SAFA BENNAMATE : UNE MOTARDE MAROCAINE À L’ASSAUT DES RÉSEAUX SOCIAUX

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Dans notre série consacrée aux influenceuses anti glam, on vous présente la motarde.  Sur son feed Instagram, Safa Bennamate partage avec ses 119k followers sa passion de toujours, la moto. Parcours hors du commun, lutte contre les préjugés, rapport doux-amer aux réseaux sociaux… La rideuse-influenceuse se confie à Shoelifer.  

Genouillères, veste en cuir et cheveux au vent, Safa Bennamate prend la pose sur une grosse cylindrée. S’agit-il de la dernière campagne publicitaire de BMW ou d’une rappeuse qui vient de sortir un clip bad ass ? Ni l’un ni l’autre. C’est le genre de photos que l’on voit défiler sur le feed Instagram de Safa, Marrakchia de 32 ans. Pourtant, si les femmes à mobylette sont légion dans la ville ocre, les motardes sont plus rares. D’ailleurs, elles ne sont pas beaucoup plus nombreuses au Maroc ! Cette rideuse qui ne jure que par sa BMW S 1000 RR – une des 5 motos les plus puissantes au monde – a conquis la toile marocaine (et internationale). Elle y partage son quotidien, ses voyages, mais aussi des cours de mécanique à travers des vidéos-tutoriels postés sur YouTube.  Vous avez toujours voulu savoir “comment changer la batterie d’une S 1000 RR” ou aimeriez connaitre le rituel des motards avant de prendre l’autoroute ? Allez sur le compte de la “Moroccan rider girl”. Mais qui se cache réellement derrière cette mordue du bitume ? On vous dit tout.

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Un rêve de petite fille

J’ai commencé la moto à 11 ans” lâche naturellement Safa de sa voix douce, lorsqu’on l’interroge sur son parcours. Enfant, à force d’observer son père mordu de mécanique chouchouter ses automobiles, la petite fille rêve elle aussi de mettre les mains dans le cambouis. Ce ne sera pas les voitures comme papa, mais les motos. Et c’est donc très sûre d’elle, qu’à 10 ans à peine, elle demande à son paternel de lui offrir une 110, comme d’autres réclameraient une poupée. “Hors de question” lui répond-t-il. Mais Safa, têtue comme une mule, ne lâche pas à l’affaire et finit par obtenir gain de cause. Dès lors, elle apprend à conduire en s’entrainant quotidiennement dans un terrain vague situé à côté de chez elle, ce qui lui permet d’échapper aux regards de son entourage. Adolescente, ayant acquis une bonne maîtrise de son bolide, elle s’essaie même au stunt (discipline consistant à enchaîner des figures de voltige, en suspension sur la roue arrière ou avant de la moto), toujours dans le plus grand secret.

À 18 ans, lorsqu’elle annonce à ses parents qu’elle souhaite passer son permis moto, l’histoire se répète. “Oublie, lui dit-on, ce n’est pas fait pour toi.” Mais prête à enfreindre l’interdit familial, Safa ne se démonte pas : “Si je ne le passe pas avec votre accord, je le passerai de toute façon quand je serai loin de la maison.” Une nouvelle fois, ses parents finissent par céder, préférant qu’elle le passe au Maroc plutôt qu’à l’étranger – où elle s’apprête à partir poursuivre ses études. “Le plus drôle, c’est qu’ils ne se doutaient pas vraiment que je savais conduire” se souvient-elle.


Ses débuts sur la toile

Lorsqu’elle arrive en France pour suivre un double cursus en sciences du sport et des loisirs et en psychologie sociale, Safa ouvre un compte Facebook où elle relate sa passion pour la moto. Très vite, des motards de tous horizons, intrigués par son profil qui sort de l’ordinaire, la suivent sur le réseau social. “C’est en France que j’ai eu ma première audience. J’y ai reçu beaucoup d’encouragements et de soutien de la part de ma communauté, jamais une seule critique négative.” En parallèle, dans le cadre de ses études, elle est amenée à suivre un groupe de 60 pilotes de motocross, et réalise un article universitaire sur la perception de la performance chez les sportifs de haut niveau. Au sein de ce groupe, seules deux pilotes sont des femmes.


A man’s man’s world

Une réalité qui saute très vite aux yeux de Safa et dont elle va faire son cheval de bataille. “Il faut savoir que dans le monde entier, la moto est une discipline encore très peu féminisée : on compte seulement 10% de femmes motardes en France et 9% en Allemagne, par exemple.” Un constat qui dépasse les strictes frontières marocaines. “À force de voir si peu de femmes sur des motos, elles se mettent elles-mêmes des freins en se disant que ce n’est pas fait pour elles. Je veux prouver qu’il n’y a aucune contre-indication biologique qui empêche les femmes de pratiquer ce sport. C’est une simple construction sociale dont elles doivent se libérer.” Et Safa en est assurément la preuve : la jeune femme, qui mesure 1m54 pour 42 kilos (oui, vous avez bien lu) conduit une cylindrée sportive qui ne pèse pas moins de… 200 kilos ! Alors même que sa hauteur de selle l’empêche de poser les pieds au sol. Épatant, non ?


“À force de voir si peu de femmes sur des motos, elles se mettent elles-mêmes des freins en se disant que ce n’est pas fait pour elles”


Passionnée, envers et contre tous

Pourtant, des préjugés et des railleries, Safa doit en combattre tous les jours. Depuis qu’elle est rentrée au Maroc, elle reconnait qu’elle reçoit de nombreuses critiques négatives, que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans la rue. Mais la jeune femme n’a pas la langue dans sa poche et n’hésite pas à répondre. Suite à une campagne de lynchage et de harcèlement dont elle est victime début 2021 sur la toile, la rideuse se fend d’une vidéo explicative sur YouTube titrée “Réponse aux rumeurs à mon sujet”. Pourquoi ? Pour ouvrir le débat.  “Beaucoup de mes followers ont estimé que je n’avais pas à répondre à mes détracteurs, mais il me semble qu’il est de ma responsabilité de me défendre. Si personne ne prend la parole, les mentalités ne pourront jamais évoluer.”


Le V du respect

Mais ces attaques n’arrivent pas à la béquille des valeurs qu’elle défend. En tout cas, de celles que ce sport lui a appris. Liberté, émancipation, respect… Safa, qui préfère aujourd’hui rester discrète sur sa profession, confiant à demi-mot qu’elle œuvre dans le social, le répète : “La moto est un sport qui cultive le respect. Quand on croise un motard sur la route, quel qu’il soit, on lui fait le signe V avec les doigts, en guise de salut.” Vous savez désormais ce qu’il faut faire, lorsque vous croiserez une motarde sur la route…

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