DE QUOI NOS RÊVES SONT-ILS FAITS ? ILHAM DAIRY NOUS RÉPOND

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Qu’ils soient heureux, étranges, inquiétants, prémonitoires ou drôles, les rêves nous font chaque nuit passer des messages. Comment les comprendre ? Les déchiffrer ? Les interpréter ? Loin des idées reçues, Ilham Dairy, psychothérapeute, nous donne des clés pour parler le langage des rêves. Et c’est plus facile qu’il n’y parait. Interview.


Ilham Dairy, on l’a découverte durant le confinement, durant l’une de nos (nombreuses) heures perdues… à scroller. Parce qu’à cette époque, on se souvenait beaucoup de nos de rêves et qu’on avait (enfin) le temps de s’y intéresser. Dans des vidéos live partagées sur les réseaux sociaux, la psychothérapeute propose aux internautes de se réapproprier l’interprétation de leurs songes nocturnes grâce à des outils simples et des exercices quotidiens. Car cette passionnée souhaite initier tout un chacun au pouvoir de transformation du rêve. Son credo ? Plus les rêveurs seront avertis, mieux la terre se portera. Rencontre en territoire onirique.


Comment en êtes-vous arrivée à vous intéresser aux rêves ?

Ilham Dairy : C’est le fruit d’un long processus. J’ai d’abord étudié la communication, puis le marketing, avant de travailler dans une boîte de com’ pendant trois ans. Je n’avais pas encore d’idées claires sur ce que je voulais faire tout en ayant toujours été passionnée par la psychologie, la philosophie et l’art de se questionner. Ayant eu une enfance un peu chaotique, à 17 ans j’ai entamé un travail thérapeutique. Un jour, vers 26-27 ans, alors que j’étais sur le divan, j’ai eu une révélation. Une révélation sur le pouvoir de transformation lié à l’accompagnement thérapeutique. J’ai eu envie de donner aux gens ce qu’on m’avait donné, de les accompagner pour surmonter leurs blessures de vie. J’ai alors entamé une formation, intégrant le Groupe d’étude Carl Rogers à Paris. Les trois premières années d’enseignement sont très axées sur la pratique. Les deux années qui suivent permettent de confronter notre observation aux principes théoriques, et d’accéder au statut de psychothérapeute. C’est au cours de cette formation que je me suis particulièrement intéressée aux rêves. J’avais une grande matière onirique à exploiter, je rêvais beaucoup. La fondatrice du Groupe Carl Rogers et une de mes formatrices, Chantal Laine, s’en sont aperçues et m’ont encouragée à travailler dessus. Elles ont joué le rôle de mentors en m’accompagnant deux ans durant et en me transmettant la juste posture pour aider les individus dans la compréhension de leurs propres rêves. Cette expérience a été déterminante dans mon parcours.


Aujourd’hui vous êtes donc psychothérapeute. Les patients peuvent-ils venir vous voir pour travailler sur leurs rêves ?

En effet, j’ai ouvert mon cabinet à Casablanca en 2013. Je suis psychothérapeute et mon approche est dite “centrée sur la personne”. Cette façon de travailler est héritée de Carl Rogers qui a révolutionné la relation patient-thérapeute. On part du principe qu’il ne suffit pas simplement de diagnostiquer la personne qui vient nous voir, mais de rejoindre son monde, de comprendre son univers propre. On ne parle pas de patients mais de personnes, puisque l’individu a son libre arbitre.

Par exemple, si je reçois 15 clients à mon cabinet dans la semaine, je vais avoir une posture basée sur l’empathie, l’accueil inconditionnel et la congruence, avec des outils et méthodes totalement différentes de l’un à l’autre. Je ne serai jamais la même.  Je m‘adapte constamment à la particularité et l’unicité de chaque être. Je travaille avec différents outils relatifs au langage symbolique, pas uniquement avec les rêves. Mais si une personne souhaite spécifiquement travailler sur la compréhension de ses rêves, elle peut venir me voir. Dans le cadre d’une thérapie, bien entendu.

