GASTRONOMIE MAROCAINE : LA SUCCESS STORY FÉMININE ET FAMILIALE DE MAYMANA

maymana

Alors qu’on s’apprête à déguster tout plein de gâteaux pour l’Aïd, la rédac’ a eu envie de vous raconter l’histoire de Maymana. Avant de devenir une référence de la pâtisserie et de la gastronomie marocaine, tout a commencé dans un petit garage entre femmes. Storytime !

Maymana, c’est d’abord l’histoire d’une femme, celle de ma mère, Madame Berrada”. Pour la fête de l’Aïd el-Fitr et à l’approche de la fête des mères deux bonnes occasions de manger des douceurs , la rédac’ a eu envie de vous raconter une très jolie success story féminine et familiale. Celle de la maison Maymana, une référence de la gastronomie et de la pâtisserie marocaine fondée il y a trente ans par Naïma Berrada à Rabat. Depuis, c’est sa fille Majdouline Benchekroun, directrice-générale de l’enseigne, qui veille de près sur ce business au cachet artisanal. Malgré la frénésie ramadanesque et l’ouverture de deux nouvelles boutiques à Casablanca, elle a pris le temps de nous raconter ce conte moderne, féministe et humaniste. Touchant, gourmand et inspirant. 


Au départ, un petit garage 

Comme toutes les grandes réalisations, Maymana est née d’une passion et d’un engagement. Rabat, décennie 1980, Naïma Berrada est institutrice, membre du Parti du Progrès et du Socialisme (PPS) et militante des droits de la femme. En 1985, elle fait d’ailleurs partie des fondatrices de l’Association Démocratique des Femmes du Maroc (ADFM). Bref, toute une époque. À ses heures perdues, c’est aussi une passionnée de cuisine depuis toujours. Et dans son entourage, elle a la réputation d’être un vrai cordon-bleu. À la maison, c’est un défilé permanent : tout le monde se presse pour goûter aux gâteaux de Naïma Berrada. “C’est à ce moment-là qu’elle a eu l’idée de concilier ses différentes casquettes : se lancer dans la pâtisserie et intégrer des femmes en difficulté dans le projet”, souligne Majdouline Benchekroun. “Au départ, c’était totalement informel, ma mère avait loué un petit garage pour y installer une cuisine. Elle y travaillait avec trois employées”, poursuit-elle. 

maymana

À lire aussi : WE4SHE, L’ASSO DE FEMMES DIRIGEANTES QUI MILITE POUR L’EMPOWERMENT DES MAROCAINES.


Une idée révolutionnaire 

À l’époque, l’idée est tout simplement révolutionnaire. “Aucune pâtisserie ne vendait de gâteaux marocains, c’était impensable. Ils se faisaient à la maison, chaque femme avait sa recette de grand-mère. Aller acheter des gâteaux marocains à l’extérieur était presque honteux”, ajoute Majdouline. Et pourtant, les gâteaux de Naïma Berrada rencontrent un franc succès. À Rabat, nombreux sont celles et ceux qui se passent l’adresse de “Madame Berrada” via le bouche à oreille. Alors en 1985, cette dernière quitte son garage pour installer son premier point de vente dans une petite villa.
L’atelier informel de Madame Berrada est devenu une PME patentée en 1987. Ma mère a dû obtenir l’autorisation de mon père, son mari pour créer son entreprise. Il l’a beaucoup encouragée. Parfois, elle ne rentrait pas à la maison pendant deux jours d’affilée à cause du travail et il laissait faire. Sans lui, elle n’aurait pas pu accomplir tout ça. Il a même supporté qu’on l’appelle parfois ‘Monsieur Berradaʼ. Ma mère a toujours été une femme spéciale : quand je passais mon brevet, elle passait son diplôme de professeur des lycées”, précise Majdouline Benchekroun. Dans la foulée, le laboratoire social de Madame Berrada devient Maymana. Un nom qui signifie faire le bien, être dans le partage. 


Cuisiné sur mesure 

En plus des pâtisseries marocaines traditionnelles, l’entreprise se diversifie avec les plats cuisinés marocains, la pâtisserie contemporaine puis le service traiteur. Parmi les pièces sucrées iconiques : la charlotte aux fruits, un must à Rabat. Pourquoi le succès est au rendez-vous ? “La qualité, la créativité, l’écoute”, estime Majdouline Benchekroun. “Notre villa était minuscule, il n’y avait ni vitrine ni présentoir. On travaillait sur commande. Ma mère s’asseyait à table avec les clients pour les écouter, prendre en compte leurs conseils et leurs propositions. Chaque plat était personnalisé, cuisiné sur mesure. Et puis le sourcing de nos produits, c’était le top, uniquement issus du meilleur de nos terroirs”, raconte Majdouline Benchekroun. Au fil du temps, Madame Berrada développe un lien “exceptionnel” avec la clientèle et avec ses employées, qui la considèrent comme une “maman” et s’identifient à Maymana. 

