INTERVIEW : ASSAÂD BOUAB, LE ROMANESQUE BEAUMARCHAIS DE LA SÉRIE FRANKLIN

Franklin

Assaâd Bouab est de retour sur les écrans dans la série historique Franklin, diffusée en ce moment sur Apple TV+. Il y incarne l’illustre Beaumarchais, fidèle allié de Benjamin Franklin pour convaincre le royaume de France d’aider les Américains à obtenir leur indépendance. Shoelifer s’est entretenu avec l’acteur franco-marocain, ultra-discret mais déjà sur plein de nouveaux projets. 

Franklin, c’est l’un des phénomènes du moment. Diffusée sur la plateforme de streaming Apple TV+ depuis le 12 avril dernier, cette mini-série de 8 épisodes, mi-fresque historique mi-biopic, revient sur la vie de Benjamin Franklin, le père fondateur des Etats-Unis. Et plus particulièrement sur ses huit années (1770-1778) d’efforts déployés auprès du royaume de France afin d’obtenir l’appui du roi Louis XVI dans la guerre d’indépendance américaine. Une mission de la dernière chance, puisqu’à l’époque la révolution américaine est vouée à l’échec. Tout simplement parce que les insurgés manquent d’armes, de munitions et d’argent face aux Anglais. 

En plus d’une reconstitution crédible et d’une image ultra-soignée, la série est portée par un casting 3 étoiles. L’iconique Michael Douglas (dans le rôle de Franklin), mais également Ludivine Sagnier, Jeanne Balibar, Thibault de Montalembert et Assaâd Bouab. L’acteur franco-marocain incarne Beaumarchais, le célèbre auteur du Mariage de Figaro. On le sait moins mais l’écrivain et dramaturge français a été un véritable intermédiaire entre son ami Franklin et le comte de Vergennes, puissant ministre français des Affaires étrangères sous Louis XVI. Évidemment, la rédac’ n’a pas résisté à l’envie d’interviewer l’un de nos acteurs préférés. 


La série Franklin est diffusée sur Apple TV+ depuis une quinzaine de jours, et a plutôt de bons échos dans la presse, notamment Télérama. Un peu moins chez Libération. Et vous, quels retours avez-vous eu ? 

Honnêtement, je ne lis pas trop la presse. J’ai quand même vu passer une critique du journal L’ »Équipe assez positive, même si on ne peut évidemment pas plaire à tout le monde. Les amis et proches qui ont vu la série sont contents, est-ce que c’est juste parce qu’ils m’apprécient (rires) ? Je crois qu’ils sont assez sincères en général. Par contre, ils ne m’ont pas reconnu physiquement (rires).


Justement à ce propos, vous portez très bien la perruque et le teint porcelaine type Louis XVI, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Combien d’heures de travail par jour  cette transformation physique a-t-elle demandé ? 

Je dois dire que l’équipe HMC (habillage, maquillage, coiffure) mobilisée pour la série Franklin était incroyable. Le processus de transformation, c’est la première étape quand on arrive le matin sur un plateau de tournage. Nous, on débarque en jogging, pull à capuche, à peine réveillé, et là on passe entre des mains magiques qui nous métamorphosent. En tout, c’était environ 1 heure/ 1 heure et quart de travail entre le maquillage, la perruque et les vêtements. D’ailleurs les costumes, conçus par Olivier Bériot, sont merveilleux. 

Je me rappelle d’une séquence tournée à l’Opéra Comique de Paris, où mon personnage (Beaumarchais) monte sur scène pour annoncer le spectacle du soir, et là je me suis retrouvé face à 200 figurants en costume et en perruque, c’était impressionnant, j’étais quasiment transporté à une autre époque. 

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Comment le rôle de Beaumarchais s’est-il présenté à vous ? Vous qui êtes un homme de théâtre, connaissiez-vous déjà ce dramaturge ? 

J’ai croisé la route de Beaumarchais grâce à un casting pour la série Franklin, tout simplement. Il y en a eu en France et aux États-Unis, j’ai eu la chance d’en entendre parler grâce à mon agent, puis d’aller jusqu’au bout. Beaumarchais, je le connaissais un peu parce que je suis passé par les écoles de théâtre et grâce à l’avenue éponyme à Paris (rires), mais pas plus que ça. 

 

Mais quand on lit Beaumarchais, on se rend compte de son irrévérence et de l’homme incroyable qu’il a été. Son père était un artisan horloger, il est le seul garçon d’une fratrie de cinq sœurs. Puis il devient musicien et inventeur, d’ailleurs il va multiplier les procès parce qu’il se fait tout le temps voler ses brevets. Finalement le roi Louis XV entend parler de lui, le fait venir à la Cour, où il est engagé pour être  professeur de musique auprès des filles du souverain. E plus d’être dramaturge, il devient aussi espion au service de la Couronne française,  puis armateur et marchand d’armes pour soutenir l’indépendance américaine. Au point de s’endetter. Dans la série, c’est lui qui fait office de lien et de médiateur entre Franklin, le comte de Vergennes et le roi. 

