NOUVEAU DÉPART, NOTORIÉTÉ, NFT : ON A INTERVIEWÉ EL GRANDE TOTO

el grande toto

Que vous soyez ou non fan de rap, vous avez forcément déjà écouté (voire fredonné) El Grande Toto. Depuis sa révélation en 2018 avec le titre Pablo, le jeune prodige du rap marocain enchaîne succès sur succès. À l’occasion de notre influence week, on a voulu en savoir plus sur ce caméléon qui défraie la chronique (musicale). Entretien avec un enfant du siècle. 


Il est bientôt 17h à Dakar, ce lundi 24 janvier et El Grande Toto (Taha pour les intimes) vient tout juste de s’installer à la table d’un restaurant pour dévorer un brunch (bien mérité) après avoir parcouru la capitale sénégalaise toute la journée. “Je suis dans le rush, je pars au Cameroun jeudi pour un concert à l’occasion de la CAN, et j’ai encore plein de trucs à régler” nous explique-t-il, un verre de bissap à la main. Après, ce sera Chypre pour un showcase, puis retour au Sénégal, où le rappeur-superstar a décidé, il y a peu, de poser ses bagages pour un petit bout de temps. (Avec si possible un détour par le Maroc à la réouverture des frontières pour récupérer son chien, Jackson.) Et le Maroc alors, c’est fini ? Non, bien sûr que non, mais il faut avancer. “J’ai fait mes preuves au Maroc. J’ai réalisé pas mal d’exploits : je suis l’artiste le plus écouté au Moyen-Orient en 2021, le premier artiste marocain à cumuler 7 millions d’auditeurs sur Spotify, le premier à avoir décroché un single d’or en FranceJe n’ai pas envie de m’arrêter là. Maintenant il faut aller plus loin, et pourquoi pas aller chercher le disque de platine ou même de diamant !” Sa carrière, le jeune homme la voit en Afrique (pour le moment). Ou, pourquoi pas, dans le metaverse. L’un n’empêche pas l’autre. Nouveau départ, notoriété, NFT… le gamin (plus si jeune) de Benjdia s’est confié à Shoelifer. 


Tu connaissais déjà le Sénégal ? 

Je connaissais vite fait. J’ai des amis sénégalais dans le tieks* et j’écoutais Booba quand j’étais petit… mais c’est quand je suis venu à Dakar pour y donner un concert, il y a quelques semaines, que ça m’a retourné l’esprit. Je me suis dit qu’il fallait que je reste. Musicalement parlant, je me sens beaucoup mieux ici. Je bosse sur mon nouvel album qui va sortir dans le courant de l’année et je fais des dingueries (rires). 

*le quartier 


Tu as toujours rappé ? 

Non, j’ai commencé par faire de la danse, puis j’ai lâché progressivement pour me mettre à rapper. Disons que j’ai commencé à écrire de bons textes à partir de 2010-2011 environ. 


Comment tu définirais ton style ? 

Je fais du rap tout terrain. Ça dépend de mon humeur : parfois j’écris des sons engagés, parfois je rappe pour des nanas, parfois je parle de ma vie privée ou des errances des gars autour de moi… Je fais de tout, sauf de la politique. Déjà parce que je ne m’y connais pas, mais aussi parce qu’il y a des gens élus pour s’occuper de ça. Donc oui, c’est un rap tout terrain qui peut correspondre à toutes les classes sociales : un mec pété de thunes ou un mec qui n’a pas un rond peut m’écouter, un mec qui a un Bac+7 ou un mec qui n’a pas fait d’études aussi. 


C’est important pour toi, d’arriver à réunir des gens aussi différents autour de ta musique ? 

C’est un peu le but. Enfin, c’est pour ça que j’ai commencé à faire de la musique. Y’a un truc que j’adore dans les concerts, c’est que t’arrives à cerner les gens, à savoir d’où ils viennent, même quand tu es sur scène. Parfois, tu vois un gars bien sapé dans la fosse, c’est cramé qu’il vient de Lyautey, et il se retrouve à côté d’un type de la médina ! Et pendant le concert, ils se mettent à sauter ensemble, à chanter ensemble, à se prendre dans les bras ! Waaaaa ! C’est puissant.


Quelle a été la réaction de ta famille quand tu as commencé à rencontrer le succès avec tes sons ? 

Ils étaient très contents. Choqués mais contents (rire). 


Toi aussi, tu étais choqué ? 

Bien sûr que oui ! Avant je galérais pour m’acheter un paquet de Winston et en quelques années seulement, je me suis retrouvé à faire des concerts. Et à être payé pour le faire ! Bien sûr que c’est choquant, surtout quand tu viens de Benjdia*, toi-même tu le sais. 

*Quartier populaire du centre-ville casablancais


Et si tu n’avais rappé, tu aurais fait quoi ? 

Comédien… ou dealer (rires). 


Donc quelque part, tu as toujours eu le goût de la scène ? 

Oui, je n’ai jamais eu la trouille de la scène. Enfin si. Je l’ai eue une seule fois : c’était en 2012 lors de ma toute première battle de danse. J’y suis même pas allé, j’ai dit aux gars que j’étais malade. Mais après ça, je n’ai plus jamais eu peur. 

https://www.instagram.com/p/B1ZjgHjFbn1/

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Quand tu étais petit, tu pensais que tu aurais un destin particulier ? 

