HUMEUR : LES TROLLS, MON ONCLE, SAAD LAMJARRED ET MOI

saad lamjarred

J’ai toujours pensé qu’affirmer ses convictions était une chose essentielle dans la vie. Pourtant lorsque je découvre certaines réactions face à l’actualité, je me dis qu’il faudrait parfois garder ses opinions pour soi. L’affaire Saad Lamjarred en est peut être le meilleur (le pire ?) exemple. Parce qu’il faut bien l’avouer, à l’heure du #MeToo marocain, les trolls qui se déchainent sur la toile, c’est un peu le ballet des horreurs. L’humeur (affligée) du mois, c’est par ici. 

Vous êtes évidemment au courant, à moins que vous ayez la chance de vivre dans une grotte sans wifi perdue dans le Pacifique. Vendredi 24 février 2023, Saad Lamjarred est condamné par la Cour d’assises de Paris pour viol aggravé et encourt 6 ans de prison. Un verdict à l’effet d’une bombe dans un procès déjà ultra-médiatisé qui aura retenu plus d’un an en haleine le Maroc tout entier. Mais si le procès est toujours en cours puisque rejeté en appel, c’est bien sur la toile que se joue, en coulisses, cette saga aux allures de téléréalité sur fond de générique sexe, drugs, and… raï’n’roll. L’heure du #MeToo marocain ? Force est de constater que tout et tout le monde ajoute son petit grain de sel, pour le meilleur et pour le pire. Et la période est chargée puisque à l’étranger aussi les sujets glauques ne manquent pas, de l’accident de Pierre Palmade (terrible) à la déclaration néomachiste de Vincent Cassel (inutile). Sans oublier la dernière petite surprise en date, la mise en examen pour viol de notre joueur-Dieu, j’ai nommé Achraf Hakimi. Résultat, bien calée derrière mon écran, je suis à deux doigts de sortir le pop-corn en me croyant devant une mauvaise telenovela tournée au Kazakhstan. 


Avalanche 

Et pour cause, depuis le verdict, pas un jour ne passe sans que le cas de Saad Lamjarred ne soit cuisiné à toutes les sauces sur les sites d’actualités et autres réseaux sociaux. Les éditoriaux pleuvent et les prises de positions sur l’affaire s’enchaînent dans tout le star système. D’un côté ceux qui soutiennent d’un amour inconditionnel la star pourtant incriminée. De l’autre, les clans dénonçant la culture du viol. Résultats, les trolls, ces individus qui, selon le Larousse, publient des messages sur le net « souvent par provocation, afin de susciter une polémique ou simplement de perturber une discussion », s’en donnent à cœur joie. Et se déchaînent sur l’équipe adverse à coups d’arguments sexistes, de petites phrases assassines, d’opinions religieuses et de retournements de veste qui donnent la nausée face à une affaire déjà bien assez sordide. Bref sur mon feed, la jungle 2.0 crie sa rage et sa soif de sang virtuel.


Tberguig mania

Ne me croyez pas au-dessus de ça. Débattre de ce genre de sujets avec mon meilleur cercle d’amis est un plaisir que je ne me refuse pas. De quoi alimenter les discussions au salon pendant ma pause manucure ou avec les collègues à la machine à café aussi. Mais cela en resterait simplement là si aujourd’hui, la moindre prise de parole d’une starlette ou autre influenceur n’était pas amplifiée et diffusée à grande échelle à une « communauté » déjà bien assez lobotomisée. Et je ne veux pas dire, mais entre la liberté d’expression et l’influence néfaste, il n’y a qu’un clic que certains ne devraient pas franchir. 


Double je

Nombreux sont ceux qui l’ont compris un peu trop tard à leurs dépends. Dans le cas Saad Lamjarred par exemple, les personnalités qui s’étaient empressées de soutenir la star à l’annonce du verdict ont dû rapidement se raviser après avoir reçu un tollé d’indignations de la part de leurs followers. Vous savez, comme après avoir été avoir été pris en flagrant délit, la main dans la boîte à biscuits. Oups, non sorry, pas moi, pas vu, pas pris. Et puis il y a ceux qui persistent et signent. Malgré tout et jusqu’au bout, ou encore ceux qui se mettent en mode silence radio. Finalement peut-être pas plus mal. Car, je ne sais pas vous, mais face à des drames tel que le viol ou l’homicide involontaire, on essaye de garder (pour une fois) ses opinions en privé en laissant la justice faire le reste. Histoire de ne pas partager n’importe quoi à n’importe qui. Surtout quand on ne sait pas vraiment de quoi l’on parle… Finalement les trolls, pour moi, c’est un peu comme mon oncle Rachid. Un énergumène qui n’hésite pas à la moindre soirée arrosée à critiquer les personnes en surpoids, les étrangers, les vegans et, bien sûr, à expliquer à qui veut l’entendre son avis bien tranché sur la guerre en Ukraine. Bref, très limite bien que pas bien méchant dans le fond. Mais allez donner à tonton Rachid une foule prête à entendre ses élucubrations et là je vous le dis, c’est la Troisième Guerre mondiale assurée. 


Toujours plus

Parce que les prises de parole « limites, limites » et autres « sorties de route », il y en a eu un peu partout. Eh oui, je plaide coupable de m’y intéresser. Impossible de ne pas cliquer sur la touche « commentaires » pour voir ce que le genre humain peut partager de pire. Dans mon florilège ? Par exemple que la victime soit critiquée et qualifiée de « fille de la France » dans l’affaire Saad Lamjarred. Hum, mais encore ? Que la star ne mérite pas cette sentence tout en implorant le Tout-Puissant de lui apporter son soutien. Passons. Pour Palmade, n’hésitons pas à rappeler la déclaration de Roselyne Bachelot concernant le tapage médiatique autour de l’affaire dû, selon elle, à la haine des riches. Really ? Il y a également la petite phrase de Vincent Cassel dans une interview accordée au journal The Guardian  qui déclare : « Si les hommes deviennent trop vulnérables ou féminins, il va y avoir un problème ». Bien, bien, bien. Je ne parle même pas de notre Hakimi national dont la saga « procès, gloire et beauté », ne fait que commencer et dont j’ai déjà choisi le camp. Bref, de quoi tenir encore jusqu’à la fin de l’hiver. Mais rappelez-vous, le jugement dernier arrivera bien assez tôt pour nous tous. Il serait peut-être temps de lâcher son téléphone et garder son avis pour soi. Enfin, sauf moi, évidemment. Parce que, comme tous les trolls de ce monde, mon opinion est finalement la seule qui compte à mes yeux. Je vous laisse méditer ça, en attendant je vais aller m’intéresser à ce qui ne me regarde pas.

Photo (c) : Vogue 

Par Sarah Kroche.

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