1987, c’est également l’année où Majdouline Benchekroun décroche le baccalauréat. La jeune femme intègre alors l’ISCAE à Casablanca. “Il y avait cours tous les samedis matin, mais tout le monde savait que je ne pouvais pas y assister car j’aidais ma mère en cuisine. C’était pareil pour les vacances. Ma fratrie et moi, on a grandi à l’atelier, dans l’odeur des cornes de gazelle”. Pour autant, à l’époque, Majdouline rêve de partir à l’étranger. Elle réalise d’ailleurs son stage de fin d’étude au sein d’Alcatel, à Paris, en 1990. “On m’a proposé d’intégrer l’entreprise, mais ma mère avait besoin de moi. Alors j’ai rejoint Maymana, pour moi c’était une évidence”. 


Inter

Au travail, Majdouline appelle sa mère “Madame Berrada”. Et contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, il n’y aura ni conflits, ni compétition d’ego, ni clash des générations. “Ma mère était une chef d’entreprise très à l’écoute, pas du tout autoritaire, la collaboration s’est mise en place naturellement. Maman, c’était la relation clientèle, la qualité des produits et la création culinaire. Elle insufflait  aussi les valeurs de l’entreprise. Quant à moi, je m’occupais de tout ce qu’on ne voit pas. C’est-à -dire  le management, l’administration, la comptabilité, la fiscalité et la logistique”. 

Si le développement de Maymana s’est fait de façon progressive, le tournant a tout de même lieu en 2006. “Nous sommes passés de la petite villa de 250 m2 à un immense flagship store au 248 avenue Mohammed VI à Rabat”, précise Majdouline, un projet sur lequel elle a travaillé pendant plusieurs longues années. Au total, 2500 m2 d’espace de production, à l’architecture marocaine et contemporaine. L’espace de vente s’étend sur 130 m2  avec “une hauteur de 9 mètres sous plafond !”.

Là encore, c’est quasiment du jamais vu. Au cours des trois premiers mois, Majdouline table sur 60 clients par jour, mais en réalité “on était à 800 passages journaliers. À 14 heures nous n’avions plus rien à vendre”. Concept innovant, le “248” fait presque office de musée pendant plusieurs mois. L’entreprise passe du succès d’estime au statut de référence absolue. Parmi ses clients, des personnalités prestigieuses : “Je me souviens particulièrement d’un haut dignitaire d’un pays d’Afrique subsaharienne, qui nous a commandé tout un avion de ligne rempli de gâteaux !”, confie Majdouline Benchekroun.

À lire aussi : MOUNA ABASSY : ENTRETIEN AVEC LA FONDATRICE D’IZIL BEAUTY, LA MARQUE QUI CARTONNE À DUBAÏ


Faire évoluer le statut de la femme

Aujourd’hui, les chiffres de Maymana donnent le vertige. 500 employés, dont 60% de femmes. Quatre boutiques en centre-ville (Rabat et Casablanca). Six boutiques dans quatre aéroports du royaume (Rabat, Casa, Agadir et Marrakech). Une boutique à Toulouse, en France, gérée par Lamia, la sœur de Majdouline. Et un pôle événementiel, qui contribue à hauteur de 40% au chiffre d’affaires. 

Tout est rodé, structuré, organisé en laboratoire et dirigé par un chef exécutif. Les recettes qui étaient autrefois détenues par Madame Berrada et ses dadas, ont été écrites et formalisées. “Ces dadas sont toujours là, et ce sont elles qui forment tous les employés pour les recettes traditionnelles”, souligne Majdouline. “Nous sommes devenus Maymana SA, mais nous ne serons jamais une entreprise industrielle. Chez nous, tout est fait et fini main, il n’y pas un croissant, ni un sablé qui ressemble à un autre. Il a fallu des décennies d’engagement pour se développer, tout en conservant notre savoir-faire artisanal”, poursuit la directrice générale. Humble mais déterminée, cette dernière souhaite dorénavant faire voyager la gastronomie marocaine à l’étranger, “si possible dans les capitales”.

Quant à Madame Berrada, qui incarne pour toujours l’âme de l’entreprise, elle a pris un repos bien mérité. En attendant, Maymana a grandement contribué à décomplexer la cuisine marocaine et à la sortir des cuisines domestiques. “Tout cela était lié à la place de la femme. Puisqu’elle cuisinait chez elle, les spécialités culinaires marocaines restaient elles aussi à demeure. Je crois que Maymana a fait rayonner la cuisine marocaine, car elle a d’abord fait évoluer le statut de la femme”, conclut Majdouline Benchekroun. 

Toutes les infos sur : www.maymana.ma

Photo (c) : Maymana

Pas Encore De Commentaires

Les commentaires sont fermés

@shoelifer

Instagram