INTERVIEW NACER BENBACHIR, DENTISTE DE STARS ET MUCH MORE

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Les success story des Marocains à l’étranger? Elles sont souvent source d’inspiration. Mais on entend souvent parler des mêmes. Loin des clichés médiatiques et des têtes d’affiches, qui sont ces Marocains qui cartonnent au-delà de nos frontières ? Dans ce premier épisode, Nacer Benbachir, nous raconte son histoire, de ses études à la faculté Hassan II à son poste de chargé d’enseignement à l’Université de Genève. Interview.


Qu’est-ce qu’une success story ? Selon le dictionnaire Larousse, c’est un “récit ou une analyse, à la fois chronologique et synthétique, de la réussite d’une personne, des raisons du succès d’un livre, d’un produit, d’une opération”. Voilà pour la définition. Concrètement, comment parvient-on au top, au succès, quelles épreuves a-t-il fallu surmonter? Loin des projecteurs, de nombreux Marocain(es), au parcours inspirant, ont réussi à accomplir leurs rêves. Nous, on veut décrypter la recette. Pour débuter notre saga de portraits ? Nacer Benbachir, dentiste de stars, enseignant à l’université de Genève et much more. Interview d’un Casablancais qui a su faire sourire sa carrière au-delà de nos frontières.

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Décrivez-nous votre enfance…

Je suis né à Casablanca en 1976. J’ai donc eu la chance de grandir dans la ville blanche dans les années 80 –et oui, je suis nostalgique de ce que la capitale économique était à cette époque. J’ai passé la quasi totalité de mon enfance à alterner les balades avec les copains sur la Corniche et les parties de golf. C’était assez exceptionnel. Quant à mon parcours scolaire, il s’est fait au lycée Lyautey et il a été plutôt “discret” jusqu’au bac.

“Je n’ai jamais été un très bon élève. J’ai toujours été “moyen bon”, mais rien d’exceptionnel. Je n’ai jamais été très scolaire. Mais épanoui, oui”


Discret ? C’est à dire ?

C’est une manière de dire que je n’ai jamais été un très bon élève. J’ai toujours été “moyen bon”, mais rien d’exceptionnel. Après, j’ai fait un bac scientifique et même si je ne travaillais pas beaucoup, je dois avouer que c’était plutôt facile. Je n’ai jamais été très scolaire. Mais épanoui, oui. J’avais une belle bande de copains, des parents plutôt cool et permissifs… Bref, j’ai eu une enfance très sympathique.


Vous avez toujours voulu être dentiste ?

Baccalauréat en poche, j’avais plutôt une orientation business. Je voulais faire “des affaires”. Mais grâce aux conseils avisés de mes parents, je me suis dirigé vers des études aboutissant “à un vrai métier”. Finalement, tout ça s’est fait par mimétisme. En fait, j’ai suivi ma sœur (également dentiste – c’est avec elle qu’il a ouvert sa clinique, ndlr), et je me suis laissé porter vers les métiers de la dentisterie. J’ai passé mon diplôme à l’université Hassan II. Ensuite j’ai décidé de passer un diplôme en bio-matériaux à Paris. J’aime bien dire que j’ai fait ce choix quand j’ai appris que la médecine dentaire avait des promotions avec 3 à 4 fois plus de filles que de garçons (rires).

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Alors Paris ?

Ça n’aura duré qu’un an car j’ai rapidement cédé aux chants des sirènes. Ma sœur m’avait devancé et était à l’époque à l’Université de Genève et c’est donc tout naturellement que je suis venu la visiter. Là, j’ai découvert un environnement universitaire tellement stimulant et motivant qu’il a fait naître en moi une véritable passion ! J’ai rencontré des gens motivés qui poussent au maximum le potentiel de chacun… Il y a beaucoup de travail, mais on vous le rend bien. J’ai également eu la chance de rencontrer le professeur Ivo Krejci, en 2002 : il m’a non seulement ouvert les portes de l’Université mais il m’a aussi fait prendre conscience que l’excellence dans le travail est la seule option. Bref, à l’époque, Genève m’offrait beaucoup plus que ma vie parisienne et je n’ai pas hésité un seul instant.


La suite ?

L’Université de Genève tient une place centrale dans ma carrière. J’y ai rapidement été engagé. Je pense que j’ai eu de la chance, et qu’on a dû aimer mon profil. Je me demande encore si mes parents n’ont pas donné d’enveloppe au doyen (rires) ! Aujourd’hui, ce qui m’attire le plus dans l’enseignement, c’est évidement la transmission, le partage… mais aussi l’extrême humilité que cela requiert pour que le message passe mieux avec les étudiants.