Évidemment, il y avait sans doute un intérêt commercial, mais c’était un vrai défenseur de la liberté, qui n’avait pas froid aux yeux. C’est lui qui a imprimé les œuvres complètes de Voltaire en Allemagne, alors qu’il était censuré, lui qui a inventé le système de droits d’auteur dont on bénéficie encore aujourd’hui. 

Franchement, c’est un personnage fascinant et romanesque, qui mérite une série à lui tout seul. Il est aussi ambivalent. Beaumarchais a épousé une veuve richissime, qui est morte un an plus tard. Elle s’appelait du Bosc Marchais, et c’est ainsi qu’il est devenu Beaumarchais. À l’école, je ne retenais pas beaucoup de choses de mes cours d’Histoire, mais maintenant, ça me passionne ! 


Beaucoup de spectateurs ayant vu la série Franklin font des parallèles entre cette période de l’histoire et aujourd’hui : la guerre en Ukraine, les dangers qui menacent la démocratie américaine… Et vous, quel parallèle faites-vous ? 

En préparant la série Franklin, j’ai lu les ouvrages de Beaumarchais et La grande improvisation de Stacy Schiff, qui a inspiré le scénario. Ces événements ont eu lieu il y a 250 ans en arrière, et pourtant à l’échelle de l’Histoire, c’est presque comme si c’était avant hier. Et font écho à l’époque actuelle : il existe encore des armées surpuissantes, pas forcément très justes, qui dominent. 

La série Franklin sort aussi en pleine année électorale aux États-Unis, c’est sans doute important de revenir sur l’histoire de leur indépendance et de la naissance de leur démocratie. En fait, c’est aux gens de se faire leur propre idée sur ce qui entre en résonance avec l’air du temps. Mais je pense que ce qu’il faut défendre au final, c’est le combat pour la liberté. 


C’était comment de jouer avec Michael Douglas, qui incarne Franklin ? Pas trop stressant ? 

 

C’est une légende, tout comme son père Kirk Douglas. Quand j’étais au collège, j’allais au coin de la rue pour acheter des cassettes VHS et regarder leurs  films. Lorsqu’on m’a annoncé que j’avais le rôle, j’ai été très ému, du genre : “Oh mon Dieu, je vais jouer avec Michael Douglas !” (rires). C’est un homme très généreux, très doux, et qui n’a plus rien à prouver. Il a toujours l’œil qui pétille, un peu espiègle, la petite blague au bout des lèvres. 


Votre carrière cinématographique est riche et assez pointue. Toutes les séries dans lesquelles vous avez joué (Braquo, Kaboul Kitchen, Messiah, Dix pour cent…) sont des succès, et pourtant vous êtes un acteur ultra-discret. Comment cela se fait-il ? 

Je ne sors pas beaucoup, à tort d’ailleurs, peut-être que je pourrais sortir davantage. J’aime les soirées bien sûr, mais je suis assez casanier. J’aime aussi le théâtre et j’imagine que ça nourrit une certaine discrétion. Le théâtre, c’est des heures de travail dans le noir, puis un enchaînement de représentations au même endroit, pendant plusieurs semaines. 

 

Mais je suis très heureux du parcours que j’ai et je m’estime très chanceux. Maintenant, ce n’est plus un secret, je souhaite vraiment faire la suite de Marock. Quel regard peut-on poser sur la société marocaine vingt ans plus tard, de quoi ma génération a-t-elle envie de parler ? 

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Ah bon, Marock 2 est dans le pipe ? 

Non, ce n’est pas dans le pipe, juste dans mes rêves. J’en ai un peu parlé avec Laïla Marrakchi (la réalisatrice du film, ndlr). Elle a trouvé ça pas mal, mais je ne sais pas si c’est ce qu’elle a envie de défendre maintenant. Pour moi, c’est le film qui m’a mis le pied à l’étrier. C’est la première fois qu’on m’a fait confiance, rien que d’en parler je suis ému, je dois énormément à Marock


Revenons à la réalité ! Après la série Franklin diffusée à raison d’un épisode par semaine sur Apple TV + depuis le 12 avril et jusqu’au 17 mai, avez-vous d’autres projets ? 

Oui, j’ai écrit un court métrage, dont l’histoire a lieu au Maroc et qui sera tourné sur place. Je ne préfère pas trop en dire, car nous venons de déposer les demandes d’autorisation auprès du Centre cinématographique marocain. Mais je peux quand même vous dire qu’il y aura mon frère au casting, Younès Bouab et l’actrice Nadia Kounda. 

Il y a quelque temps, j’ai aussi dîné avec Kirk Ellis, l’un des scénaristes de la série Franklin et un féru d’Histoire. Il m’a demandé quel personnage historique j’aimerais jouer, je lui ai dit Ibn Battuta et il m’a répondu : “Ah, le grand voyageur !”. Depuis, nous avons trouvé une production en France et une autre en Angleterre, et nous sommes actuellement en train d’approcher les plateformes de streaming afin de trouver les financements et lancer l’écriture. Ce serait une série, plutôt épique, basée sur les vingt-cinq années où Ibn Battuta à parcouru une partie du monde sans jamais revenir au Maroc. 

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