 “Le rêve peut nous permettre de nous orienter sur un nouveau chemin. Encore faut-il savoir le déchiffrer”

Qu’est-ce qu’un rêve, pour vous ?

Le rêve est un outil thérapeutique inné et puissant dont la vocation est de nous aider à nous révéler à nous-même. Notre inconscient produit en permanence, mais va aussi challenger, remettre en question notre réalité matérielle. C’est une porte d’entrée qui permet d’amorcer un dialogue intérieur avec soi-même.

C’est aussi un outil universel. En effet, tout le monde rêve, chaque nuit, qu’on s’en souvienne ou non. On se réveille souvent avec un scénario, une image ou quelques bribes. Le rêve est un véritable réservoir qui nous renvoie les angles morts, les zones d’ombres, les autres dimensions de notre être, mais aussi nos potentiels cachés… Il offre un scénario condensé, parfois dramatique ou amplifié. Sa charge émotionnelle peut nous laisser une empreinte, qui nous pousse à nous en rappeler.

Le rêve cherche à nous ramener à l’équilibre psychologique. Il permet de synthétiser et de transformer le vécu, en images compréhensibles par le conscient. Il réunit aussi les différentes dimensions de l’être : émotions, sensations, pensées, mémoires… ce qui en fait une matière très riche à étudier.

Pour moi le rêve est à la fois étrange, intense, magique, fabuleux, surprenant, intriguant, révélateur… il peut nous permettre de nous orienter sur un nouveau chemin, nous donner des orientations. Encore faut-il savoir le déchiffrer.

 “Le langage symbolique du rêve est l’expression individuelle de la personne, de son vécu, de son questionnement, de son cheminement. C’est de l’ordre de l’intime”

C’est justement ce que vous cherchez à faire : accompagner les gens dans la compréhension de leurs rêves ?

Ce qui me passionne, c’est surtout de leur permettre de se réapproprier la compréhension de leurs rêves à travers l’approche de Carl Gustav JUNG. Je me positionne comme une facilitatrice. Au Maroc, on a encore une relation très peu taboue au rêve : on le partage facilement à la table du petit-déjeuner ou avec ses proches. Ce n’est plus le cas en Occident, où le rationnel a pris le dessus et où l’on n’entretient plus véritablement ce rapport aux choses invisibles.

Au Maroc, l’idée selon laquelle le rêve est une source d’informations est encore très forte. De mon côté, je lutte pour que ce soit une source personnelle d’information. Laisser les autres interpréter nos rêves entrave le processus d’individuation. Le langage symbolique du rêve est l’expression individuelle de la personne, de son vécu, de son questionnement, de son cheminement. C’est de l’ordre de l’intime.


Pouvez-vous nous expliquer comment vous analysez un rêve?

Chaque rêve est à remettre en contexte avec son rêveur. Voici un exemple récent. Une femme que je suis dans mon cabinet a perdu son conjoint récemment, à cause du Covid-19. Tous deux avaient presque la quarantaine. Chaque nuit, cette femme rêve que son conjoint décédé vient lui rendre visite dans la maison de ses parents. Dans le rêve, il n’a pas l’âge qu’il avait lorsqu’il est mort, il a 25 ans.

Qu’est-ce que cela peut bien signifier? Eh bien, une partie d’elle – celle de ses 25 ans en l’occurrence – est en train de se manifester. A l’époque, elle était dynamique, active, et avait plusieurs projets. Lorsqu’elle a rencontré son mari, elle est devenue femme au foyer et a dû couper avec cette partie d’elle-même.