“C’est sûr que les 8 à 10 premières années, j’ai beaucoup travaillé, car le talent ne suffit pas. Mes journées commençaient à 6h30 et terminaient à 23h”


Y’a-t-il eu des moments durs ?

Honnêtement, je me considère plutôt chanceux. C’était plutôt facile, les Suisses sont très accueillants. Et quand je suis arrivé, j’étais dans l’état d’esprit de travailler et d’apprendre. Mais travailler, c’était avant tout un plaisir. Les grosses soirées de boulot qu’on terminait à minuit ou une heure du matin par exemple, on les faisait en groupe dans une bonne ambiance, et c’était toujours très sympa. Après, c’est sûr que les 8 à 10 premières années, j’ai beaucoup travaillé, car le talent ne suffit pas. Mes journées commençaient à 6h30 et terminaient à 23h. Et pendant très longtemps, je n’ai pas eu de week-end! C’est le sort des gens qui entament une carrière universitaire… La récompense ? On voit tout de suite les résultats.


Mais vous ne vous êtes pas arrêté là…

La raison est très simple : en intégrant l’Université de Genève, on comprend très vite que l’on n’a pas d’autre choix que d’avancer. On ambitionne, au pire, que notre poste soit reconduit et au mieux, de gravir les échelons. J’ai choisi la deuxième voie. J’ai passé aussi en parallèle d’autres diplômes et formations, comme le SSPRE, une spécialité en dentisterie minimale invasive et esthétique. Nous sommes très peu en Suisse à avoir suivi ce cursus tant il est exigeant ! Bref, de 2002 à 2008, mon activité a été purement universitaire. En 2008, j’ai pris la décision de partager mon activité entre l’enseignement et la recherche à l’Université puis la pratique dans un cabinet privé. J’ai donc intégré un cabinet à Genève durant 6 ans avant d’ouvrir ma propre structure : la Helvetic Dental Center.

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Tout est allé très vite, alors ?

C’est vrai que j’ai pu très rapidement aller au plus haut. Honnêtement, le Professeur Ivo Krejci, le doyen de la fac, aujourd’hui chef de département, m’a pris sous son aile et nous sommes devenus très amis. Assez vite, on m’a confié des responsabilités. Les places sont quasi impossibles à obtenir, donc j’ai dû plaire, à ma manière. Ce qui est génial, c’est que l’on est tout de suite dans le bain. Et que même si le milieu est plutôt codifié, mon entourage académique m’a fait confiance. J’ai pu évoluer en 7-8 ans (assistant, maître assistant, chef de clinique, chargé d’enseignement), ce qui est très rapide quand on sait qu’il faut en moyenne 15-20 ans pour arriver à ce stade. Mais cela a toujours été un plaisir, car les efforts que j’ai faits ont toujours payé.


Un tel succès a dû attirer les jalousies aussi…

Évidemment, un peu de réussite attise parfois les jalousies. Et oui comme tout le monde, ça m’est arrivé qu’on tente de me mettre des bâtons dans les roues. Il y a des coups bas, et ce sont souvent ceux-là mêmes dont on ne peut pas parler (rires). Mais honnêtement, pas beaucoup, j’ai des rapports plutôt faciles avec les gens, et il y a plutôt des gens bienveillants et attentionnés autour de moi.


Meilleur souvenir ?

Quand on est universitaire, on participe à beaucoup de conférences… C’est le volet le plus sympa, on est une petite équipe, on voyage dans le monde, et c’est assez agréable.


Où ça ?

En Europe par exemple, beaucoup en Angleterre, en France, en Allemagne en Autriche, en Italie… mais aussi en Russie ou encore en Arabie Saoudite. Après, lorsque l’on a un cabinet, on a aussi effectivement la chance de recevoir des personnalités très en vue… dont je ne peux évidemment pas dévoiler le nom : en Suisse, la discrétion est presque religion d’Etat! Parfois, on meurt d’envie de le dire, c’est excitant c’est sûr, mais ce ne sont pas forcément mes plus beaux souvenirs. L’ouverture du cabinet en est un. Mais chaque moment est vite remplacé par un autre. Je vous l’ai dit, je suis plutôt chanceux, la vie est bienveillante avec moi.

