HUMEUR : MOI, LE LISSAGE ET LA DICTATURE DU CHEVEU PARFAIT

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J’ai beau être une femme forte et indépendante, à l’aube du 21e siècle, ma chevelure reste encore et toujours mon talon d’Achille. Et pour cause, rien au monde ne me déstabilise plus que mes cheveux rebelles. La moindre frisette me défrise. Vous l’avez compris, entre amour et haine, ma tignasse et moi, nous entretenons une relation compliquée, et ce, depuis toujours. Du coup, j’ai décidé de lui accorder une séance de psy, dans le bac à shampoing, avant de passer au lissage. L’humeur (décoiffée) du mois, c’est par ici.


C’est un de ses matins où tout va de travers. Le réveil qui n’a pas sonné, un taximan postillonnant avec un masque glissé sous son menton… Et entre les deux, en face du miroir, cette tignasse aux pointes desséchées qui n’en fait qu’à sa tête. Vous voyez le tableau. Savez-vous que nous arborons 100.000 à 150.000 cheveux sur le sommet de notre crâne, comme autant de soldats rebelles ? Ce qui fait de chaque matin une bataille de perdue ou de gagnée. Oui, oui, un good hair day peut changer le cours d’une vie (ou d’une journée). Du moins c’est ce que je crois, jusqu’au bout de mes pointes ondulées. Résultat, je suis vite devenue experte en brushings maison, lissages et autres sérums capillaires miraculeux. Toxico du bulbe, moi ? Oui, mais j’essaie de me soigner. À tous ceux qui redoutent l’apparition d’une calvitie précoce, à toutes celles qui n’assument pas leur chevelure au naturel : cette chronique est pour vous.


Car cette obsession capillaire n’est pas si rare que ça. Vous pensez bien, je me suis renseignée. Depuis longtemps déjà, le cheveu est un symbole de force et de pouvoir. En Europe, au Moyen Âge, les cheveux longs étaient réservés aux rois et aux nobles. Plus tard, le mouvement hippie en fait un signe de rébellion. Quant aux Hopis (peuple amérindien), ils leurs vouaient un culte tout particulier. Pendant les cérémonies de mariage par exemple, les époux devaient tremper leurs cheveux longs dans une mousse de Yuca purificatrice, puis les mêler en une seule torsade, pour lier le couple “comme la chair adhère au noyau d’une alberge”. C’est fou ce qu’on apprend sur Wikipedia, vous ne trouvez pas ? Bref, selon les époques ou les religions, tantôt montrés, tantôt voilés, les cheveux ont toujours été une sorte d’indicateur social, soumis au regard de l’autre et de la société. Et j’ai bien peur que ce ne soit pas près de changer. En tout cas, pas pour moi.


Fille perdue, cheveux gras ? Une névrose qui me poursuit encore. Petite déjà, je me souviens de ma fascination pour ces nanas qui avaient les cheveux parfaitement frais et lissés. Que je regardais comme des princesses de dessin animé. Pas un frisottis mal placé, une pellicule malvenue ou une mèche rebelle… Non, définitivement, les chevelures raides appartenaient à une certaine caste, celle des femmes-sirènes. J’ai donc commencé ma transition capillaire par des plaques en céramiques. Qui ont donné à mes cheveux bouclés l’aspect de baguettes confectionnées… avec de la paille. Humpf. Du bonnet sur ma crinière mouillée (une technique vieille comme le monde mais qui a fait ses preuves), aux rendez-vous hebdomadaires chez le coiffeur en passant par les derniers lissages à la mode, j’ai tout testé. Pas un voyage sans que j’embarque avec moi sèche-cheveux et brosse de compétition pour brushings last minute, juste “aucazou”.

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(c)Fabien Baron.

