COMMENT DEVENIR INFLUENCEUR SANS Y PERDRE LA SANTÉ (MENTALE) ?

devenir influenceur

Devenir influenceur, être suivi par des milliers de followers avec qui on partage sa ou ses passion(s), ça peut faire rêver. Mais derrière l’image glamour se cache une tout autre réalité. Burn-out, dépression et même suicide, la santé mentale des créateurs de contenus est parfois mise à rude épreuve. Comment se protéger ? Quels sont les pièges à éviter ? On fait le point avec la psychologue Wiam Benjelloun. 

En 2020, plus de 50 millions de personnes dans le monde se considéraient comme des créateurs de contenus. Être son propre patron, définir ses horaires, s’associer à de grandes marques, être payé pour être créatif et partager ses passions avec ses followers… C’est tentant ! Surtout qu’en deux ans, la valeur du marché mondial du marketing d’influence a plus que doublé, s’élevant à 13,8 milliards de dollars. Mais ce qui est finalement autant un mode de vie qu’un travail comporte des risques, notamment en ce qui concerne la santé mentale. Pionnière en la matière, Essena O’Neill, une jeune Australienne suivie par 700.000 abonnés, a révélé en 2015 les véritables conditions dans lesquelles ses clichés avaient été pris et dénoncé la pression qu’elle avait subi, avant de se retirer des réseaux sociaux. Plus récemment, la célèbre youtubeuse française @EnjoyPhoenix a confié être au bord du burn-out. Tout comme la blogueuse anglaise @Zoella, ou encore l’espagnol @ElRubiuswtf qui se sont également ouverts à leur communauté à propos de leurs troubles mentaux. Pour mieux cerner les risques et les dangers à éviter lorsqu’on devient influenceur, on a demandé conseil à la psychologue clinicienne et psychothérapeute Wiam Benjelloun.


Les réseaux sociaux, un monde parallèle (presque) parfait ?

D’abord outils de sociabilisation, les réseaux sociaux sont rapidement devenus un moyen de se mettre en avant. Oui, mais pas n’importe comment. Car on ne vous apprend rien, sur les réseaux, le quotidien et ses petits (et grands) tracas n’attirent pas grand monde. Pour avoir des likes et des followers, il faut présenter une image attractive. “Culte de l’image, mise en scène du quotidien, les réseaux sociaux sont une sorte de monde parallèle dans lequel la réalité est fantasmée” confirme la psychologue. Devenir influenceur c’est donc se montrer à son avantage afin de faire rêver sa communauté. Le premier risque ? “La relation qu’ont les influenceurs avec leur identité, le narcissisme et le rapport à la réalité est totalement chamboulé” prévient Wiam Benjelloun. Et la psychologue de préciser que les plus jeunes sont les plus affectés par les effets pervers de l’activité “d’influenceur” : “C’est un nouveau mode de vie dangereux particulièrement pour les adolescents et jeunes adultes encore en construction.”


De la quête de popularité à la dépersonnalisation

Car devenir influenceur, c’est essayer d’agrandir sa communauté tout en créant un lien avec elle : course aux likes, chasse aux abonnés… Le but ultime ? Conquérir les marques et commercialiser son travail. “L’influenceur peut rapidement se retrouver esclave de ce compteur de popularité. Il est alors amené à donner plus de lui-même, à scénariser et mettre en scène sa vie quotidienne. Il devient le sujet des autres. C’est ce qu’on appelle la dépersonnalisation” explique Wiam Benjelloun. Un peu comme un trader qui ne pense qu’au marché boursier, l’influenceur est obsédé par les chiffres. Et pour qu’ils soient le plus haut possible, certains proposent un contenu qui plait à leur communauté mais qui ne leur correspond plus tout à fait. Ce qui engendre une perte de contrôle.


Le revers de la médaille : angoisses, burn-out et dépression

Voyage, déjeuner en terrasse, séance shopping, tout devient prétexte pour créer du contenu. La frontière entre vie personnelle et vie professionnelle n’existe plus.  Partager peut alors virer à l’obsession et devenir un acte la fois addictif et compulsif. “C’est un jeu pervers car ce qui devait prendre quelques minutes et être un plaisir, dure finalement toute la journée. Et cela mène à l’épuisement émotionnel” précise la psychologue. Et ce n’est pas tout : comparaisons, jugements permanents et, souvent, critiques des “haters” peuvent mener à une perte de sens. Une réalité qui peut engendrer la paranoïa, créer des angoisses et un mal-être. Jusqu’à mener finalement au burn-out ou à la dépression.


Devenir influenceur (ou le rester) sans danger : les conseils de la pro

Heureusement, créer du contenu peut aussi être un réel plaisir. Mais pour éviter de tomber dans le côté obscur de l’influence, Wiam Benjelloun conseille quelques garde-fous. Tout d’abord, bien s’entourer de ses proches. Et prendre le temps de connecter avec des personnes qu’on peut voir et toucher, histoire de rester ancré dans la vie réelle. Se rappeler ensuite, (et souvent) que tout cela n’est qu’un jeu. On évite les critiques, le plus important étant de rester fidèle à ses valeurs. Ça tombe bien, les internautes sont de plus en plus demandeurs d’authenticité. 

La psychologue conseille également d’établir une sorte de contrat pour réguler ses horaires et le temps passé sur les réseaux chaque jour ou chaque semaine.  Et surtout, définir une limite entre vie privée et vie “postée”. Besoin d’un coup de pouce ? Il ne faut pas hésiter à multiplier les détox digitales pour reconnecter avec la vie quotidienne. Enfin, last but not least, ne pas garder ses émotions pour soi et ne pas hésiter à en parler à un professionnel. Car si certains influenceurs ont mis des années à oser en parler, le sujet aujourd’hui n’est plus tabou (mais reste sensible). Mieux, grâce à la crise sanitaire, des comptes comme @mytherapistsays ou @dosedepsy, traitant de la santé mentale, ont le vent en poupe. Les influenceurs de demain seront-ils nos psys ? Une chose est sûre, le monde des réseaux n’a pas fini de nous surprendre…

Pas Encore De Commentaires

Les commentaires sont fermés

@shoelifer

Instagram