Oui, je le sentais, parce que déjà, de base, je suis quelqu’un de différent. D’incompris. Les gens me prennent tout le temps au deuxième degré, je ne sais pas pourquoi. Donc oui, je pensais avoir un destin particulier, mais je ne savais pas si ça allait être en bien ou en mal. Si j’allais galérer ou si j’allais m’en sortir.  


Ça a changé quoi la célébrité pour toi ? En positif et en négatif ? 

Du côté positif : ça gonfle ton compte en banque et tu croises des artistes avec qui tu voulais travailler, mais c’est tout franchement. Je sors beaucoup moins. Ma vie est de moins en moins privée, ce qui n’est pas évident pour un mec de 25 ans, surtout quand on aime faire la fête. Honnêtement, c’est quand je suis arrivé ici, à Dakar, que je me suis senti bien pour la première fois depuis que j’ai commencé à rapper.


C’est parce que ton anonymat y est préservé ? Qu’on ne t’arrête pas dans la rue toutes les cinq minutes ? 

Oui c’est ça. Y’a pas beaucoup de gens qui me connaissent ici. J’évite les coins où je risque de croiser trop de Marocains. Mais quand même, histoire de fou : la dernière fois j’étais à Saly*, il y avait un gars avec un pousse-pousse qui m’a reconnu ! J’étais choqué !

*Station balnéaire sénégalaise


Est-ce qu’il y a des choses auxquelles tu fais attention maintenant, quand tu publies sur les réseaux sociaux ? 

Bien sûr. Tu ne peux pas dire tout ce que tu veux. Y’a une certaine manière de parler de la musique, ou même du bled. 


Pourtant tu es connu pour ton franc parler et ta spontanéité…

Oui, parce que je pense que c’est comme ça que ça devrait être tout le temps. On devrait pouvoir dire ce que l’on veut. Si je rappe, ce n’est pas que pour moi, c’est pour les gars de mon âge et les autres. C’est pour les gens. On est plus dans les années 2000, on est en 2022 : on peut faire ce qu’on veut en vrai, sans forcément dépasser les limites, ou atteindre les marges du bled. Aujourd’hui, si tu veux rapper tu rappes, si tu veux danser tu danses, si tu veux fumer tu fumes. La seule personne qui peut te dire de le faire ou non, c’est toi-même. C’est ça le message que j’essaie de véhiculer avec mes sons, avec mes live, avec mes story. J’ai été élevé comme ça. 

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Donc tu te sens libre ? Libre de ton ? 

Oui. Quand j’ai un truc à dire, je le dis. Je ne réfléchis pas forcément avant, je le dis sans filtre, sans “bip bip”, sans censure. Dernièrement par exemple, j’ai eu un problème par rapport à mon visa égyptien et j’en ai parlé sur Instagram. Ça m’a causé d’autres problèmes… mais ça en a aussi réglé certains. Grâce à ça, j’ai obtenu ma carte d’artiste, j’ai été reçu par le ministre de la Culture dans son bureau, un mec très sympa qui remplit bien son rôle. Mais c’est vrai que puisque je ne réfléchis pas avant de m’exprimer, et que je suis spontané, parfois ça me crée des embrouilles… mais bon, c’est le prix à payer. Je me dis que la prochaine fois, au moins, ça se passera mieux pour les autres. 


Et comment tu gères tes réseaux sociaux ? 

J’essaye de ne pas être tout le temps être connecté. Y’a des jours où j’en ai marre, où je trouve ça toxique. Bon maintenant, il n’y a plus grand-chose qui m’atteint. On peut dire de la merde sur moi, ça ne me touche pas. J’ai fait mes chiffres, j’ai fait mes preuves. Je ne passe pas ma vie à scroller. J’utilise plutôt mes réseaux pour promouvoir ce que je fais ici, et contacter des artistes avec lesquels j’ai envie de travailler. 


Tu es quand même très proche de ta communauté. Tu interagis beaucoup avec tes fans, dans tes lives notamment. 

Oui, parce que mes fans, c’est grâce à eux que j’en suis arrivé là. Donc je trouve ça normal de maintenir le lien, de chercher à savoir ce qu’ils pensent. Par exemple, là, j’ai envie de faire un Vlog sur mon séjour au Sénégal, du coup je leur ai posé la question, pour savoir si ça les intéressait. C’est bien, ça permet de prendre la température. 


J’ai vu que tu avais “droppé” un NFT récemment. Tu peux m’en dire plus ?  

Alors en fait, c’est le tout premier son marocain à sortir sous forme de NFT (certificat de propriété d’objets virtuels), et il s’agit d’un titre inédit de mon prochain album (en cours de préparation), qui s’intitule Embêté. À l’origine, c’est une boite française qui m’a contacté – myNFTLab – et proposé de mettre ça en place. Le concept est simple : la mise à prix du titre est de 0,2 ethereum, ce qui correspond à peu près à 750-800 dollars en cryptomonnaie. Mais en réalité, il y’a plusieurs packs et tu ne sais pas trop sur quoi tu vas tomber, un peu comme avec les cartes Pokémon (rires). Donc pour le même prix, tu peux obtenir le son en exclusivité accompagné de sa cover NFT, mais aussi plein de bonus. Par exemple tu peux tomber sur un séjour à Casablanca en pension complète pour me rencontrer et passer une journée avec moi au studio, ou encore un accès illimité à mes concerts à vie… Et puis, 10% des bénéfices des ventes seront reversés à une association de lutte contre le cancer. Franchement, les NFT et le métavers, c’est le turfu*.

*futur en verlan  

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