J’ai parfois aussi l’impression de n’avoir rien accompli par rapport à certains de mes amis qui réussissent brillamment. Je pense que j’aurais pu faire beaucoup, beaucoup plus”


Un sentiment d’accomplissement ?

Non pas vraiment… Je suis très dur envers moi-même. Je suis content de ce qu’il m’arrive, mais j’ai parfois aussi l’impression de n’avoir rien accompli par rapport à certains de mes amis qui réussissent brillamment. Je pense que j’aurais pu faire beaucoup, beaucoup plus. Mais j’ai encore le temps ! J’ai toujours l’impression que l’herbe est toujours plus verte ailleurs. Depuis peu, je m’essaie d’ailleurs à autre chose, j’espère vous en dire plus dans quelques temps. C’est probablement le côté des “affaires” qui m’attire, car quand on choisit le métier de dentiste, on n’a pas 10.000 options: on sera dentiste. C’est peut-être de là que vient mon impression de ne pas en avoir fait assez. Mais j’adore mon métier et mon équipe, je ne peux pas m’imaginer travailler sans eux tous les jours.

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Que pensent vos parents de votre parcours ?

Vous connaissez les parents ! Ma mère me présentait déjà comme professeur à l’université pendant ma 1e année de médecine !


Etes-vous mariés, avez-vous des enfants ?

Oui je suis marié, ma femme s’appelle Dounia, et j’ai deux filles : Alia et Sophia, de 8 et 10 ans. Je suis entouré de filles, c’est vrai. Au sein de mon équipe, je n’ai d’ailleurs qu’un seul collaborateur masculin et ça me va très bien comme ça.

“On est vraiment chez soi que dans son pays, mais ma Suisse est un pays extraordinaire, exceptionnellement accueillant”


Jamais eu envie de rentrer au pays ?

Bien sûr que si ! Tout le temps ! Parce que quelle que soit votre intégration, votre réussite ou la durée de votre séjour à l’étranger, on n’est vraiment chez soi que dans son pays. Mais ma Suisse est un pays extraordinaire, exceptionnellement accueillant, et finalement qu’à 2h30 de Casablanca en avion…


Un conseil qui vous a aidé et celui que vous donneriez ?

Le choix des études peut-être. Quand j’ai voulu faire un cursus en commerce, mon père m’a dit “le commerce, c’est un état d’esprit. Soit tu l’as, soit tu ne l’as pas. Va faire des études pour apprendre un métier, ensuite tu feras des affaires si tu veux”. Finalement, c’est peut-être le meilleur conseil que l’on m’ait donné. Sinon, mon autre réponse est vraiment “bateau”: si on a l’ambition de réussir, quel que soit le domaine, il n’y a qu’une seule chose qui paie, c’est le travail !


Bio express

1976 : Naissance à Casablanca
1994 : Baccalauréat au Lycée Lyautey, filière scientifique
1994 : Études de médecine dentaire à l’Université Hassan 2 en fac de médecine
2001 : Arrivée à Paris en formation à l’Université Paris 7 Garancière, spécialité en bio-matériaux
2002 : Arrivée à l’Université de Genève et poste d’assistant
2006 : Maître assistant à l’Université de Genève
2008 : Chef de clinique à l’Université de Genève
2008 : Commence à exercer dans un cabinet privé
2010 : Chargé d’enseignement à l’Université de Genève
2013 : Ouverture du HDC – Helvetic Dental Center

Charlotte Cortes

Une fois son master de l’ESJ Paris en poche, c’est entre la capitale française et sa ville de cœur, Casablanca, que Charlotte fait ses premières armes. Quotidiens d’informations, radio, post-production télévisuelle… touche-à-tout, cette journaliste mue par le désir d’en apprendre toujours davantage rejoint diverses rédactions (Metro, Atlantic Radio…) avec le désir de se frotter à différents médias. C’est à son retour au Maroc en 2015, que le lifestyle s’impose à elle, tout naturellement. Une évidence qui la pousse à intégrer le lifeguide Madame Maroc, dont elle deviendra rédactrice en chef trois ans plus tard. Depuis, elle écume les belles adresses du royaume à la recherche constante de nouveaux labels et autres hot spots. Aujourd’hui, c’est à Shoelifer qu’elle prête sa plume et son enthousiasme pour gérer la programmation du webzine. Ne vous y trompez pas, sous ses airs affairés cette pétillante brunette ne rêve que de danses endiablées, de plages désertes et… de bons plans mode, évidemment.

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