HUMEUR : LE MARIAGE, LA FAKE LIFE 2.0, LE REGRAM ET MOI

regram

Dans le monde merveilleux d’Instagram, il est de plus en plus difficile de départager le vrai du faux. Des faux comptes aux photos publiées en mode regram, finalement rien n’est plus facile que de brouiller les pistes sur la toile. Et il suffit parfois d’une simple robe blanche pour que l’on se retrouve mariée dans la seconde par sa communauté de followers. Mais pourquoi est-il si facile de tomber dans le panneau ? L’humeur (amusée) du mois, c’est par ici.

Je ne veux pas radoter, mais l’époque du bon vieux téléphone fixe me manque. Ne vous méprenez pas, je bénis les nouvelles technologies et leur florilège d’applications qui facilitent la vie (Ah Glovo…). Mais je suis nostalgique du temps où l’on prenait VRAIMENT des nouvelles d’un proche. Que voulez-vous, aujourd’hui, plus besoin de téléphoner à vos connaissances pour savoir comment ils vont ou ce qu’ils ont fait de leur journée. Non, tout est là, disponible 24h/24h via les stories et autres publications Instagram interposées. Enfin, presque… Parce que certains y voient plutôt le moyen de réorganiser leur quotidien, ou sinon leur vie. Qui donc ? Les fake instagrameurs ou les adeptes du regram. Deux mots 2.0 pour désigner ceux qui n’hésitent pas à faire de leur existence un roman-photo… à réalité différée. Vous pensez tout connaitre d’eux ? Félicitations, vous êtes (encore) tombés dans le panneau. 


Poste-moi, je te dirais où je suis 

Le fait de s’inventer une vie sur les réseaux sociaux est un phénomène qui ne date pas d’hier. Le meilleur exemple est peut-être l’histoire d’Anna Delvey (ou Anna Sorokin pour les intimes…) racontée dans un docu-fiction Netflix. C’est l’histoire de cette fausse milliardaire qui a berné le gotha de New York, notamment en faisant parler d’elle sur la toile. Mais dans cette course à la visibilité sur Instagram, le “regram” est un nouveau fléau qui fait de plus en plus perdre la tête à ses abonnés. Vous savez, le fait de garder des images “en stock” pour les poster plus tard… Des photos gardées bien au chaud pour raviver un feed tristounet en temps de disette. En train de chiller sur son canapé en matant un film ? Pas grave on poste ce restaurant hype testé il y a plusieurs semaines sur une terrasse à Miami. Diversions, faux semblants, et surtout, très perturbant. L’exemple type ? Les publications de ma meilleure amie qui n’hésite pas à user et à abuser du regram – sans le mentionner. Du coup, avant chaque rencontre je suis prise d’un coup de stress en la voyant voguer sur les eaux d’Ibiza ou en train de se dorer la pilule en Turquie.Mais attend, on ne devait pas se voir, où es-tu ?” est généralement le DM que je lui envoie. “Mais non c’est une ancienne photo, je suis chez l’épicier en bas de chez toi”, me répond-elle, hilare à chaque fois. Et moi, l’impression d’être encore passée pour un pigeon d’Instagram commence sérieusement à me taper sur le système.


Mariage neurasthénique

Je dois confesser que si le concept du regram m’énerve autant c’est parce que j’en suis sa première adepte… et victime. Mon feed est en effet truffé de publications à retardement. Je peux ne rien poster pendant plusieurs mois puis partager d’un coup une avalanche de posts retraçant un an de ma vie. Bref, tant par les photos que par la chronologie, c’est toujours un peu la chasse à l’aveuglette pour mes abonnés. Jusqu’au jour où j’ai compris que ça allait trop loin. Le déclic ? Un post avec BAE, il me porte dans une robe blanche façon Dirty Dancing, mais postée six mois après. Souvenir romantique ? Certainement. Demande officielle en mariage ? Pas du tout. Pourtant, si cette photo ne représentait rien de plus qu’un bon moment, ma communauté a décidé de me marier à la minute et d’enchaîner les messages de félicitations et youyous de rigueur. Mais quelle mouche les a donc piqués ? On a tout de même le droit de porter une robe blanche sans se faire passer la bague au doigt, non ? Et si ces gens-là se considèrent comme mes amis, pourquoi ne m’appellent-ils pas pour demander confirmation ? J’en étais à peu près là quand mon chéri m’a écrit en rigolant “heureusement que j’ai demandé ta main deux jours après cette photo, sinon j’étais mal !”. Mouais. Heureusement. Mais tout de même… si j’avais dit non, ils m’auraient quand même félicité ? Allons plus loin : si je poste une photo en costume noir, vais-je recevoir des messages de condoléances ? Car si on peut se marier sur la toile, peut-être qu’on peut aussi se faire mourir dignement et l’annoncer par post interposé ?


Le jour d’après

Après avoir décidé de laisser mon alter ego 2.0 en vie, j’ai donc répondu à tous les messages de remerciements de mes adorateurs (ou détracteurs…). Dans l’euphorie, j’ai posté une autre photo de mes voyages passés, histoire de les garder dans le flou. Ça leur fera les pieds. Mais je me suis prise à mon propre jeu quand je me suis rendu compte que l’un de mes amis de longue date ne m’avait rien souhaité. C’est en faisant un tour sur son profil que j’ai réalisé que l’énergumène en question s’était déconnecté des réseaux. Complètement. Est-il toujours vivant ? Est-il marié ? En couple ? Peut-être faut-il appeler les pompiers, ou sa mère, qui sait ? J’ai compris qu’Instagram me permettait, comme tout le monde, de garder un œil sur les gens que je ne côtoie pas au quotidien. Du coup, j’ai fait quelque chose de plus en plus rare de nos jours : je l’ai appelé au téléphone. Oui comme ça, en appel direct sans même prendre rendez-vous. J’en étais presque à me demander si je devais moi aussi me faire une digital detox quand j’ai reçu un nouveau commentaire sur mon feed, me demandant “quand est-ce que le bébé est prévu”… Avec un sourire malsain, j’ai pensé qu’il ne restait plus qu’à convaincre mon futur mari de poster une photo avec un nouveau-né. Pas le nôtre, évidemment, mais bon, ça, personne ne le saura. Je vais en choisir un aux yeux verts, tiens. Si vous en avez un sous le coude, n’hésitez pas, je suis preneuse.

Par Sarah Kroche.

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