Créée à Dubaï, Izil Beauty a pourtant tout d’une marque de cosmétiques marocaine. Inspirée des rituels de beauté de chez nous, elle convoque les bienfaits de l’huile d’argan, de la figue de barbarie ou encore du henné. Le tout avec une petite touche de science en plus. Le succès est tel qu’Izil Beauty détient une boutique au sein du prestigieux Dubaï Mall. Mouna Abbassy nous explique comment elle en est arrivée là.
Des Marocains qui cartonnent à l’étranger, on passe notre temps à les repérer pour vous les faire connaître. Ils évoluent dans le lifestyle, la science, la tech, la mode, et le domaine de la beauté ne fait pas exception. Aujourd’hui, nous vous présentons Mouna Abbassy. Cette Marocaine est à l’origine d’Izil Beauty, une marque de cosmétiques naturels fondée à Dubaï en 2012, qui cartonne à l’étranger. Des marques inspirées des rituels de beauté marocains, il en existe beaucoup, c’est vrai. Alors comment Izil Beauty a réussi à tirer son épingle du jeu ? Tout d’abord, en prenant de l’avance sur son temps. En 2012, la clean beauty n’est pas encore tendance. Ensuite, au niveau de la formulation. La jeune entrepreneuse suit de près les évolutions de la science pour élaborer des produits à la fois safe et efficaces. Le tout couronné par un plan de com’ bien rôdé. C’est d’ailleurs ce qui lui permettra de lancer une opération de crowdfunding et de lever 200 000 dollars de fonds en 2014. Le succès ne se fait pas attendre. Avec Izil Beauty, Mouna Abbassy remporte de nombreux prix, notamment le Cartier Women’s Initiative Award pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord en 2015. La dotation lui permet de continuer à se développer, notamment d’ouvrir son premier point de vente au sein du Dubaï Mall, l’un des plus grands centres commerciaux des Émirats Arabes Unis. L’histoire continue avec la récente ouverture d’un spa-hammam, au sein même de la boutique. Un espace sensoriel qui connaît, lui aussi, un vif succès.
Parlez-nous un peu de votre parcours…
J’ai grandi et étudié entre Rabat et Salé. Après mon baccalauréat, j’ai intégré l’IHEM où j’ai obtenu un diplôme en marketing-communication en 2005. Je suis ensuite partie m’installer à Dubaï avec mon mari. J’ai d’abord travaillé chez Mondelez (anciennement appelé Kraft), puis chez L’Oréal. Pendant deux ans, j’ai évolué en tant que chef de produit pour les crèmes Dermo-Expertise puis pour Lancôme. Ensuite, je suis repartie dans le domaine de la food durant 3 ans. C’est finalement en 2012 que nous avons décidé de créer la marque Izil Beauty avec mon mari et mon frère.
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Justement, pourquoi avez-vous eu envie de lancer votre propre marque de cosmétiques ?
J’ai toujours été passionnée par les cosmétiques, surtout la cosmétique naturelle. Dès l’adolescence, je m’amusais à préparer des soins home made avec ma maman. Il faut dire qu’au Maroc, l’utilisation d’ingrédients naturels fait vraiment partie de notre culture. C’est pour cela qu’à mon arrivée à Dubaï en 2005, j’étais perdue. Je n’arrivais pas à trouver les ingrédients dont j’avais besoin. Et dans les magasins, je ne comprenais absolument rien aux différentes références proposées. On parle de l’époque où il n’y avait pas de produits de marques naturelles dans les grandes surfaces. Le véritable déclic a été le lancement de la marque Moroccan Oil en 2007. Ça m’a vraiment bouleversée parce qu’elle n’avait aucun lien avec le Maroc. Tout un pays dans un label, pour simplement quelques gouttes d’huile d’argan, ça a touché mon ego ! Ayant travaillé dans le milieu des cosmétiques, je savais que les ingrédients marocains étaient de plus en plus demandés et utilisés par les marques internationales. Pourtant, aucune marque marocaine ne réussissait à rivaliser avec elles. Soit parce que la qualité n’était pas au rendez-vous, soit par manque de communication et de marketing. J’ai donc mixé tout ça pour créer Izil Beauty.
Quelle est la philosophie d’Izil Beauty ?
C’est une marque naturelle, qui met à l’honneur les richesses du Maroc et les rituels de beauté marocains, le tout renforcé par la science. Aujourd’hui, dans notre gamme, on va trouver des ingrédients tels que l’huile de figue de barbarie, l’huile d’argan, l’eau de rose, le henné, le ghassoul, qui sont vraiment des produits du terroir. Nous travaillons ces ingrédients de sorte à créer des produits efficaces et safe, qui contiennent au minimum 96% d’ingrédients naturels. Et également organiques. Toute une philosophie reflétée par le mot « Izil » qui veut dire « pur » en berbère. C’est un clin d’œil à mes origines.
Il s’agit donc d’une marque made in Morocco ?
