HUMEUR : LA TENDANCE UGLY, LES ADOS ET MOI

tendance ugly

Question existentielle mode, il y en a une qui me sidère plus que les autres. La tendance ugly. Vous savez, celle qui transforme tous nos ados en serpillière 100% coton. Des baskets à semelles déformées, un jogging XXL, un manque d’hygiène souvent assumé : le moche revendique aujourd’hui sa place dans les cours d’école… comme sur les catwalks. Le laid serait donc le nouveau must ?  L’humeur (pensive) du mois, c’est par ici. 

C’est arrivé devant un lycée. Dans un de ces bouchons dont Casablanca a le secret, qui nous force à écouter un concert de klaxons version Mozart sous LSD, et à admirer des panneaux publicitaires douteux surplombant des trottoirs défoncés. Mais bon, ça vous connaissez, rien de nouveau sous le soleil. Mais la foule d’adolescents discutant nonchalamment après les cours m’a presque fait caler. Des joggings. Uniformes. Partout. Une marée de baskets en plastique et de vestes sportswear. Des ados qui se ressemblaient tous. Aucune jupette ne sortait du lot, pas de petite chemise cintrée ou de robe pour perturber cet océan de looks mal fagotés. Oui, aujourd’hui, la génération Z s’habille partout comme si elle était encore sur son canapé. Arrêtez-moi si je me trompe, la tendance ugly s’est répandue aussi vite que ce p*** de virus. 


Le fashion faux pas est mort, vive le fashion faux pas

Assurément, les grandes maisons de mode y ont – hélas – contribué. Si certaines d’entre elles ont toujours joué avec les codes du décalé, ces jours-ci le concept “no style” a la cote. Et parfois plus c’est moche, mieux c’est. Balanciaga, Fendi, Vuitton… Tout le monde s’y met. Les bobs, dad shoes et autres survêt’ griffés envahissent les défilés et ont été adoptés par les fashionistas du monde entier. Savez-vous qu’Anna Wintour herself s’est affichée sur Instagram en jogging Puma ? No way. Quand on se rappelle qu’en 2011 à peine, le grand Karl Lagerfeld assénait dans une interview à Vogue“Les joggings sont un signe de défaite. Vous avez perdu le contrôle de votre vie, alors vous achetez un jogging”, on mesure le chemin parcouru. La faute au confinement ? Maybe… Le phénomène n’a en tout cas pas échappé à ma petite nièce chérie. Qui après avoir adopté tout le dressing de la reine des neiges, n’hésite plus à arborer la panoplie complète de la tendance ugly. Sur TikTok, elle dégaine désormais à la moindre occasion le signe du chanteur Jul , affublée d’un tee-shirt XXL aux couleurs criardes à souhait et d’un baggy suspect. Pire encore, elle porte son appareil dentaire sans le moindre souci, assume son acné comme une revendication, se fiche de ses cheveux ( quoi ???) et n’hésite pas à dévoiler sur ses ongles (rongés), un reste de vernis jaune fluo passé. Bref, pas ma tasse de thé.


Ne me jetez pas la pierre

Je monte sur mes grands stilettos, me direz-vous peut-être. Car après tout, je suis d’accord avec le concept. Assumer ses défauts, ne pas en faire un drama, rejeter la dictature du superficiel, #metoo, toussa toussa… Et c’est vrai : le regard des autres, que l’on devait tous affronter chaque jour au lycée, a pu me laisser quelques séquelles. A l’époque, je priais chaque matin pour que mon jean Diesel ultra skinny soit lavé et l’arrivée du fer à lisser a été vécue comme une apparition divine dans ma salle de bain. Mais ça c’était avant. Aujourd’hui, j’ai quitté les bancs de l’école et gagné en maturité. Je me glisse parfois dans un tee-shirt pas repassé, je laisse ma ligne de sourcils vagabonder et mes cheveux bouclés revenir à leur nature sauvage, du moins tous les trois mois. Oui trois mois, faut pas déconner. Car rien n’y fait, j’ai beau essayer de m’immuniser, être “bien sur soi”, me rendra toujours plus sûre de moi.

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Le beau serait-il devenu has been ? Vous avez quatre heures…

D’ailleurs, je ne suis pas la seule à m’interroger sur ce phénomène mode à contre-courant des idéaux de la beauté. Alice Pfeiffer, écrivaine, journaliste de mode pour Vogue International et accessoirement titulaire d’un master en gender studies, a sorti en mai dernier un livre intitulé Le goût du moche. Ça ne s’invente pas. Une sorte de manifeste sociologique sur l’apparition de la tendance ugly dans le business des strass et des paillettes. Petite anecdote, la modeuse intello a même poussé l’enquête jusqu’à se rendre à un défilé Chanel en Crocs. Oui, en Crocs. Résultat : les invités se sont extasiés sur les shoes de la honte. Du génie ? Oui. Aujourdhui la marque surfe plus que jamais sur la tendance et a même su s’attacher aux pieds de quelques célébrités. C’est peut-être ce qui m’a aidé à réaliser. Finalement les goûts et les couleurs, à chaque génération, c’est chacun pour soi et tous pour la mode. Il suffit juste de savoir s’adapter. Car entre le kitsch, le moche et le franchement négligé, le style ne tient parfois qu’à un fil. Ne reste plus qu’à savoir si la génération Z saura lire entre les lignes.

Par Sarah Kroche.

Amanda Chapon

Journaliste et secrétaire de rédaction par passion et par défaut. Casablancaise (de naissance), n’ayant pas peur des paradoxes (comme beaucoup de Marocains) : perfectionniste et procrastinatrice, opiniâtre et raisonnable, timide et grande gueule, végétarienne incapable d’arrêter le fromage. Obsédée par la justesse, d’une info, d’une expression, ou d’une phrase. Ma plus grande qualité ? La curiosité. Comment, vous dites que c’est un vilain défaut ?

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