Actuellement, et à travers le rêve, elle est en train de se la réapproprier. Certes, elle est abattue par le chagrin, mais une pulsion de vie s’est réveillée en elle. Ici le rêve l’interpelle : qu’est-ce que je peux faire pour aller mieux ? Renouer avec ce dynamisme passé ? Comme à chaque fois, le rêve va puiser dans les sphères souterraines, dans la personnalité, dans l’identité du rêveur, pour faire émerger son message.


Vous avez conçu une grille permettant d’analyser soi-même ses rêves. Pouvez-vous la partager avec nous ?

Bien sûr, elle a vocation à être partagée avec le plus grand nombre. Contrairement à ce que l’on pense, le rêve n’est pas quelque chose de complexe et d’inaccessible. On n’a pas besoin d’une personne tierce pour nous l’expliquer. Une fois qu’on apprend à le faire soi-même, ça devient très simple. C’est pour cela que j’ai mis en place la grille de lecture PearEOS en 2016. Comment ? J’ai organisé les différents éléments du rêve de façon intuitive et conçu un outil permettant de déstructurer le rêve, pour pouvoir l’analyser en détails. La grille se décline comme suit :

Personnages
État
Action
Représentation
Environnement
Objets
Sentiment

Au réveil, le rêveur est invité à noter son rêve et à compléter la grille avec les éléments ci-dessus. Pour “Personnages”: qui y’avait-il dans mon rêve? Pour “État”: comment je me sentais? Pour “Action”: qu’est-ce que je faisais? Et ainsi de suite. Dans les ateliers que j’organise chaque mois, j’apprends aux participants à s’en servir et les retours sont très positifs car c’est un outil très simple d’utilisation et qui permet d’accéder à des résultats concluants rapidement.


Dites-nous en plus sur vos ateliers…

 Chaque mois j’organise un atelier «Just dream» pour initier les participants au langage des rêves. Je leur demande de venir avec un de leurs rêves (si possible) et leur apprend à mettre en lumière les messages de leurs rêves, sans qu’ils aient besoin de partager le leur. Je fais même un accompagnement dans la compréhension d’un rêve en live. L’atelier dure entre 2h30 à 3h et les places sont limitées à 10 personnes. Le prochain aura lieu le samedi 30 janvier 2021 à 14h30 au Damanjot (Casablanca).


Quels conseils donnez-vous à ceux qui souhaitent rêver mieux ?

Il y’a plusieurs étapes à suivre: tout d’abord, avant de se coucher, il faut émettre l’intention et le désir de s’ouvrir à cette partie de soi. On peut par exemple poser une question au rêve, qu’on formule au présent. Par exemple : “cette nuit, je trouve la solution de mon problème avec ma boss”. On note la question et le contexte de notre journée dans un carnet. Ensuite on va se coucher, de préférence dans un bon état de conscience modifié (donc sans avoir trop bu par exemple), histoire de se réveiller dans un moment assez lucide.

Le lendemain, on se réveille en douceur sans saisir directement son téléphone. On se laisse le temps d’émerger. On note les quelques bribes qui nous reviennent du rêve sur notre carnet, sans stresser si l’on ne se rappelle pas de tout. Ensuite, on utilise la grille de lecture PearEOS pour déchiffrer le rêve (ou celui qu’on trouve le plus important). C’est là que le véritable travail de remémorisation va commencer.

Surtout, il faut TOUJOURS écrire son rêve au temps présent : “je suis à tel endroit avec telle personne, etc.” Chaque rêve parle d’une réalité potentielle qui doit rester dans l’instant présent. Après avoir complété la grille, le rêveur note aussi son ressenti au réveil. Puis il peut s’interroger sur la réponse que le rêve lui a apporté à la question posée la veille.


Infos

Ilham Dairy – Psychothérapeute à l’approche centrée sur la personne

Tél. : 06.61.35.00.72

Fondatrice de l’organisme de formation Insan’NIYA – [email protected]

Atelier Just Dream le samedi 30 janvier 2021 à 14h30 au Damanjot (Casablanca) – Tarif : 500 DHS.

 

Par Anaïs Fa.

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