La majorité des matières premières viennent du Maroc. Au début, on travaillait avec un laboratoire local. Mais au fur et à mesure que la marque s’est développée, nous avons fait le choix d’avoir notre propre laboratoire et notre propre usine de production aux Émirats. Nous voulions absolument contrôler la qualité et toute la chaîne de production. Ce qui est sûr, c’est que chacun de nos produits contient un ingrédient marocain. Il peut s’agir d’huiles essentielles, d’eaux florales, d’herbes, d’argiles, d’huiles…
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De nombreuses marques de cosmétiques mettent à l’honneur les ingrédients du terroir marocain. Comment expliquez-vous le succès d’Izil Beauty ?
Ce qui nous distingue tout d’abord c’est la qualité des produits. Nous avons réussi à mixer science et héritage naturel, en prenant le meilleur de chacun pour mettre au point des produits qui se différencient en termes d’efficacité, de parfums, de textures… Ensuite, l’expérience client est très importante. De l’accueil en boutique jusqu’à la commande et la livraison, en passant par le suivi, on propose vraiment au client de vivre une expérience. D’ailleurs, nous avons ouvert il y a un an un spa-hammam au sein de la boutique du Dubaï Mall, ce qui est une première, pour plonger les consommateurs dans le monde d’Izil. Je pense que ce qui fait notre succès aussi, c’est qu’on ne se compare jamais avec les autres mais avec nous-mêmes. Je cherche à me dépasser tout le temps. C’est comme ça que les marques coréennes ont réussi à créer le mouvement de la K-Beauty. Pourquoi ne pas créer nous aussi le M-Beauty trend ?
Avez-vous rencontré des difficultés au moment du lancement de votre marque ?
Je ne crois pas que les choses viennent facilement dans la vie. Il faut travailler dur pour y arriver. Pourtant, je ne dirais pas que c’était difficile, parce que ça a été fait avec beaucoup de passion. C’est encore le cas aujourd’hui. Je suis souvent la première arrivée au bureau et la dernière à partir. Il faut savoir que nous sommes partis from scratch avec mon mari. Nous avons commencé avec un produit, puis nous avons élargi la gamme au fur et à mesure. Nous avons participé à de nombreux salons pour faire connaître la marque. C’est moi qui allais installer le stand et qui parlait toute la journée avec les visiteurs pour leur présenter les produits. On s’occupait aussi de livrer les colis chez les gens. Puis nous avons eu l’opportunité d’avoir un petit kiosque au sein du Dubaï Mall en 2016, jusqu’à l’ouverture de la boutique en 2020. Donc nous sommes passés par plusieurs étapes, il a fallu apprendre sur le tas et faire beaucoup de choses nous-mêmes. Par exemple, au début, je ne connaissais rien à la science de la cosmétique. Et ça me posait problème parce que je voulais comprendre pour assurer un dialogue et maintenir une qualité avec nos partenaires externes. Je suis donc allée étudier la science de la cosmétique afin d’être capable de formuler et de produire moi-même mes produits.
Quels sont vos projets futurs ?
La prochaine étape, c’est vraiment l’expansion de la marque. Le moment est venu de s’élargir, notamment dans d’autres pays du Golfe. Nous souhaitons aussi, à terme, être distribués au Maroc. Au niveau des produits, on propose de nouvelles références chaque année. Au début, nous n’étions pas très forts dans les soins pour cheveux. L’année dernière, nous avons lancé les shampooings naturels, sans sulfates et sans parabènes, les conditionners, et nous venons de mettre au point un traitement antichute qui permet d’augmenter la densité des cheveux et d’accélérer leur pousse. C’est un traitement de 3 mois durant lequel on alterne entre huiles et ampoules. Et les résultats sont incroyables.
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Un conseil pour les jeunes qui souhaiteraient se lancer dans le monde des cosmétiques ?
En général, quand on souhaite se lancer dans l’entreprenariat, il faut vraiment être passionné par ce que l’on va faire. Si on le fait pour l’argent ou pour avoir des résultats rapides, il vaut mieux faire autre chose. Certes, c’est lucratif, mais il faut attendre au moins 5 à 10 ans avant que l’entreprise commence réellement à être rentable, surtout quand on démarre de zéro. La deuxième chose, c’est qu’il faut être prêt à tout faire soi-même. L’entreprenariat, c’est beaucoup de concessions et de sacrifices. Ensuite, si une personne souhaite se lancer dans les cosmétiques, je lui dirai de commencer par bien comprendre le domaine. C’est important pour la longévité du business. Bien entendu, on ne vous demande pas d’être des chimistes avec 20 ans d’expérience, mais au moins d’avoir des bases pour parler le même langage que les partenaires, les producteurs, les laboratoires… C’est important pour contrôler et maintenir la qualité, challenger l’usine, repérer les failles. Il faut aussi suivre la science, voir ce qui n’est pas encore fait, et venir avec quelque chose qui se différencie. Mais rassurez-vous, il y a toujours de la place, tant qu’il y a l’idée.
Photo (c) : Mouna Abbassy
