HUMEUR : LA PENTE GLISSANTE, MA SŒUR, LE COACHING ET MOI

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Devenir la meilleure version de soi-même, ce n’est pas donné à tout le monde. D’ailleurs, l’univers du coaching l’a bien compris. À tel point qu’il investit aujourd’hui tous les aspects de notre vie. Sport, boulot, alimentation, relations ou maison, plus rien n’est laissé au hasard. Les coachs sont devenus les nouveaux psys de la génération X. Enfin, surtout pour ma sœur. L’humeur (autodidacte) du mois, c’est par ici. 

“Quand on est convaincu d’une chose, elle devient la réalité, notre réalité”. Ça a commencé insidieusement avec cette phrase du livre de Laurent Gounelle, que j’ai eu entre les mains grâce aux conseils insistants de ma sœur. Selon ses propos, un auteur “qui lui a ouvert les yeux et le cœur”. Soit. Selon moi, un écrivain bidon qui tire sur les ficelles du coaching en jouant les codes du développement personnel et du roman à l’eau de rose. Résultat, à la fin du dernier chapitre, ce livre ne m’a appris que des vérités aussi pertinentes que le feu ça brûle ou l’eau ça mouille. Pour la prise de conscience révolutionnaire, on repassera. Cette lecture a pourtant eu un impact complètement inattendu chez ma sœur. Qui, fascinée, s’est mise à enchaîner tous les bouquins du même genre avant de se lancer dans un “coaching profond” avec un expert en bien-être. Je ne savais même pas que ça existait. 


Ils sont partout

Il est vrai que sur l’échelle du « bien-être », tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Il n’y a pas de mal d’ailleurs à ce que certains aient besoin d’un petit coup de pouce. Pourtant, je ne peux pas m’empêcher de voir d’un mauvais œil l’essor fulgurant du coaching dans mon entourage. Car ma sœur n’est pas la seule concernée, loin de là. Plus une soirée entre amis ne se passe sans que l’on me vante le mérite de tel ou tel nouveau coach fraîchement débarqué en ville qui lui a « changé sa vie ».
C’est un fait : du simple entraîneur sportif au coach d’entreprise en passant par la compatibilité de l’horoscope, le coach pousse désormais autour de moi comme les drapeaux marocains en pleine Coupe du monde. Dans la vraie vie comme sur les écrans d’ailleurs. Car sur les réseaux sociaux aussi, la tendance est bien présente. Plus moyen de scroller tranquille. Il suffit de 5 minutes pour qu’un inconnu débarque sur mon feed Instagram tout sourire pour m’expliquer comment « réorganiser ma vie ». Je ne sais pas vous, mais moi je dis que ça sent l’arnaque à plein nez.

 


Money money money

Une certitude qui m’a notamment frappée après que ma meilleure amie a consulté un coach en « relationship ». Pas une thérapie de couple avec un bon vieux psy, non, un coach. Quelques semaines plus tard, lorsqu’elle s’est (enfin) décidée à se séparer de son mec, ce n’était pas parce que c’était un pervers égoïste assumé. Non, c’est parce qu’il n’a pas assez appliqué « les préceptes recommandés » par son nouveau gourou du cœur. En apprenant la note de ses séances, j’ai failli m’étrangler. Lorsqu’elle m’a ensuite demandé si je ne connaissais pas un coach expert en séparation, c’est là que j’ai compris qu’il y avait un sérieux problème. 


Give me more 

Car développer une addiction au coaching est à haut risque. Reprenons le cas de ma sœur qui a décidé de se lancer dans un  « coaching bien-être ». Son coach lui a ensuite chaudement recommandé un entraîneur pour se rebooster, rien d’anormal jusque-là. Sauf que, quelques semaines après avoir sué sur son tapis de sport comme une illuminée, elle a soudain décidé de tout laisser tomber. Après ça, elle a souhaité rencontrer un coach en développement personnel pour comprendre le fait qu’elle abandonne tous ses projets. 

Puis ça a été un coach d’entreprise pour apprendre à mieux gérer sa carrière. Est venu ensuite le coaching de leadership, le coaching en communication orale puis le coach LinkedIn. Ce qui a dévié – allez comprendre– sur un expert en feng shui. Le tout en se gavant de vidéos d’un coach en nutrition. Bref, impossible de l’arrêter. 

Si bien que j’en suis arrivée à me demander si elle était capable de faire appel à un spécialiste en nouage de lacets. Quelqu’un s’est peut-être penché sur la question pour y trouver une approche plus spirituelle, qui sait ? Vous pouvez penser que j’exagère mais le fait est qu’aujourd’hui pour ma sœur, le coaching est devenu aussi normal que d’aller chez le médecin… ou la manucure. L’anglicisme et les diplômes en moins.


All by myself

C’est lorsque que je l’ai retrouvée un soir en pleine crise de rangement, complètement affolée parce qu’elle n’arrivait pas à placer une plante dans son appartement, que j’ai décidé de lui dire la vérité. Stop. That’s enough. La vraie vie n’est pas feng shui. Pourquoi dépenser son argent pour qu’un type autoproclamé coach lui explique comment gérer sa vie ? Et puis, n’est-ce pas un peu contre productif au final de s’appuyer sur une sorte de béquille émotionnelle ? Et quoi dire de cette relation de dépendance avec quelqu’un qu’on ne connaissait même pas un mois avant ?
Apprendre à s’élever, cela passe aussi par faire des erreurs. Devenir surperformant dans tous les domaines donne finalement l’impression de ne jamais « en faire assez ». Quand on sait que même la grande papesse du rangement, aka Marie Kondo, a déclaré je cite « vivre dans une maison en désordre » et que, pire, « c’est une bonne façon de gérer son temps », il y a de quoi réfléchir !


Where is my mind

Je vous passe les détails, mais la convaincre a été plus compliqué que prévu. Après une année entière à se faire accompagner par une horde de coachs divers et variés, la réponse n’a évidemment pas été celle que j’attendais. Maraboutée, elle était. Et lorsque j’ai fini par lui demander si elle voyait enfin pourquoi le coaching avait trop d’emprise sur elle, elle n’a su que me répondre : « tu sais dans la vie il faut savoir aller jusqu’au bout pour devenir la meilleure version de soi-même ». J’ai dû abdiquer. 

C’est finalement quelques jours après qu’elle a su trouver la réponse qu’elle cherchait : elle est devenue coach. Oui, oui, vous avez bien lu. Moi, je n’ai pas su quoi lui dire. Bonne ou mauvaise nouvelle ? Après tout, si des personnes souhaitent suivre des raisonnements apportés sur un plateau par des gens tout aussi névrosés qu’elles, il y a peut-être un filon à exploiter. Dites-moi ce que vous pensez parce que moi je ne sais pas s’il faut mieux en rire… ou en pleurer.

Photo (c) : Vogue

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