoune et des îles Canaries, la séduit immédiatement par son inquiétante étrangeté. Côtes sauvages, ruines majestueuses, dunes à perte de vue… Elle y retourne pour engager un premier travail photographique autour de la Casa del Mar. Une ancienne forteresse construite en 1882 qui servit de comptoir commercial avant d’être transformée en prison durant l’occupation espagnole. À marée haute, l’eau vient encercler le fort, qui semble alors flotter au beau milieu de l’océan. Imane Djamil y voit une métaphore : celle d’une plaie béante, porteuse d’un héritage culturel violent, qui cicatrise peu à peu, au contact répété du sel marin. En 2020, elle retourne à Tarfaya et engage un nouveau projet avec un groupe de jeunes rencontrés lors de son premier séjour. Dans une série de triptyques, elle les met en scène dans des bâtiments laissés à l’abandon. La Galerie CDA (Casablanca) qui encourage les photographes marocains , lui consacre d’ailleurs un solo show à partir du mercredi 13 janvier.

Par Anaïs FA.

Photo (c) Fatima Zohra Serri

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