HUMEUR : LA RELATION MÈRE-FILLE, MON FRÈRE ET MOI

relation mère fille

Mais pourquoi la relation mère-fille est-elle si compliquée ? J’ai beau me considérer comme une adulte calme et sensée, je sors systématiquement de mes gonds dès qu’il s’agit de ma mère. Il suffit souvent d’une petite étincelle pour que je me transforme en ado en crise prête à mordre. L’humeur (psy) du mois, c’est par ici. 

Qui n’a jamais eu envie d’étrangler sa mère au moins une fois dans sa vie ? À l’échelle d’une année, cela m’arrive quasiment… 360 jours par an. Ne me jetez pas la pierre. Car si notre relation mère-fille est généralement au beau fixe, pas une semaine ne passe sans que je rumine une remarque dont elle seule a le secret. Et si l’amour d’une maman est un lien précieux, il peut aussi souvent être conflictuel, intrusif et cassant. Pas étonnant que sur les divans des psys comme en littérature, la relation mère-fille occupe une place de choix. D’ailleurs, selon l’article “My pride and joy ?” publié sur le site de l’American Psychologial association, 75 % des mères avec plusieurs enfants ont un lien affectif plus prononcé avec l’un d’eux. Soit. Cela devient un peu plus intéressant lorsque l’on apprend que ce lien est plus souvent développé avec leur fille et implique davantage de conflits qu’avec leur garçon. Damn it, c’est donc vrai ! Malgré tout, mon frère est aussi largement impacté par la force de frappe de celle qui l’a porté 9 mois dans son ventre. Bref, entre amour inconditionnel et haine sournoise adolescente, il n’y a qu’un pas que l’on franchit bien plus souvent que l’on ne le souhaite.


Ftour anxiety

Avec l’arrivée du ramadan et la multiplication des réunions de familles, il m’est même arrivé de développer une nouvelle psychose ces derniers temps : la ftour anxiety. Le fait est que ma mère a toujours eu le don de glisser une critique cachée dans une phrase d’apparence bienveillante. Et en ce moment, c’est un peu le festival des piques entre deux bouchées de briouates à la maison. Vous savez, la phrase du type “Quand je vois ta mine, tu aurais pu te maquiller un peu. Avant d’ajouter, en donnant un coup de fourchette dans le plat de son chef préféré, que de toute façon à force de travailler, j’allais passer à côté de ma santé, de ma vie et surtout que je n’allais pas être une bonne mère pour mes enfants. Mais quand arrêtera-t-elle de me faire culpabiliser ? Avec une personne lambda, cette déclaration aurait pu m’arracher un sourire crispé. Mais face à elle, impossible de me contenir. Je suis partie en roue libre. Là, face à toute la famille réunie, j’ai renversé la moitié de la harira et crié comme une poissonnière en annonçant qu’elle n’allait plus jamais me revoir, avant de claquer la porte. Résultat ? Une semaine après, j’ai réintégré le ftour familial et nous avons tous fait comme si de rien n’était. C’est ça aussi, la relation mère-fille : tout le monde sait qu’il ne vaut mieux pas s’y frotter. 


Finalement, elle avait raison

Ne pensez pas que je n’aime pas ma mère. Je l’adore et j’ai pour elle un immense respect et une grande admiration. Pourtant, ce qu’elle arrive à m’inspirer ressemble bien trop souvent à de l’angoisse. Et pour cause, la moindre remarque émanant d’elle a un effet sur moi dévastateur. Comme si elle avait un super pouvoir. Et je ne suis pas la seule à subir ses rayons X supersoniques. Car si la relation mère-fille peut être compliquée, que dire du lien mère-fils ? Avec mon frère, par exemple, il se passe un phénomène étrange. Au contact de notre maman, il se transforme soit en petit fiston parfait, soit en adolescent mal embouché. À lui, bien sûr, on lui passe tous les caprices. Pas étonnant d’apprendre qu’aux Etats Unis une mère sur dix n’a plus de contact avec au moins un de ses enfants adultes et plus souvent avec leurs filles qu’avec leurs fils ! Les hommes seraient-ils donc les éternels épargnés de cette pression affective par rapport aux femmes ? Quoi qu’il en soit, là où l’on se retrouve souvent comme deux gamins sur le même pied d’égalité, c’est quand plusieurs mois après, mon frère et moi on réalise que finalement c’est elle qui a toujours raison. Bref, dans la famille, la schizophrénie n’est jamais très loin.


Telle mère, telle fille…

Il a bien fallu l’accepter. Ma mère a, comme tout être humain sur cette Terre, ses petits défauts. Ses punchlines aiguisées qui nous mettent KO sont en fait une façon de nous prouver son “amour incondittionnel”. Après tout, ne dit-on pas que l’enfer est pavé de bonnes intentions ? Ou peut-être est-ce seulement l’âge… La suite ? Je vous donne dans le mille : ces défauts sont au fil du temps devenus des traits exacerbés de ma personnalité. Car dans chaque relation mère-fille il y a un point à ne pas négliger, la capacité à mimétiser. Ainsi, je suis devenue la nouvelle version 2.0 de ma très chère mère et des névroses qui vont avec. C’est plus fort que moi. Avec mes enfants, comme avec mes amis. À tel point qu’aujourd’hui la moindre personne qui me dit que je ressemble “tellement” à ma mère, je ne sais pas si je dois lui répondre “merci” ou “pardon”. Parce que, outre la ressemblance physique, ”notre mère est aussi un miroir de ce que l’on ne veut pas voir chez nous”, comme me l’a gentiment indiqué ma psy. Ce qui nous refile en passant une bonne dose de questions existentielles, dont celle un peu honteuse de ne surtout pas vouloir “lui ressembler”. On ne serait pas sur un serpent qui se mord la queue là ? 


Touche pas à ma mère

C’est enfin lors d’une discussion avec ma meilleure amie que j’ai eu une révélation. Alors que j’étais en train de pester sur ma matriarche, elle a fini par faire ce que toute bonne copine aurait fait : la critiquer. “Ta mère, on la connaît, elle a toujours été un peu folle et beaucoup trop intrusive”, me dit-elle au téléphone. “Pardon mais tu peux répéter ? Ce n’est pas parce qu’elle essaye de me donner des conseils qu’elle est intrusive. Et si ta mère à toi est beaucoup trop lisse, nous au moins on se dit les choses et il y a de la vie !”, je lui ai répondu, piquée au vif. Un peu trop sournois ? Quoi qu’il en soit, cela m’a permis de comprendre que malgré tous les reproches que je peux faire à ma mère, elle a toujours voulu le meilleur pour moi. Et surtout, surtout, il n’y a que moi qui ai le droit de la juger. Et que si j’y prends quelqu’un, je vous le promets, je le détruis à coup de punchlines bien senties jusqu’à ce qu’il agonise. Parce que si je lui dois bien quelque chose à maman adorée, c’est de m’avoir appris à savoir appuyer là où ça fait mal. Mais toujours avec amour, évidemment. Merci maman. On se voit au prochain ftour. 

 

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Photo (c) : Max Abadian

Par Sarah Kroche.

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