Aujourd’hui, malgré les années, on pourrait penser que mon rapport à ma tignasse s’est apaisé. Que nenni. Mais je ne suis pas la seule. Il suffit d’attaquer le sujet avec mes BFF pour que chacune se lance dans une longue énumération de ses problèmes capillaires et des moyens pour les éradiquer. Les femmes, comme les hommes d’ailleurs. Car on le sait, passé un certain âge, les mâles aussi sont parfois soumis de plein fouet à cette forme de dictature beauté. D’ailleurs, pendant que je suis en train de vous parler, bae compte ses cheveux tombés sur l’oreiller. Que voulez-vous… Parfois, il existe une certaine égalité entre les sexes.


La bonne nouvelle, c’est que ce n’est pas les solutions qui manquent. En coulisses, les instituts rivalisent d’inventivité à coups de soins et lissages dernier cri. Botox, kératine, tanino, enzymothérapie, ou encore injections PRP : des termes qui sont entrés dans le lexique beauté et ce, depuis plusieurs années. Oui, il n’y a pas que dans les salles d’opération des chirurgiens esthétiques que les nouveaux standards de la beauté règnent en maître. Avec une jeunesse biberonnée aux images de stars hollywoodiennes, ce marché grandissant a même provoqué l’apparition de cliniques entièrement dédiées qui voient passer dans leurs cabines un bon nombre de patients aux crinières traumatisées. Ce qui n’a pas manqué de titiller ma curiosité et de me délester au passage – d’une bonne partie de mon budget. Mais quand on aime on ne compte pas, vous ne croyez pas ?


Il faut tout de même rendre à César ce qui appartient à César : les nouvelles techniques de lissage ont été un véritable évènement dans mon parcours vers une féminité –que je pensais–assumée. L’une après l’autre, elles ont été la solution, celle qui allait me sauver. J’ai eu tort. Chaque nouvelle idylle capillaire s’est vite transformée en relation dépendante et toxique (je dirais même perverse-narcissique), finissant par faire de ma chevelure un objet non identifié, dès le premier coup de glow passé. Après de nombreuses récidives, ce constat pas très reluisant m’a fait prendre la plus grande décision de ma vie, ou presque. “J’arrête tout ! Cette fois, c’est bon, je laisse mes cheveux au naturel !”, m’a-t-on entendu clamer. Alea jacta est, le sort en était jeté.


Résultat ? J’ai tenu 6 mois. Seulement. Après un passage éclair par les shampoings naturels et poudres ayurvédiques et face aux protestations de mes cheveux drogués aux protéines chimiques, j’ai cédé. Oui je l’avoue, j’ai abandonné le combat, baissé les armes et abdiqué face à 150.000 épis révoltés, à leur guerre d’usure et d’embuscades. Un énième lissage m’a permis de recevoir un compliment, pas entendu depuis longtemps : le fameux “Quelle belle chevelure” ! J’ai souri et remercié. Vendre son âme au diable, parfois ça ne tient qu’à un cheveu.

 

Photo(c)Dennis Leupold.

 

Charlotte Cortes

Une fois son master de l’ESJ Paris en poche, c’est entre la capitale française et sa ville de cœur, Casablanca, que Charlotte fait ses premières armes. Quotidiens d’informations, radio, post-production télévisuelle… touche-à-tout, cette journaliste mue par le désir d’en apprendre toujours davantage rejoint diverses rédactions (Metro, Atlantic Radio…) avec le désir de se frotter à différents médias. C’est à son retour au Maroc en 2015, que le lifestyle s’impose à elle, tout naturellement. Une évidence qui la pousse à intégrer le lifeguide Madame Maroc, dont elle deviendra rédactrice en chef trois ans plus tard. Depuis, elle écume les belles adresses du royaume à la recherche constante de nouveaux labels et autres hot spots. Aujourd’hui, c’est à Shoelifer qu’elle prête sa plume et son enthousiasme pour gérer la programmation du webzine. Ne vous y trompez pas, sous ses airs affairés cette pétillante brunette ne rêve que de danses endiablées, de plages désertes et… de bons plans mode, évidemment.

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